Par Amira Hass, le 10 mai 2023
Selon les données recueillies par l’ONU, des milliers d’oliviers ont été arrachés au sol dans des dizaines de villages palestiniens. Les habitants ne doutent point de la responsabilité des colons et reprochent aux autorités israéliennes de ne pas poursuivre les vandales.
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D’après les données des Nations Unies recueillies jusqu’à fin avril et corroborées la semaine dernière par des résidents locaux, quelque 5000 arbres dans des dizaines de villages palestiniens de la Cisjordanie ont été vandalisés en moins de cinq mois,
Ce vandalisme consiste dans l’abattage d’arbres, pour la plupart des oliviers, brisés et arrachés au sol, dans des zones de Cisjordanie qui se trouvent sous contrôle total de la sécurité israélienne. De
tels actes se sont produits à plusieurs reprises depuis le milieu des années 1990, et les agriculteurs palestiniens n’ont aucun doute qu’il s’agit de juifs israéliens qui habitent ou visitent les colonies et les avant-postes qui jouxtent leurs terres.
L’Office for the Coordination of Humanitarian Affairs (OCHA) de l’ONU publie toutes les deux ou trois semaines un résumé des incidents violents survenus en Cisjordanie et dans la bande de Gaza. Basant leur rapport sur des sources palestiniennes, OCHA a répertorié, entre le 20 décembre 2022 et fin avril 2023, 84 incidents lors desquels des inconnus ont vandalisé plus de 4000 arbres à travers la Cisjordanie appartenant à des Palestiniens.
Depuis le début du mois de mai, les Palestiniens ont relevé environ 250 jeunes oliviers endommagés dans le village de Kufr Ad-Dik dans le nord de la Cisjordanie. Ils avaient également signalé le vandalisme d’un bosquet dans la ville de Sinjil au nord de Ramallah, comme dans le village de Deir Sharaf à l’ouest de Naplouse, où 155 arbres ont été abîmés. Les Palestiniens ont également signalé l’arrachement de quelque 750 arbres nouvellement plantés dont certains volés dans le village de Burqa, également à l’ouest de Naplouse.
Bashar Qaryouti, membre du conseil du village de Qaryut, au nord-est de Ramallah, a déclaré à Haaretz qu’au cours des quatre dernières semaines, des inconnus ont vandalisé et abattu environ 200 oliviers centenaires (appelés arbres « romains ») appartenant aux habitants du village. Les vandales ont agi quatre ou cinq fois en plein jour et ont continué même après que des plaintes aient été déposées auprès des autorités israéliennes.
Les arbres mutilés sont situés dans une zone connue sous le nom d’Al-Batisha, où sont plantés des milliers d’oliviers dont beaucoup ont plus de 100 ans. Les arbres recouvrent les collines de la partie nord-ouest du village ce qui empêche donc toute observation directe depuis les maisons.
Qaryouti dit que dans l’après-midi du 5 avril (la veille de la fête de la Pâque juive), l’un des agriculteurs du village a entendu le bruit d’une scie électrique et la chute d’arbres. Les habitants qui se sont précipités sur les lieux ont constaté que quelque 45 arbres venaient d’être abattus. Ils ont immédiatement informé le comité de liaison de l’Autorité palestinienne, le Bureau israélien de coordination et de liaison du district, et la police, leur indiquant l’emplacement précis. En dépit de cela, lorsque Qaryouti et d’autres résidents locaux se sont déplacés sur les lieux les jours suivants, ils ont découvert que d’autres arbres encore avaient été vandalisés et abattus.
Lors d’une visite sur le site jeudi dernier avec Haaretz, Qaryouti et un autre résident local, Yasser Mansour, se sont émus de découvrir des arbres endommagés qui étaient pourtant intacts quelques jours plus tôt. « C’est un massacre, une exécution », a déclaré Mansour. Environ 25 de ses 200 arbres ont été vandalisés, sans compter les arbres appartenant à ses frères.
Qaryouti a déclaré que lorsqu’il est allé déposer une plainte concernant le premier incident au poste de police du Conseil régional de Mateh Binyamin, on lui a dit de venir un autre jour car aucun enquêteur arabophone n’était disponible.
Le 19 avril, après la découverte d’autres arbres victimes, l’enquêteur de la police a demandé à Qaryouti de fournir des documents prouvant qu’il était propriétaire de la terre, alors que l’âge des arbres et leur emplacement suffisaient amplement pour démontrer qu’ils appartenaient aux familles du village depuis des générations.
Le bureau du porte-parole du Coordonnateur des activités gouvernementales dans les territoires (COGAT) n’a pas répondu aux questions de Haaretz à ce propos.
Un porte-parole de la police a déclaré en réponse à nos questions : «Dès réception du rapport, la police a ouvert une enquête et mené les actions qui s’imposaient ; des enquêteurs se sont eux-mêmes déplacés sur les lieux pour recueillir des preuves. Dans le cadre de l’enquête, et sans que cela n’affecte en rien sa poursuite, il a été demandé au plaignant de présenter des documents attestant qu’il était bien propriétaire du terrain. »
Les habitants de Qaryut ont parlé à Haaretz d’un israélien qui vit dans un avant-poste près de la colonie d’Eli, sur la colline qui surplombe les arbres qui ont été vandalisés. Les habitants ont déclaré avoir déposé de nombreuses plaintes contre lui auprès de la police dans le passé. «Il y a des caméras de sécurité de la colonie d’Eli en haut de la colline. Si la police l’avait voulu, elle aurait pu savoir sur-le-champ qui a endommagé les arbres », a déclaré Qaryouti.
Depuis 2012, les arbres de la région d’Al-Batisha ont subi à plusieurs reprises toute sorte de dommages, a ajouté Qaryouti. « Presque chaque année, quelqu’un est venu abattre quelques arbres. Parfois [ça arrive] avant la récolte, parfois on découvre pendant la saison des labours qu’un arbre a été endommagé. Une fois, ils ont même mis le feu. Mais cette année, l’étendue des dégâts et la période choisie sont différentes », a-t-il déclaré.
Selon Qaryouti, il y a environ trois ans, les Forces de défense israéliennes (IDF) ont tenté d’empêcher les agriculteurs palestiniens d’accéder à leurs terres dans la région (comme elles le font d’ailleurs dans d’autres régions), leur autorisant l’accès que quelques jours par an, et ceci seulement avec l’accord préalable de l’IDF et du COGAT. Les résidents locaux s’y sont opposés par l’intermédiaire de leur avocat, Quamar Mishraqi As’ad, et l’armée a dû renoncer à faire respecter cette exigence.
Les rapports de l’ONU incluent d’autres attaques violentes d’Israéliens contre des Palestiniens et leurs biens, et ont compté, au cours des quatre premiers mois de 2023, 352 incidents, dont 95 cas d’atteintes corporelles. À titre de comparaison, pour toute l’année de 2022, l’ONU a signalé 849 attaques de colons, dont 228 avec atteintes à l’intégrité physique des personnes.
Source : Haaretz
Traduction : BM pour Agence Média Palestine