La réduction de l’aide alimentaire : une « condamnation à mort » pour les pauvres de Gaza

Par Aseel Mousa, le 6 Juin 2023

La maison d’Ammar Banat a été détruite par Israël lors de l’attaque de mai sur Gaza. Mohammed Salem

Le mois de mai a été extrêmement cruel pour Ammar Banat et sa famille.

Tout d’abord, la famille a appris que le Programme alimentaire mondial (PAM) était sur le point de mettre fin à l’aide alimentaire dont elle dépend.

Ensuite, ils ont reçu un appel téléphonique leur demandant d’évacuer leur maison située dans la zone de Beit Lahiya, dans le nord de Gaza, car elle était sur le point d’être bombardée par l’armée israélienne. Leur maison a été détruite et ils sont désormais contraints de vivre dans un entrepôt.

Selon Ammar, la nouvelle selon laquelle l’aide a été supprimée a été un « coup plus dur » que le fait d’être devenu sans-abri.

« Ils ont supprimé l’aide alimentaire sans aucune justification », a-t-il déclaré. « Il nous est impossible de survivre sans cette aide. »

Ammar est un chômeur, père de six enfants.

Ces derniers temps, le seul travail qu’il a pu trouver est celui d’ouvrier agricole.

Ce travail n’était pas régulier. En général, il est embauché pour une journée, puis n’a pas de travail pendant les dix jours suivants.

Et, à environ 8 dollars par jour, les salaires étaient maigres.

Depuis environ sept ans, lui et sa famille reçoivent chaque mois un panier alimentaire du PAM, composé de produits essentiels comme de la farine, du sucre, du sel et de l’huile de cuisine.

Cette aide s’est également avérée vitale pour sa famille élargie. Son frère Faraj, qui s’est également retrouvé sans abri à la suite de l’attaque israélienne de mai contre Gaza, a reçu un bon d’une valeur de 47 dollars par mois de la part du PAM.

Faraj a décrit l’effet combiné des bombardements de mai et des réductions de l’aide comme « un fardeau insupportable à porter ».

« Je n’ai pas d’argent pour nourrir mes enfants », a-t-il déclaré.

Obligé de mendier ?

Ce mois-ci, le PAM suspend son aide à environ 200 000 Palestiniens. Ces coupes sont dues à un manque de financement de 51 millions de dollars.

D’autres coupes, susceptibles d’affecter 100 000 autres bénéficiaires de l’aide palestinienne, sont attendues d’ici le mois d’août, à moins que le déficit de financement ne soit comblé.

La plupart des deux millions d’habitants de Gaza sont en situation d’insécurité alimentaire. Ils dépendent de l’aide.

Le blocus total imposé par Israël a entraîné des difficultés extrêmes. Selon les dernières données disponibles, le taux de chômage s’élève aujourd’hui à 46 % à Gaza.

Le fait d’avoir un emploi n’offre souvent pas une protection suffisante contre la pauvreté. Environ 88 % des employés de Gaza sont payés moins que le salaire minimum légal stipulé par l’Autorité palestinienne (1 800 shekels, soit environ 500 dollars par mois).

Salwa Warsh Agha est mère de deux enfants et vit à Beit Lahiya. Leur maison composée d’une seule chambre est petite et délabrée.

Depuis sept ans, elle dépend d’un bon mensuel du PAM de 30 dollars. Sans ce versement, elle craint de ne pas pouvoir faire face à la situation.

« Devrai-je mendier pour que mes enfants soient nourris ? » demande-t-elle.

Le stress exacerbe ses problèmes de santé. Elle a subi trois opérations des yeux et souffre de douleurs dorsales constantes.

« La vie à Gaza est difficile », dit-elle. « Je n’ai pas pu me payer de traitement médical et je souffre maintenant d’hypertension artérielle.

Incapable de payer ses factures d’électricité, elle tente d’écarter la perspective d’être arrêtée ou emprisonnée pour dettes. « Je vis déjà dans le désespoir », dit-elle.

« Une bouée de sauvetage vitale »

Samer AbdelJaber, représentant du PAM en Palestine, exhorte les gouvernements et les entreprises à combler le déficit de financement sans tarder.

« Le soutien continu des donateurs nous a permis d’offrir une bouée de sauvetage vitale aux Palestiniens et de mettre en place des solutions alimentaires durables en Palestine », a-t-il déclaré. « Il est essentiel, aujourd’hui plus que jamais, de veiller à ce que nos efforts ne soient pas interrompus.

Les Nations unies ont prévenu qu’il y aurait des conséquences catastrophiques si les donateurs ne fournissaient pas les fonds nécessaires.

Le PAM et l’Agence des Nations unies pour les réfugiés de Palestine (UNRWA) connaissent tous deux de graves problèmes financiers. L’un des principaux facteurs à l’origine de ces problèmes est que l’invasion de l’Ukraine par la Russie a détourné l’attention de la Palestine.

Samah al-Qanou avait déjà du mal à s’en sortir avant l’annonce de la réduction de l’aide. Par Mohammed Salem

Pour Samah al-Qanou, l’annonce de la réduction de l’aide du PAM a été « comme une condamnation à mort ».

Sa famille reçoit un bon mensuel du PAM d’une valeur de 47 dollars depuis une dizaine d’années.

Son mari, Kareem, est au chômage depuis longtemps. Elle et Kareem souffrent de divers problèmes de santé.

Nourrir leurs trois fils est un défi majeur, même avec le bon d’aide. Leur aliment de base est le pain cuit dans un four en argile.

« J’ai dû emprunter de l’argent pour acheter un sac de farine », explique Samah.

Le manque d’aliments de base « jette une ombre sur les occasions qui devraient être joyeuses », a-t-elle ajouté. « Je n’ai pas pu acheter de bonbons pour l’Aïd al-Fitr cette année.

Les réductions de l’aide ne manqueront pas de nuire également aux petites entreprises de Gaza.

Ahmad al-Baba dirige un supermarché qui, jusqu’à récemment, servait environ 300 familles. De nombreux clients ont utilisé les bons du PAM pour acheter des produits alimentaires.

Ahmad al-Baba dirige un supermarché, où de nombreux clients ont utilisé les bons du PAM pour faire leurs courses. Par Mohammed Salem

Le supermarché employait cinq personnes et louait quatre entrepôts pour le stockage dans le camp de réfugiés de Jabaliya.

« La forte baisse de la demande nous a obligés à réduire nos effectifs », a déclaré M. al-Baba. « Aujourd’hui, nous n’avons plus qu’un seul employé et un seul entrepôt.

Aseel Mousa est une journaliste basée à Gaza.

Source : The Electronic Intifada

Traduction: AGP pour l’Agence Média Palestine

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