Nous devons nous tenir aux côtés d’Ahmad Manasra et de sa famille alors que son isolement cellulaire se poursuit

Par Palestine-Global Mental Health Network, le 13 juillet 2023

Les autorités pénitentiaires israéliennes refusent de mettre fin à l’isolement cellulaire d’Ahmad Manasra, malgré le risque grave de suicide et d’automutilation qu’il présente. Ce faisant, Israël le condamne effectivement à une mort lente.

Ahmad Manasra devant le tribunal militaire en 2023. (Photo : Wafa)

Dans l’histoire des mouvements de résistance, un individu se distingue souvent en tant qu’emblème de l’injustice subie par tout un peuple en exposant plusieurs niveaux de violence oppressive. C’est l’histoire d’Ahmad Manasra, aujourd’hui âgé de 21 ans et souffrant d’une grave maladie mentale. Il croupit dans le système carcéral israélien depuis son arrestation à l’âge de 13 ans, en dépit d’une campagne mondiale réclamant sa libération. Aujourd’hui, la situation d’Ahmad est encore plus désespérée.

Aujourd’hui, un an plus tard, nous assistons non seulement à une nouvelle détérioration de l’état psychologique d’Ahmad, au refus persistant des tribunaux israéliens de répondre aux demandes de libération anticipée présentées par l’équipe juridique d’Ahmad, à la détresse croissante et à la victimisation violente de sa famille, mais nous sommes également témoins de l’intensification d’un programme politique extrémiste à l’origine de ces pratiques illégales et inhumaines.

Ahmad, qui ne doit être libéré qu’en 2024, n’a pas été vu par un médecin ou un professionnel de la santé mentale en dehors de l’administration pénitentiaire au cours des trois derniers mois. Pendant cette période, il a été transféré à la prison de Ramleh, où il est toujours détenu à l’isolement. Son équipe juridique, sa famille et les professionnels de la santé extérieurs ont été informés par les autorités pénitentiaires qu’Ahmad refuse de voir qui que ce soit. Nous ne pouvons donc que spéculer sur l’état actuel d’un jeune qui, depuis trois ans, est considéré comme présentant un risque sérieux de suicide et d’automutilation. Toutes les interventions d’organisations humanitaires telles que Médecins pour les droits de l’homme, Médecins sans frontières et la Croix-Rouge ont été refusées par les autorités israéliennes.

En outre, comme Ahmad refuserait d’assister aux audiences du tribunal, celles-ci ont été continuellement reportées. Il est maintenu à l’isolement depuis novembre 2021, soit une période de vingt mois. Cette situation constitue un acte de torture au regard du droit international. Pourtant, en tant que professionnels de la santé mentale et chercheurs, nous confirmons sans équivoque que l’isolement cellulaire cause des dommages psychologiques profonds et durables. Nous notons que « le recours à l’isolement cellulaire chez les jeunes à un stade critique de leur développement neurologique, physiologique et social, présente un risque sérieux d’altération du développement à long terme et de dommages psychologiques. On sait que cette pratique est associée à un risque accru de suicide et d’automutilation, et il est prouvé qu’elle crée des problèmes de réinsertion, [ne s’attaquant donc] pas aux causes profondes des comportements perturbateurs ou violents ». Alors que ces effets de l’isolement sont bien démontrés, la seule réponse des autorités pénitentiaires aux symptômes de détresse extrême d’Ahmad est de les utiliser pour justifier l’imposition d’un traitement illégal plus poussé. Ce faisant, elles le condamnent à une mort lente.

Maysoon, la mère d’Ahmad Manasra, assise à l’intérieur de sa maison de Jérusalem-Est après l’une des comparutions d’Ahmad au tribunal, le 14 novembre 2022. (Photo : Saeed Qaq/APA Images)

Récemment, la famille d’Ahmad a elle aussi été la cible de persécutions. Deux descentes ont eu lieu à leur domicile, la plus récente à 5 heures du matin, alors que son père se rendait à la mosquée et que sa mère et ses frères et sœurs dormaient.

La fille aînée de la famille a décrit cette dernière expérience terrifiante :

« Il y avait beaucoup… beaucoup [de soldats], certains à l’extérieur, d’autres dans la maison… peut-être sept dans la maison. J’ai quitté la chambre de ma mère ; je suis rentrée dans ma chambre et j’ai mis ma veste ; ils m’ont pris mon téléphone des mains, alors je ne peux ni appeler ni prendre des photos. Je voulais sortir. J’avais peur, mais ils ont refusé de me laisser partir. Alors, je me suis assise à côté de mon frère de 13 ans. Je me suis assise à côté de mon frère de 13 ans, je me suis collée à lui… de peur qu’ils ne l’arrêtent ».

Elle raconte avoir protégé ses jeunes frères et sœurs en leur disant de rester dans leur lit et de se couvrir, craignant que les soldats ne tirent sur ses frères s’ils trahissaient le moindre mouvement. Sa mère était tellement bouleversée qu’elle ne pouvait pas rester debout. Lors de cette intrusion et des précédentes dans la maison familiale, les soldats ont causé des dégâts considérables, ont volé des bijoux et se sont appropriés de l’argent et d’autres biens, y compris la voiture du père. La perte de la voiture a pour conséquence que les plus jeunes enfants du foyer ne peuvent pas aller à l’école. Les soldats ont également uriné dans les tiroirs du bureau.

Ces actes sadiques ont des conséquences psychologiques, sociales et économiques. Les enfants ont peur de fermer les yeux pour ne pas être surpris par une intrusion soudaine dans leur maison et ont peur de les ouvrir pour se protéger de la vue même des soldats envahisseurs. Les parents sont incapables de protéger leur fils en prison et de protéger les autres enfants qui vivent à l’extérieur d’une prison littérale. La mère est aux prises avec une grave anxiété paralysante. La scolarité des frères et sœurs d’Ahmad – et donc leur avenir – est compromise, et les finances de la famille sont dévastées par les amendes punitives imposées et l’obstruction de leurs moyens de subsistance. Le compte bancaire de la famille Manasra a été gelé, ce qui a eu des conséquences désastreuses pour le commerce de détail du père.

La violation d’Ahmad Manasa et de sa famille est reproduite quotidiennement en Palestine par l’État israélien, qui orchestre un danger chronique à la maison et dans les rues, et inculque des traumatismes à des générations successives d’enfants. Les violentes incursions nocturnes dans les maisons, les démolitions de maisons, les points de contrôle, la surveillance, un système insidieux de collaboration forcée et la dévastation économique, ainsi que des détails sadiques tels que l’utilisation des chambres d’enfants comme nids de tireurs d’élite, sont autant d’actes délibérés visant à réduire les familles de Palestine à l’asservissement par la terreur d’État. Les conséquences de la peur et du désespoir qui en résultent peuvent conduire à une passivité désespérée ou, peut-être, à des actes téméraires d’héroïsme ou de martyre (Abdulrahim et Yazbek).

Le lundi 10 juillet 2023, la rapporteuse spéciale des Nations Unies Francesca Albanese a présenté un rapport important à la Commission des droits de l’homme des Nations Unies. Le rapport souligne l’interconnexion entre l’incarcération individuelle et l’incarcération communautaire, arguant que la vie palestinienne est transformée en :

« un continuum carcéral, où différents niveaux de captivité coexistent : du micro-niveau de la privation individuelle de liberté… à l’incarcération de masse, en passant par le piégeage de la population dans des enclaves strictement contrôlées dans lesquelles la population occupée est confinée en tant que menace pour la sécurité collective, et où toute forme de résistance à l’expansion territoriale et à la dépossession de l’occupation est réprimée….Dans le territoire palestinien occupé fragmenté, Israël a piégé les Palestiniens dans une architecture physique qui ressemble à une prison, mais à une échelle territoriale et sociétale beaucoup plus grande ».

Résistance

Ahmad résiste depuis longtemps à l’assaut israélien contre sa vie et sa dignité humaine, comme le fait sa famille de multiples façons. [1]

En étroite collaboration avec lui et sa famille, le Réseau mondial pour la santé mentale en Palestine et les réseaux alliés ont continué à faire activement campagne en son nom. La pétition demandant la libération immédiate d’Ahmad circule toujours. En outre, les cliniciens du réseau ont présenté des exposés officiels sur Ahmad au personnel des membres du Congrès des États-Unis ; des lettres ont été signées par un grand nombre de médecins et d’universitaires du monde entier et des appels à la libération d’Ahmad ont été lancés par quatre rapporteurs spéciaux des Nations unies.

Le sort d’Ahmad Manasra et de sa famille est donc emblématique de l’attaque en cours contre le bien-être de toute la Palestine et de ses enfants. Un rapport récent de Save the Children décrit les détails de cette horreur omniprésente.

Nous vous demandons de nous soutenir en signant la pétition, en écrivant à vos représentants gouvernementaux et en prenant la parole pour transformer votre solidarité en action.

Les enfants de Palestine représentent son avenir, c’est pourquoi ils sont attaqués et c’est pourquoi il est impératif que nous les défendions.

Cet article a été rédigé avec le réseau de santé mentale Irlande-Palestine, le réseau de santé mentale France-Palestine, le réseau de santé mentale Royaume-Uni-Palestine et le réseau de santé mentale États-Unis-Palestine.

[1] Shalhoub Kevorkian 2023, Shalhoub Kevorkian and Otman, in press.

Source : Mondoweiss

Traduction AS pour l’Agence média Palestine

Retour haut de page