Des Juifs allemands portent plainte pour crimes de guerre contre des dirigeants israéliens

Par Ali Abunimah, le 12 septembre 2022

Premier ministre israélien, Yair Lapid, à droite, avec le chancelier allemand, Olaf Scholz, le 12 septembre, sur le site berlinois de la Conférence de Wannsee au cours de laquelle les aides principaux d’Adolf Hitler, prédécesseur de Scholz, ont planifié l’extermination systématique des Juifs. (Hannibal Hanschke /ZUMAPRESS)

Une organisation juive en Allemagne a porté, contre le premier ministre israélien, Yair Lapid, et le ministre de la Défense, Benny Gantz, des accusations de crimes de guerre commis lors du bombardement qu’ils ont commandité cet été à Gaza.

L’attaque surprise par Israël du 5 au 8 août a fait une cinquantaine de morts palestiniens dont 17 enfants. Au moins 350 personnes furent blessées.

« Il s’agissait d’une frappe prétendument préventive qui aurait été menée sans menace concrète, » a déclaré dimanche Jewish Voice for a Just Peace in the Middle East.

« Devant le public, cette attaque excessive a été largement décrite comme une légitime défense contre le Jihad islamique palestinien, qui n’a en fait tiré des roquettes qu’en réponse au bombardement israélien », a ajouté le groupe. « Mais même dans le cas contraire, rien ne justifierait une telle ampleur de souffrances et de destructions civiles. »

« Israël, grâce à la complicité internationale – y compris allemande – dispose d’une technologie d’armement des plus modernes, et est évidemment capable de mener des attaques précises », a déclaré Jewish Voice.

« On a beau prétexter que tant de victimes civiles sont acceptables pour éliminer quelques combattants, le résultat final reste un massacre. »

Un « modéré » soutenu

En portant devant la Cour Fédérale de Justice de l’Allemagne de telles accusations à l’encontre de Lapid et Gantz, le groupe veut que « les deux principaux responsables de cette souffrance rendent compte de leurs actes ».

La plainte pénale, dont The Electronic Intifada a pu voir une copie, accuse les deux hommes de crimes contre l’humanité et de crimes de guerre dans leurs rôles dans l’attaque sur Gaza.

Le moment de dépôt de la plainte fut choisi pour coïncider avec une visite de deux jours en Allemagne par Lapid  afin de promouvoir le commerce d’armes entre Berlin et Tel Aviv.

La visite a aussi donné au Chancelier Scholz l’opportunité d’affirmer son soutien à Lapid pour les élections israéliennes qui approchent.

Lapid, dont la politique brutale anti-palestinienne n’a rien pour la différencier de celle du chef d’opposition et ancien premier ministre, Benjamin Netanyahu, est cependant soutenu par les dirigeants européens qui le présentent à tort comme « centriste » et « modéré ».

Fuyards devant la justice

Quant à Gantz, il y a eu déjà des tentatives pour l’amener devant une cours de justice européenne ou internationale.

Le ministre israélien de la Défense est la cible probable d’une enquête en cours à la Cour pénale internationale, un processus qui semble désormais avancer très lentement – si toutefois il avance ! – sous l’égide du nouveau procureur en chef, Karim Khan.

Khan semble chercher surtout à apaiser les payeurs occidentaux de la CPI, soutenant ainsi leur tentative de transformer la Cour en arme politique dans leur guerre géopolitique contre la Russie, alors que la vocation de cette Cour est de servir de forum pour des victimes qui n’ont d’autre choix pour trouver une justice impartiale.

Depuis 2018, Ismail Ziada, un citoyen palestino-néerlandais, a une plainte en cours contre Gantz aux Pays-Bas, le mettant en cause dans un bombardement de Gaza en 2014 qui a tué la mère de Ziada, ses trois frères, une belle-sœur, son neveu de 12 ans ainsi qu’une septième personne alors en visite dans la famille.

Jusqu’ici, les juges ont bloqué la demande de Ziada que justice soit rendue, arguant que des fonctionnaires étrangers ne peuvent faire l’objet d’une plainte civile dans un tribunal néerlandais.  Le cas est en appel.

On a entendu Gantz, qui était chef des armées au moment de l’assaut de 2014, se vanter par la suite qu’avec les bombardements, il avait « renvoyé Gaza à l’âge de pierre ». 

Mais même les pays européens qui reconnaissent une juridiction universelle en ce qui concerne les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité se sont pliés en quatre pour protéger les criminels de guerre israéliens des poursuites. 

En 2002, les tribunaux belges avaient déjà mis fin à un effort pour amener Ariel Sharon devant la justice du fait des massacres de réfugiés palestiniens  à Sabra et à Shatila qu’il a supervisés en tant que ministre de la Défense lors de l’invasion israélienne du Liban il y a 40 ans cette semaine.

L’année d’après, seulement quelques mois après l’invasion illégale de l’Irak menée par les États-Unis, la Belgique a révoqué sa loi de juridiction universelle sous une intense pression étasunienne, protégeant les dirigeants américains, britanniques, israéliens et d’autres chefs d’état occidentaux de toute tentative visant à les tenir responsables de leurs crimes.

D’autres dirigeants israéliens impliqués dans des crimes de guerre, tels que le Général Doron Almog et l’ancienne ministre des Affaires Étrangères, Tzipi Livni,  ont échappé aux procureurs à plusieurs reprises avec l’apparente complicité des gouvernements européens.

Tout en échappant régulièrement à l’arrestation, Livni a même reçu un « prix de la paix » en Allemagne en 2020.

Malheureusement, les chances que justice soit rendue dans le pays dont le gouvernement a assassiné des millions de Juifs pendant la Seconde Guerre mondiale sont minces.

Des procureurs allemands – où d’anciens membres du parti nazi d’Hitler ont dominé le ministère de la Justice jusque dans les années 1970 – ont clairement fait savoir qu’ils ne s’opposent pas à ce qu’Israël tue des Palestiniens et même des citoyens allemands.

En dépit d’une loi allemande qui l’exige, les procureurs fédéraux ont refusé d’ouvrir une enquête sur le meurtre par Israël en 2014 d’Ibrahim Kilani, un citoyen allemand, avec sa femme et ses enfants nés en Allemagne.

La culture politique de l’Allemagne, tordue et profondément hypocrite, considère le soutien inconditionnel aux crimes israéliens contre le peuple palestinien et le vol de leur terre comme une sorte « d’expiation » pour l’Holocauste, comme si c’était les israéliens – alors que l’Etat d’Israël n’existait pas à l’époque – et non les Juifs d’Europe, qui furent les victimes d’Hitler.

Pour les nazis d’hier comme d’aujourd’hui, prodiguer des louanges et accorder un soutien sans faille à Israël est une sorte de « badge d’impunité » qui peut servir de bouclier contre toute accusation de racisme anti-Juif.

Les Palestiniens sont les bouc émissaires d’un sacrifice à la fois métaphorique et réel.

Le service international de diffusion allemand, Deutsche Welle, par exemple, a récemment procédé à une purge des journalistes palestiniens et arabes, bien que les tribunaux allemands soient revenus sur deux de ces licenciements.

Ces journalistes ont été renvoyés sur la base de fausses allégations d’antisémitisme en raison des critiques qu’ils avaient formulées à l’encontre d’Israël.

Néanmoins, et conformément à la rigueur idéologique imposée en Allemagne, Deutsche Welle vient d’adopter un nouveau code de conduite qui requiert de chaque employé le total soutien au « droit d’exister » d’Israël.

Mais Jewish Voice for a Just Peace in the Middle East reste ferme dans sa détermination de contester ce status quo pervers.

« En tant qu’organisation juive, nous défendons les droits universels de l’humain, » a déclaré le groupe. « Comme beaucoup d’organisations juives à travers le monde, nous insistons sur le fait que l’état d’Israël ne représente pas les Juifs et ne peut s’exprimer en notre nom. Israël doit être, comme n’importe quel autre état, tenu pour responsable de ses crimes de guerre. »

Source : The Electronic Intifada

Traduction BM pour l’Agence média Palestine

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