La campagne d’annexion d’Israël est à l’origine de l’escalade en Cisjordanie

Par Ben White, le 20 juin 2023

Le gouvernement israélien poursuit à visage découvert l’annexion de la Cisjordanie occupée en étendant les colonies, en encourageant la violence des colons et en intensifiant celle perpétrée par ses forces d’occupation, écrit Ben White.

Des volutes de fumée enveloppe le site d’impact de l’explosion d’une roquette israélienne lors d’un raid de l’armée sur Jénine en Cisjordanie occupée le 19 juin 2023. [GETTY]

L’évolution actuelle – trois éléments en particulier – montrent clairement que ce gouvernement israélien est déterminé à mener une campagne de colonisation et d’annexion sans précédent en Cisjordanie occupée.

Le premier élément est la construction et l’expansion à grande échelle d’unités de logement dans les colonies illégales de Cisjordanie, en conjonction avec l’augmentation systématique et régulière de décisions juridiques visant à faire avancer l’annexion des territoires occupés.

Lundi prochain, les autorités d’occupation israéliennes se réuniront pour promouvoir 4 799 logements dans 18 colonies différentes à travers la Cisjordanie. L’un des plans accordera à un avant-poste non autorisé au sein d’une colonie existante (Eli) une légalisation rétroactive.

A terme de cette réunion imminente, les responsables israéliens auront, au moyen du processus de planification, avancé en moins de six mois sur la construction de 12 149 unités de logement dans les colonies. Le total pour 2022 était de 4 427 unités.

Et pourtant, ces chiffres n’incluent pas le « niveau sans précédent » de « l’avancement de la construction de colonies » à Jérusalem-Est occupée, où quelque 16 000 logements sont en cours de création depuis le début de 2023, et où des milliers d’autres sont attendus dans les semaines à venir.

Parallèlement à cette expansion énergique des colonies et de leurs infrastructures associées, en particulier les routes, le gouvernement israélien a accéléré les mesures destinées à favoriser de facto, voire de jure, l’annexion du territoire de la Cisjordanie.

Plus récemment, le 18 juin, le cabinet a voté pour hâter le processus de planification afin de faire avancer la construction des colonies et, pour confier l’autorité à leur égard à Bezalel Smotrich, ministre des Finances, mais plus pertinent pour ce scénario, également ministre au sein du ministère de la Défense.

Plus tôt ce mois-ci, le ministre israélien du Logement a rencontré des responsables des implantations et a apporté son soutien à l’inclusion formelle de celles-ci dans un plan stratégique national pour le logement.

Ce ne sont que les dernières étapes dans une série de mesures visant à transférer, de l’autorité militaire à l’autorité civile, divers pouvoirs et responsabilités relatifs aux colonies. 

L’ONG de défense des droits juridiques Adalah a publié un rapport sur ces actions, qui ont inclus la légalisation des avant-postes et l’application directe du droit interne israélien en Cisjordanie. Sa directrice juridique, Suhad Bishara, a décrit ce qui se révèle être « un programme sans équivoque du gouvernement israélien pour annexer des segments entiers de la Cisjordanie et pour instituer la pleine souveraineté israélienne sur ses terres ».

Le deuxième élément est la montée et l’escalade de la violence des colons, dirigée contre les communautés palestiniennes avec un degré de férocité lequel – protégé et permis par l’armée israélienne – est devenu si routinier qu’il semble désormais « normal ». 

À la mi-juin, l’on comptait déjà au moins 441 attaques de colons qui ont provoqué des dégâts matériels ou fait des victimes – deux attaques en moyenne par jour, tous les jours. Cette violence ne connaît pas de frontières géographiques et se déroule dans des endroits aussi divers que les collines du sud d’Hébron, le gouvernorat de Ramallah et les collines et vallées autour de Naplouse.

Certes les autorités d’occupation israéliennes ont toujours effectivement permis la violence des colons en veillant à ce que les auteurs jouissent d’une impunité quasi totale, mais cette intensification actuelle des attaques est particulièrement inquiétante du fait du rôle direct joué par  l’armée dans la facilitation de ces violences auxquelles ils participent parfois eux–mêmes.

À Surif, dans le sud de la Cisjordanie, par exemple, les colons ont attaqué le village pendant trois jours consécutifs en avril – et lorsque les habitants se sont défendus, les soldats israéliens s’y sont mis, eux aussi. Il en fut de même dans des endroits comme Burqa, où des colons – accompagnés de soldats qui ont également ouvert le feu sur des villageois – ont mené au cours de la même semaine une série d’attaques.

Dans certains endroits, la violence et le harcèlement des colons rendent la vie intenable pour les palestiniens.

Le mois dernier, une communauté entière à Ein Samiya a été rayée de la carte, lorsque les quelques habitants restants sont partis après avoir subi des années de violence aux mains des colons. Le déplacement contraint de dizaines de familles n’est pas sans précédent dans les temps récents ; comme l’a souligné UN OCHA (Bureau de coordination des affaires humanitaires de l’ONU), 81 Palestiniens ont dû quitter leurs communautés de Wadi as Seeq et Lifjim, et une centaine de personnes ont quitté Ras a Tin.

Le troisième élément en jeu ici est l’escalade de la violence exercée par les forces d’occupation israéliennes, qui ont intensifié depuis le début de l’année dernière leur campagne de raids, d’arrestations et de diverses mesures punitives.

Les raids réguliers et meurtriers au cœur des villes, villages et camps de réfugiés palestiniens visent à dompter une recrudescence d’activité des factions armées, en particulier dans le nord de la Cisjordanie.

Il s’agit d’une résurgence qui n’est point venue de « nulle part », mais qui résulte d’un certain nombre de facteurs – notamment des horizons assombris pour les jeunes qui grandissent sous l’occupation militaire entourés de colonies en expansion, l’affaiblissement et la détérioration du statut de Autorité Palestinienne, et l’impact d’un certain nombre de développements au cours des deux dernières années, tels que le Dignity Uprising (« le soulèvement de la dignité »), l’évasion de la prison de Gilboa, et l’émergence de groupes de résistance locaux à Jénine et à Naplouse.

La campagne « Briser la vague » de l’armée israélienne aurait cependant obtenu l’effet inverse de l’effet escompté, du moins à en juger par le nombre de tirs visant les forces israéliennes et les colons en Cisjordanie, ou l’intensité des affrontements déclenchés lors de raids des forces israéliennes sur les villes et encampements.

Pour ce gouvernement israélien d’extrême droite dominé par les nationalistes religieux, un tel phénomène menace et limite sa liberté d’action en ce qui concerne l’expansion des colonies et la poursuite de son programme d’annexion – à la fois par l’impact direct des groupes armés qui menacent les soldats et les colons, en particulier dans le centre-nord de la Cisjordanie, et par l’impact indirect plus vaste que de peuvent avoir de tels groupes sur la mobilisation politique palestinienne.

C’est donc sans surprise que nous entendons de plus en plus d’appels venant des colons – à l’intérieur et à l’extérieur du gouvernement – pour réclamer une grande offensive militaire israélienne dans le nord de la Cisjordanie, offensive qui pourrait bien se concrétiser (les médias israéliens rapportent que le Shin Bet, pour sa part, semble de plus en plus incline à l’envisager).

Considérés ensemble, l’expansion des colonies, les mouvements d’annexion progressifs, l’escalade de la violence des colons, et la répression militaire israélienne dans le nord de la Cisjordanie – tout indique et souligne les priorités de ce gouvernement actuel, à savoir bâtir sur les fondations posées par ses prédécesseurs afin de faire progresser l’annexion de la Cisjordanie à un niveau sans précédent et irréversible.

Ben White est écrivain, analyste et auteur de quatre livres, dont « Cracks in the Wall : Beyond Apartheid in Palestine/Israel ».

Source : The New Arab

Traduction: BM pour l’Agence média Palestine

Retour haut de page