Nous en tant que Palestiniens, ne sommes pas choqués par l’orientation extrême de la politique israélienne

Par Jalal Abukhater, le 08 novembre 2022

Lorsque les citoyens israéliens se sont rendus aux urnes lors de leur cinquième élection générale en quatre ans, nous, les Palestiniens, nous sommes retrouvés une fois de plus relégués dans les tribunes, réduits à constater impuissants le type de pouvoir qui régnera désormais sur nos vies.

Pour nous, les cinq millions de palestiniens vivant en territoire occupée – à Jérusalem-Est, à Gaza et en Cisjordanie – voilà que l’on nous refuse le droit de voter pour un gouvernement qui a pourtant un impact sur tous les aspects de notre vie quotidienne. De nombreux Palestiniens optent même pour ne point donner d’avis sur les candidats et se contentent de dire « ils sont tous pareils ».

C’est un point de vue compréhensible, étant donné que chaque gouvernement israélien a poursuivi tour à tour la politique coloniale. Cependant, ils ne sont pas tous pareils.

Pour les Palestiniens, il y avait deux résultats possibles pour l’élection israélienne : soit un gouvernement qui continuerait à consolider un système oppressif d’apartheid, soit un gouvernement qui amplifierait la violence systématique contre la population colonisée, normaliserait la suprématie juive et accélérerait le nettoyage ethnique. Il semble que l’électorat israélien ait fait son choix et que c’est cette dernière option qui en soit sortie vainqueur.

Dans les mois qui ont précédé les élections, les partis au pouvoir et les partis d’opposition ont fait campagne pour gagner les faveurs de l’électorat.

D’un côté, le Premier ministre sortant, Yaïr Lapid, et le ministre de la Défense, Benny Gantz, ont mené une opération militaire baptisée « Break the Wave », qui a conduit l’ONU à avertir que 2022 sera probablement l’année la plus meurtrière jamais enregistrée pour les palestiniens en Cisjordanie – et octobre le mois le plus meurtrier de cette année meurtrière. La coalition au pouvoir a également lancé un assaut sur la bande de Gaza en août, tuant 49 Palestiniens en trois jours.

De l’autre côté, il y a l’étoile montante de la politique israélienne, Itamar Ben Gvir, président du parti Jewish Power. Ben Gvir est un militant kahaniste qui avait accroché chez lui une photo du meurtrier de masse notoire Baruch Goldstein et qui, en tant qu’avocat, a défendu des Israéliens juifs accusés de terrorisme et de crimes haineux – y compris l’attaque à Douma qui a tué trois membres de la famille Dawabshe.

Ben Gvir lui-même a été inculpé à huit reprises, notamment pour « soutien à une organisation terroriste ». Avant les élections, il a brandi son arme au visage des Palestiniens de Jérusalem et n’a pas hésité un instant avant d’inciter à la violence contre les habitants de Sheikh Jarrah. Il est maintenant un fer de lance de la politique israélienne.

Certains Israéliens sont choqués par la montée apparemment « soudaine » de l’extrême droite lors de cette élection. Cependant,  cette tendance s’annonce depuis des années, et c’est l’erreur des Israéliens de penser que la situation d’assujettissement dans laquelle se trouvent depuis si longtemps les Palestiniens pouvait perdurer sans qu’il se passe quelque chose. Aujourd’hui, 70 % des Israéliens juifs âgés de 18 à 24 ans s’identifient comme « de droite ».

Nous, Palestiniens, ne sommes ni choqués ni surpris par la direction extrême que prend la politique israélienne. C’est le résultat naturel de décennies de colonialisme incontrôlé sous la forme de persécution politique, de violence institutionnelle, d’apartheid et de nettoyage ethnique.

Lors de cette élection, les partis désireux de s’attaquer à l’Occupation, aux droits bafoués et à la liberté niée des Palestiniens, ont été relégués aux marges absolues (ou n’ont même pas atteint le seuil électoral pour avoir une représentation à la Knesset). Pendant ce temps, les soi-disant centristes et les partis de droite ont tout fait pour séduire un électorat de plus en plus à droite, lui faisant miroiter des promesses de renforcer l’entreprise de colonisation en Cisjordanie et de consolider un État-nation juif non démocratique.

Pendant des décennies, les institutions publiques et les tribunaux israéliens ont tous cherché à légaliser et à normaliser le système d’apartheid qui régit le territoire israélo-palestinien. L’État israélien n’a eu cesse de violer les conventions internationales, de commettre des crimes de guerre et continue, malgré cela, de jouir d’une impunité totale comme du soutien financier et diplomatique sans faille de la part des États-Unis et de l’UE.  

N’ayant aucun intérêt à parvenir à une solution politique avec les Palestiniens, il était naturel que les proto-fascistes deviennent le camp le plus fort au sein de la politique israélienne.

Quiconque pense que des changements positifs peuvent venir des élections israéliennes se trompe lourdement. Il appartient au reste du monde de cesser de normaliser les idéologies odieuses de la suprématie ethnique que nous voyons prospérer en Israël. La communauté internationale doit immédiatement cesser de financer l’apartheid, car tous les signes indiquent que les pouvoirs désormais en place s’orientent vers encore plus de violence.

Je ne souhaite pas avoir le choix entre l’apartheid et le nettoyage ethnique. Je souhaite seulement la liberté de mon peuple, que nous puissions vivre dans la dignité avec nos droits pleinement garantis, ici dans notre patrie de Palestine.

Jalal Abukhater est un fonctionnaire et écrivain palestinien, basé à Jérusalem

Trad. M.B pour l’Agence Média Palestine

Source : Independent

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