Grève palestinienne contre le siège israélien d’un camp de Jérusalem

Par Zena Al Tahhan, le 12 octobre 2022

Les forces israéliennes ont bloqué les entrées et les sorties du camp de réfugiés de Shuafat et des zones environnantes, affectant plus de 100 000 personnes.

Les forces israéliennes effectuent une perquisition dans le camp de réfugiés palestinien de Shuafat [File: Ahmad Gharabli]

« Dans Jérusalem-Est occupée« 

Les Palestiniens du camp de réfugiés de Shuafat et des quartiers environnants de Jérusalem-Est occupée ont lancé une grève générale pour protester contre un siège de plusieurs jours par les forces israéliennes qui a gravement affecté l’accès aux services de base.

Les magasins et les écoles de la région sont restés fermés mercredi, et les ouvriers ont refusé d’aller travailler. Les étudiants de l’Université de Birzeit, près de Ramallah, ont également boycotté les cours par solidarité. La ville de Naplouse, dans le nord de la Cisjordanie occupée, a également observé une grève générale, et des affrontements ont eu lieu avec les forces israéliennes aux postes de contrôle près de Ramallah et de Bethléem, faisant plusieurs blessés par balles réelles. Les forces israéliennes ont également envoyé du gaz lacrymogène sur les résidents du camp de réfugiés de Shuafat qui défilaient contre le siège. 

Le camp, avec ses quartiers voisins d’Anata, Ras Khamis, Ras Shhadeh et Dahiyat al-Salam, compte 130 000 résidents palestiniens. Ceux-ci vivent entièrement encerclés par le mur de séparation israélien et n’ont que deux points de sortie et d’entrée –  des postes de contrôle tenus en permanence par des agents de la police des frontières. Ces « check-points » sont fermés depuis samedi soir après qu’un soldat israélien ait trouvé la mort lors d’une fusillade au poste de contrôle principal du camp.

Un homme est assis devant un magasin fermé en signe de protestation contre la répression israélienne dans le camp de réfugiés de Shuafat [Ammar Awad/Reuters]

La police et les forces spéciales israéliennes,  à la recherche du suspect, Uday Tamimi, 22 ans, qui tenterait d’après eux de s’enfuir vers la Cisjordanie occupée, mènent des raids et procèdent à des arrestations. Onze palestiniens ont été arrêtés à ce jour. 

Lors d’une descente dans le camp de réfugiés effectuée mardi par les forces israéliennes, des affrontements ont eu lieu avec de jeunes palestiniens. Selon les habitants, au moins un palestinien fut blessé par balle à l’estomac, et des dizaines d’autres blessés par des balles en caoutchouc et par l’inhalation de gaz lacrymogène.  Les forces israéliennes ont également pulvérisé de grandes quantités d’eau « de moufette » – un liquide nauséabond inventé par la société israélienne Odortec – les résidents et les maisons dans les ruelles étroites du camp.

Les habitants du camp se sont déclaré en état de « désobéissance civile », et les habitants d’Anata ont dit dans un communiqué que les palestiniens devaient « agir comme un seul homme pour briser le siège ». À Naplouse, le groupe armé Lion’s Den a également appelé à une journée de mobilisation générale pour affronter les forces israéliennes en réponse à la poursuite du siège.

Les forces israéliennes prennent position lors d’affrontements avec des manifestants palestiniens après l’entrée de l’armée dans le camp de réfugiés de Shuafat [Mahmoud Illean/AP Photo]

« Inacceptable »

L’accès aux services de base, notamment aux soins de santé et à l’éducation, comme l’approvisionnement en aliments et la collecte des déchets, a été gravement entravé depuis le début du blocus.

L’UNRWA, l’agence des Nations Unies qui gère le centre médical principal du camp et se charge aussi de l’éducation et de la collecte des déchets, a déclaré que la situation était « inacceptable ».

« Notre capacité à fournir des services – que ce soit d’éducation, de santé ou de santé environnementale –, déjà très perturbée, risque de s’interrompre », a déclaré Kazem Abu Khalaf, porte-parole de l’UNRWA, à Al Jazeera.

« Si les gens arrivent parfois à entrer, sortir s’avère extrêmement difficile. Nous sommes en contact avec les autorités israéliennes et nous ne cessons de leur dire que c’est inacceptable », a déclaré Abu Khalaf.

« Plus de 100 000 personnes se trouvent ainsi totalement bloquées. Beaucoup regardent cela comme une punition collective. »

« Nous pourrions être contraints de mettre en œuvre les mesures que nous avons prises pendant le COVID-19 – revenir à l’éducation en ligne, apporter les médicaments, en particulier pour les personnes âgées, à domicile », a ajouté Abu Khalaf.

Les forces israéliennes montent la garde lors d’un raid de l’armée dans le camp de réfugiés de Shuafat [Dossier : Mücahit Aydemir/Anadolu]

« Camp en danger à tous les niveaux »

Mahmoud Abu al-Antouz, chef du comité populaire du camp, a déclaré que plus de 3 000 habitants qui souffrent de « maladies chroniques, ont besoin d’aller en chimiothérapie, ou ont besoin de dialyse rénale ».

« Ces personnes sont assises chez elles et attendent la mort », a déclaré al-Antouz à Al Jazeera.

Avec la fermeture du camp, ce dernier est en danger à tous les niveaux : sanitaire, environnemental et nutritionnel », a-t-il ajouté. « Les provisions alimentaires sont interdites d’entrée. Les équipes médicales ne peuvent se rendre sur place. »

Selon Al-Antouz, plus de 5 000 élèves palestiniens du camp qui doivent traverser quotidiennement les points de contrôle pour se rendre dans des écoles situées dans d’autres quartiers de Jérusalem sont contraints depuis quatre jours de rester chez eux.

Abu Khalaf estime que le camp et les zones environnantes produisent environ 10 à 15 tonnes de déchets solides chaque jour, et rappelle que l’UNRWA est responsable de la collecte en coordination avec les autorités israéliennes.

« Ce n’est que mardi, et après une longue discussion avec les autorités israéliennes, que nous avons pu faire entrer le compacteur qui collecte les déchets dans le camp, et qu’on a pu embarquer une partie des ordures qui s’accumulaient – ces mêmes ordures qui mettent la santé des habitants à risque », a déclaré Abu Khalaf. « Lorsque le camion a tenté de sortir du camp, il lui a fallu sept heures pour traverser le poste de contrôle pour se rendre à la décharge. »

Les forces de sécurité israéliennes mènent un raid dans le camp de réfugiés palestinien de Shuafat [File: Ahmad Gharabli]

Medhat Deebeh, un avocat désigné par les résidents du camp, a déclaré que lui et ses collègues avaient déposé une plainte officielle auprès des autorités israéliennes pour lever le siège.

« Nous leur avons parlé de la souffrance de ces plus de 130 000 personnes à Shuafat », a déclaré Deebeh à Al Jazeera. « Nous avons obtenu une première réponse, à savoir que la situation est en cours d’examen », a-t-il ajouté.

« Le siège affecte l’environnement, la santé. Les poubelles s’entassent, les autorités empêchent la collecte des déchets. Hier, nous avons eu un blessé par balle réelle et n’avons pu lui fournir que les premiers secours sur place – il a fallu attendre longtemps avant qu’il ne soit autorisé à se rendre à l’hôpital », a déclaré Deebeh.

Le camp de réfugiés de Shuafat a été construit par l’UNRWA en 1965 pour loger les réfugiés palestiniens expulsés de leurs maisons dans des régions comme Lydd, Ramla et Gaza lors de la création d’Israël en 1948, événement connu des palestiniens sous le nom de « Nakba », ou catastrophe.

La moitié de Jérusalem, y compris le camp, a été occupée militairement par Israël en 1967 et annexée illégalement, une décision dont le droit international ne reconnaît pas la légitimité.  Il y a actuellement 350 000 Palestiniens à Jérusalem, dont au moins 220 000 colons israéliens vivant dans des colonies illégales. Environ 86 % de Jérusalem-Est occupée est sous le contrôle direct du gouvernement et des colons israéliens.

Tant que le blocus se poursuit, a déclaré Al-Antouz, le chef du comité populaire, la situation à Shuafat continuera à s’empirer.

« Nous appelons à une intervention internationale pour venir en aide à ce camp. »

Trad. B.M pour l’Agence Média Palestine

Source : Al Jazeera

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