Pourquoi le pogrom d’Huwara était inévitable ?

Par Maureen Clare Murphy, le 27 Février 2023

Une partie des conséquences d’une attaque de colons « sanctionnée par l’État » dans le village de Huwara, en Cisjordanie, le 27 février. Ilia Yefimovich DPA

Début janvier, alors qu’Israël était en train de former son gouvernement le plus ouvertement d’extrême droite, Nadav Tamir, ancien diplomate israélien et actuel directeur d’un groupe de pression, a lancé un avertissement prémonitoire.

Tamir a déclaré que Zvika Fogel, une personnalité jusqu’alors peu connue qui préside aujourd’hui la commission de la sécurité nationale du parlement israélien, « exprime ouvertement la vérité venimeuse » du parti du Pouvoir juif d’Itamar Ben-Gvir, un acteur clé de la coalition gouvernementale de Benjamin Netanyahu.

Là où Ben-Gvir pourrait vouloir masquer ses objectifs extrémistes avec un langage modéré, Fogel « a fièrement clamé tout haut cette partie silencieuse, et il vaut la peine d’être écouté », a déclaré Tamir.

Fogel a joué ce rôle lundi, en louant l’effet « dissuasif » après que des centaines de colons aient attaqué des communautés palestiniennes dans le nord de la Cisjordanie, incendiant des maisons et des véhicules palestiniens.

Un Palestinien de 37 ans a été tué au cours de ce saccage qui a duré plusieurs heures et qui a été organisé par les colons après que deux frères israéliens ont été abattus à Huwara, l’épicentre de la violence de la foule d’autodéfense.

Alors que Netanyahou et Ben-Gvir ont appelé les Israéliens à s’abstenir de faire justice eux-mêmes, Fogel s’est lancé dans une campagne médiatique pour exprimer son approbation du saccage.

« Une Huwara fermée et brûlée – c’est ce que je veux voir », a déclaré Fogel.

« C’est la seule façon de parvenir à la dissuasion. Après un meurtre comme celui d’hier, nous avons besoin de villages en feu lorsque [l’armée israélienne] n’agit pas », a-t-il ajouté.

M. Fogel est ensuite revenu sur ses propos et s’est contredit en déclarant : « J’ai dit que c’est l’État qui doit agir pour dissuader les terroristes, et certainement pas les civils. »

Mais à ce moment-là, les partisans de son parti et les adhérents à l’idéologie suprématiste qu’il représente avaient déjà reçu le message, fort et clair.

« La violence sanctionnée par l’État »

Même si demander aux justiciers « de ne pas se faire justice » était la ligne du gouvernement Netanyahou lundi, elle est démentie par tout ce que la coalition au pouvoir a dit et fait jusqu’à présent.

Breaking the Silence, un groupe d’anciens combattants israéliens dénonciateurs, a déclaré lundi que « le pogrom de Huwara était une violence sanctionnée par l’État. »

Représentés aux plus hauts niveaux du gouvernement, « les colons se sont déchaînés en toute impunité car ils savent qu’ils ont l’État de leur côté », a ajouté Breaking the Silence.

Et cela inclut l’armée israélienne, dont la fonction première en Cisjordanie occupée est de protéger les colons vivant dans des colonies exclusivement juives construites en violation du droit international.

B’Tselem, un groupe israélien de défense des droits de l’homme, a souligné la « synergie » de la coopération : « les colons mènent l’attaque, les militaires la sécurisent, les politiques la soutiennent ».

Rejetant les points de discussion suggérant que le gouvernement israélien avait perdu le contrôle, B’Tselem a déclaré que « c’est exactement à quoi ressemble le contrôle israélien », ajoutant que « le pogrom de Huwara était une manifestation extrême d’une politique israélienne de longue date ».

Le précédent d’Hébron

Pour un autre exemple sombre de cette politique, regardez la ville d’Hébron en Cisjordanie.

Un jour et 29 ans avant le pogrom des colons à Huwara, Baruch Goldstein, un colon juif des États-Unis, a ouvert le feu dans la mosquée Ibrahimi, massacrant 29 hommes et garçons palestiniens.

Goldstein était un disciple du rabbin génocidaire Meir Kahane. Ben-Gvir, le ministre israélien de la sécurité nationale, est un « disciple autoproclamé » de Kahane, comme le dit le Times of Israel, et considère Goldstein comme un héros.

À la suite du massacre de Goldstein, Israël a intensifié ses mesures répressives à l’encontre des Palestiniens et a divisé la mosquée Ibrahimi en faveur des colons – un précédent qu’Israël pourrait tenter de répéter à la mosquée al-Aqsa de Jérusalem.

Depuis, les colons ont saisi des propriétés palestiniennes dans la vieille ville d’Hébron, faisant de son ancien cœur commercial une ville fantôme fermée.

Lundi, le parallèle avec Hébron n’a pas échappé aux observateurs après la fermeture par l’armée israélienne des magasins palestiniens de Huwara.

Loin de déplaire à Israël, la violence des colons est un moyen nécessaire pour atteindre l’objectif de l’État de vider la Palestine de sa population indigène afin de la remplacer par des colons étrangers.

La violence des colons, y compris les massacres perpétrés au moment de la fondation d’Israël en 1948, a été essentielle à la formation et au maintien d’un État juif en Palestine.

La « guerre » de Ben-Gvir

Lundi, Ben-Gvir a fait un clin d’œil à cette pérennité de la violence, qu’il a décrite comme une nécessité existentielle pour le projet sioniste en Palestine : « Ce n’est pas une guerre qui a commencé hier, ni une guerre qui va se terminer en un jour, mais c’est une guerre pour notre maison, pour nos vies. »

Ben-Gvir s’adressait aux colons d’Evyatar, un avant-poste non sanctionné par le gouvernement israélien.

Les colons ont établi Evyatar sur des terres appartenant aux communautés palestiniennes de Beita, Qabalan et Yatma sur Jabal Subeih, près de la ville de Naplouse, au nord de la Cisjordanie, en mai 2021. Depuis lors, plusieurs Palestiniens ont été tués au cours ou à proximité de manifestations contre la colonie.

Le gouvernement de Netanyahou prévoit de légaliser Evyatar, cofondée par Zvi Sukkot, un extrémiste d’extrême droite de la célèbre colonie de Yitzhar, qui est également membre du gouvernement israélien actuel, et qui occupera le siège vacant de Smotrich.

Les colons de Yitzhar, situés à côté de Huwara et construits en partie sur les terres du village, sont connus pour attaquer les communautés palestiniennes voisines, des gardes de Yitzhar donnant même des ordres aux soldats israéliens lors de ces attaques.

Le chef de l’opposition, Benny Gantz, a déclaré lundi qu’il s’en tenait au compromis fait par son gouvernement pour « légaliser » Evyatar.

Gantz et son homologue de l’opposition Yair Lapid ont vivement critiqué le gouvernement d’extrême droite, affirmant qu’il avait « perdu le contrôle » et qu’il menait Israël vers un « désastre sécuritaire ».

Mais au-delà des critiques, Gantz et Lapid partagent la même vision d’un Etat suprémaciste juif en Palestine, bien qu’avec un vernis de démocratie libérale plutôt que le flair théocratique de Ben-Gvir et Smotrich.

https://twitter.com/Mivasair/status/1630216258636455939?s=20

Les flammes qui ont embrasé Huwara dimanche sont la conclusion logique de l’idéologie suprématiste d’Israël.

L’État est aujourd’hui dirigé par les adeptes les plus extrêmes du sionisme, qui, selon les mots du commentateur palestinien Muhammad Shehada, « n’auront de cesse que toute la terre ne soit en flammes. »

Source : The Electronic Intifada

Traduction : AGP pour l’Agence Média Palestine

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