Il n’existe ni espoir ni futur dans la politique d’apartheid d’Israël

Le système politique israélien est construit pour perpétuer l’apartheid, et non pour y mettre fin. Les résultats de ces élections n’y changeront rien.  

Par Jonathan Ofir, le 30 octobre 2022 

Posters pour les élections à venir, 27 octobre 2022 à Jérusalem. Le quatrième scrutin israélien pour les élections nationales de la Knesset en moins de 4 ans est prévu le 1er Novembre 2022. (Photo: Saeed Qaq/APA Images) 

Le public israélien ira voter ce mardi. Autrement dit,  celles et ceux qui ont suffisamment de privilèges dans le seul état d’apartheid de la rivière à la mer. Pas les Palestinien.nes sous occupation sans réelle représentation politique, ni les réfugiés expulsés. Les 1,7 millions de Palestinien.nes qui sont citoyen.nes israélien.nes peuvent voter, mais ils/elles ne peuvent avoir de représentation nationale. L’organisation israélienne de défense des droits humains, B’tselem, qui a publié l’année dernière un rapport accablant sur l’apartheid israélien “de la rivière à la mer”, a aujourd’hui publié une communqiué en vue des élections intitulé “Ce n’est pas une démocratie dynamique. C’est un régime d’apartheid”, un texte qui pousse tout autant à la réflexion. Il se termine comme ceci : 

“Un seul régime gouverne toute la zone ainsi que le destin de chacune des personnes qui y vivent. Ce régime agit selon un unique principe directeur : faire avancer et consolider la suprématie d’un unique groupe (les Juif.ves) sur un autre groupe (les Palestinien.nes). Sous ce régime, les citoyen.nes juif.ves ont le monopole du pouvoir politique. Seul.es les Juif.ves ont une réelle place à la table où le destin des Juif.ves et des Palestinien.nes est déterminé. Ce n’est pas une démocratie. C’est un apartheid.“ 

Et donc, dans cette réalité qu’est l’apartheid, les dirigeants sionistes jouent entre eux à la “démocratie juive”. L’enjeu est censé être immense : Netanyahou sera-t-il de nouveau élu ou non ?

Dans le camp anti Netanyahou, des noms grandiloquents sont apparus ces dernières années. Le rival de Netanyahou, Gideon Sa’ar, a lancé il y a quelques années son propre parti, “Nouvel Espoir”. Mais Sa’ar n’offre pas de nouvel espoir aux Palestinien.nes ; il est même plus à droite que Netanyahou. En parallèle, Nouvel Espoir a fusionné avec le parti de Benny Gantz, Bleu Blanc, pour créer un nouveau parti appelé Union Nationale, avec à sa tête Gantz. Ce dernier est lui aussi censé être un libéral anti Netanyahou, qui s’est vanté, alors qu’il entrait en politique, d’avoir ramené Gaza à “l’âge de pierre” (en tant que chef d’État major). Encore une fois, c’est sans espoir.  Yair Lapid, lui aussi censé être libéral, a lancé “Yesh Atid” il y a une dizaine d’années ; le nom du parti signifie “Il y a un avenir”. Le principe déclaré de Lapid est “un maximum de Juifs sur un maximum de terres, avec un maximum de sécurité et avec un minimum de Palestiniens”. Quel avenir, hein ?

C’est un vrai film d’horreur, avec ou sans Netanyahou. “Nouvel espoir”, “Il y a un avenir” ; tout ça est une cacophonie hypocrite du mélodrame et de l’autosatisfaction sioniste qui mène tout entier à la suprématie juive. 

Il est évident que de nombreux Palestinien.ness ne veulent pas y participer, même celles et ceux qui sont éligibles au vote. L’expérience de ces dernières années avec le soi-disant “gouvernement du changement” (qui était, seul vrai changement, sans Netanyahou) a prouvé qu’il n’y a pas de sortie de l’apartheid israélien à l’horizon, avec ou sans Netanyahou. Il est prévu que le taux de participation des citoyen.nes palestinien.nes d’Israël soit plus bas que jamais, probablement à moins de 50%.

En conséquence, la gauche fait campagne pour que les Palestinien.nes votent. Certains essaient juste de les faire voter pour n’importe quel candidat qui soit dans le cercle ‘anti Netanyahou’. En effet, une faible participation des Palestinien.nes accroît indirectement les chances que les partis rivaux ne passent pas le seuil électoral qui leur permettrait d’entrer au gouvernement (3,25%, 4 sièges). Les partis perdants voient leurs votent redistribués, ce qui statistiquement avantage les plus gros partis. Le Likud de Netanyahou est le plus gros d’entre eux, avec une moyenne d’environ 31-32 sièges (selon les derniers sondages de cette semaine) . Le bloc de Netanyahou atteint une moyenne de plus 60 sièges dans ces sondages. Et le petit avantage que représentent les votes redistribués peut faire une différence pour obtenir les 61 sièges convoités (la majorité du parlement, qui en compte 120). 

Mais certain.nes vont plus loin que de juste encourager les Palestinien.nes à voter. La candidate travailliste Merav Michaeli a récemment posté une vidéo dans laquelle elle s’adresse en arabe à une femme palestinienne et l’implore de ne pas simplement voter mais de voter Travailliste. Elle lui dit ceci : 

“Si vous n’aviez pas du tout le droit de vote, seriez vous d’accord ? Des femmes ont été assassinées pendant la lutte féministe qui vous a amené le droit de vote. Vous n’allez pas voter ? Votez E.M.T. [les initiales du parti travailliste]. Votez pour une femme qui vous comprendra et qui se battra pour vous !”

Il faut avoir un sacré culot, une réelle audace, pour parler à une femme palestinienne comme cela. Je veux dire, le parti Travailliste, le parti responsable de la Nakba, la loi militaire de 1948-66 pour les Palestinien.nes resté.es dans ce qui est devenu territoire israélien, de l’occupation de 1967 et du projet de colonies qui est en découle. Michaeli a sans aucun doute prouvé cette année que son parti perpétuera l’Apartheid. Elle parle du droit de vote, alors que son Israël et son parti ont volé ce droit à tant de Palestinien.nes ! Il a aussi volé leurs terres, leurs maisons et leurs vies. Et elle fait maintenant la leçon aux femmes palestiniennes sur ce qui est bien pour elles de faire, voter Travailliste ! 

Michaeli a un grand rival maintenant, et je ne parle plus de Netanyahou, c’est Itamar Ben Gvir, du parti le plus à droite, Pouvoir Juif. Elle prétend être son antipode, mais ils ne sont que les deux faces de la même pièce, celle du sionisme. Bien sûr, Ben Gvir est ouvertement suprémaciste juif,  mais Michaeli est aussi une suprémaciste juive, juste avec un vernis féministe et progressiste. Elle se vante que les femmes peuvent se battre dans l’armée et qu’elle ne laissera pas Bezalel Smotrich, le leader du Sionisme Religieux, leur enlever ce droit, comme elle l’a fait dans ce tweet récemment. Les femmes devraient aussi avoir le droit de bombarder les Palestinien.nes et faire partie de l’armée d’Apartheid. 

Nous devons tous bien comprendre cela. Une fois que vous comprenez que nous parlons d’Apartheid, ça change complètement vos priorités. Il est évident que le système politique israélien est construit pour le perpétuer, et nous ne pouvons pas attendre du système qu’il s’améliore avec le rapport de forces tel qu’il est.  

Certain.es essaient d’en tirer le meilleur, et votent en espérant que cela permettra un changement de l’intérieur. Je ne leur ferai pas la leçon pour qu’ils/elles arrêtent de le faire, mais je ne dirai certainement pas que voter juste par principe dans une réalité telle que l’Apartheid est un acte noble. Les seul.es qui pourraient penser cela sont celles et ceux qui dans une telle situation veulent conserver les faux lauriers de la démocratie. Mais pour tous les autres, particulièrement pour celles et ceux qui ne sont pas israélien.nes et qui ne votent pas ici, la priorité doit être de mettre fin à l’Apartheid. On n’obtient pas cela en votant, on obtient cela en mettant la pression à Israël, en l’isolant. C’est la raison pour laquelle Boycotts, Désinvestissement et Sanctions sont tellement importants. 

Trad. L.G pour l’Agence Média Palestine

Source : Mondoweiss

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