L’UE, un ‘partenaire clé’ pour affamer, déplacer et tuer les Palestiniens?

Par Motasem A Dalloul, le 17 Mars 2023

Le Haut Représentant aux Affaires Étrangères et à la politique de Sécurité de l’UE, Josep Borrell

En début de semaine, le Ministre israélien des Affaires Étrangères, Eli Cohen, a téléphoné à Josep Borrell, chef de la politique étrangère de l’UE, pour lui demandé de ne pas interférer dans les affaires intérieures israéliennes. Cet appel fait suite au débat qui a duré plus d’une heure tenu au Parlement Européen sur le projet controversé de refonte judiciaire en Israël et ses effets sur le conflit israélo-palestinien. 

Selon le journal israélien, le Jerusalem Post, Borrel aurait déclaré : « Nous suivons de près la situation car Israël est un partenaire clé, et nos valeurs communes sont basées sur une société démocratique et ouverte ainsi que sur l’état de droit. » Cependant, il a expliqué que la situation démocratique en Israël a été évoqué par l’UE car elle est un observateur et Israël est un « partenaire clé ». Cohen a insisté sur le fait que l’UE a tort. 

Un article publié par Borrell la semaine dernière a également mis Cohen en colère. Borrell y fait la critique de la violence croissante des colons et des opérations militaires israéliennes qui causent souvent des victimes palestiniennes. Il souligne également que la colonisation se poursuit ainsi que les tentatives de changer le statu quo sur les sites sacrés de Jérusalem. 

« La violence de la part des colons israéliens en Cisjordanie menace chaque jour un peu plus les vies des Palestinien.ne.s, et ce, presque toujours en toute impunité, » souligne-t-il. « De plus, les opérations militaires israéliennes causent fréquemment la mort de Palestinien.ne.s, souvent sans que qui que ce soit ne rende de comptes ; les colonies illégales s’étendent en territoire occupé, et le fragile statu quo des sites sacrés s’étiole. »

La semonce de Cohen a porté ses fruits puisque Borrell a fait volte-face. Il a changé de ton et demandé pardon à Israël. Il a déclaré que la discussion au sein de l’UE sur le statut de la démocratie en Israël n’était pas un moyen de s’ingérer dans les affaires internes de Tel Aviv mais une tentative de « comprendre ce qu’il s’y passe, au regarde notre perception des valeurs et des intérêts dans la région. »

Borrell a aussi déclaré que le fait de discuter de la situation démocratique en Israël ne signifiait pas qu’il y ait des erreurs à corriger, mais que c’était plutôt une « appréciation » du mode de vie de nos amis. « Il ne faut pas y voir une interférence mais plutôt une manière de montrer notre intérêt et notre appréciation de la démocratie israélienne, » a déclaré Borrell.

Ceci a été d’autant plus clair durant la discussion lorsque l’eurodéputé suédois David Lega, du Parti Populaire Européen a déclaré : « Les vrais amis sont honnêtes les uns envers les autres et doivent pouvoir discuter de sujets sensibles. » Pendant cette discussion, plusieurs eurodéputé.es ont réclamé des sanctions économiques contre Israël. D’autres ont demandé à ce que l’UE rompe également ses liens avec l’état occupant. Mais Borrell a rappelé que de telles mesures étaient inenvisageables.  

Cependant, Borrell ainsi que d’autres eurodéputé.es, ont reconnu qu’Israël commet des violations « systématiques » contre les Palestinien.ne.s et que les opérations militaires israéliennes à leur encontre « ne sont pas proportionnées ». Justifiant les opérations de l’occupant, les eurodéputé.es les ont qualifié de moyens d’ »autodéfense ».

Le représentant de l’UE a poursuivit en assurant à Cohen que l’Union ne nuirait jamais à Israël. Le Times of Israel rapporta les propos de Borrell : « Ceci ne veut pas dire que nous ayons une position anti-Israël, absolument pas, ».

Mais Borrell se contredit sans cesse. Il a clairement déclaré que « les colonies sont illégales selon le droit international, et leur expansion doit cesser, ainsi que les démolitions et les évictions des Palestinien.ne.s de leurs foyers. Le gouvernement israélien doit s’efforcer d’empêcher les violences des colons extrémistes et punir les responsables. »

Il a également déclaré que les opérations de l’armée israélienne, qui sont disproportionnées, doivent cesser car elles ne sont pas conformes au droit international. Tout ceci en répétant que l’UE n’adopterait pas de position anti-Israël. Ceci prouve que l’UE est véritablement un « partenaire clé » d’Israël. 

Pourquoi Borrell ne reconnaît-il pas aussi le droit des Palestinien.ne.s à l’autodéfense face à l’agression israélienne ? Parce que l’UE est un « partenaire clé » d’Israël. 

Être un « partenaire clé » d’Israël signifie que vous êtes un partenaire de tous ses crimes contre les Palestinien.ne.s. Et si vos états membres envoient des armes à l’état d’Israël pour qu’il les utilise et commette des crimes contre les Palestinien.ne.s ? C’est une preuve claire que vous êtes un « partenaire clé » d’Israël.

« Pris dans leur ensemble, les pays européens sont l’un des principaux fournisseurs d’Israël en systèmes et équipement militaires, derrière les États-Unis, » a déclaré en 2014 Research and Action for Peace and Disarmament. « Ces dix dernières années, les pays de l’UE ont signé pour environ 2 milliards d’Euros de contrats militaires avec Israël, dont plus de 600 millions d’Euros rien qu’en 2012. Ceci comprend des munitions, des équipements et composants de missiles pour les véhicules et avions militaires. Selon les rapports de l’UE, les pays européens n’ont envoyé ni arme ni équipement militaire aux Palestinien.ne.s depuis  2002. »

En 2021, Euro News a rapporté que la France, l’Allemagne, l’Espagne et l’Italie « sont les principaux [pas les seuls] exportateurs » d’armes de l’UE, soulignant qu’ils en exportent notamment en Israël. Francesco Vignarca, membre du Réseau Paix et Désarmement, a expliqué à Euro News que « l’Italie ne fournit pas seulement des avions à l’armée de l’air israélienne qui permettent aux pilotes de s’entraîner  à mener des attaques, mais aussi des avions qui peuvent être utilisés pour des attaques réelles. » L’Allemagne, quant à elle, a vendu à Israël, entre 2013 et 2017, pour 1,6 milliards d’Euros d’armes, selon le CAAT.

Israël utilise ces armes pour tuer, blesser, détenir et déplacer les Palestinien.nes, ainsi que pour voler leurs terres et démolir leurs maisons, mosquées, hôpitaux et écoles.  

Alors que l’UE condamne Israël et ses violations, elle reste un « partenaire clé » des crimes qu’elle dénonce. 

Trad. L.G pour l’Agence Média Palestine

Source : Middle East Monitor

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