Par Maureen Clare Murphy, le 12 juillet 2023
Mardi, la police israélienne a expulsé une famille palestinienne de la vieille ville de Jérusalem où elle vivait depuis plus de 70 ans.
L’appartement de la famille Ghaith-Sub Laban est désormais occupé par des colons juifs à la suite d’une décision de justice israélienne.
La décision de justice a mis fin au bail protégé de Nora Ghaith, 68 ans, et de Mustafa Sub Laban, 72 ans.
Ajith Sunghay, chef du bureau des droits de l’homme des Nations unies en Cisjordanie et à Gaza, a déclaré que l’expulsion du couple « pourrait s’apparenter à un transfert forcé … une grave violation des conventions de Genève et un crime de guerre ».
Le bureau des droits de l’homme a ajouté que « le droit humanitaire international interdit à Israël d’imposer ses propres lois dans les territoires occupés, y compris à Jérusalem-Est, ce qui inclut l’utilisation des lois israéliennes pour expulser les Palestiniens de leurs maisons ».
L’organe des Nations unies a noté que l’expulsion de la famille Ghaith-Sub Laban s’inscrit dans le cadre d’un effort plus large visant à forcer les Palestiniens à quitter le secteur oriental de Jérusalem, qui a été occupé par Israël en 1967 et annexé en violation du droit international.
Quelque 150 familles palestiniennes de la ville, soit environ 1 000 personnes, sont menacées « d’expulsion et de transfert forcé en raison de lois discriminatoires et de la collusion de l’État avec des groupes de colons », a ajouté l’ONU.
Une organisation liée à Ateret Cohanim, un groupe de colons de droite, cherche à prendre possession de la propriété de Ghaith-Sub Laban depuis 2010. Mais la bataille autour de la maison dure depuis 45 ans, l’État tentant de s’en emparer pour y installer des colonies juives.
Ce n’est pas la première fois qu’un tribunal israélien se prononce en faveur de colons cherchant à expulser des Palestiniens de leurs maisons à Jérusalem.
Les Palestiniens soulignent depuis longtemps que le système judiciaire israélien – que les manifestants cherchent à protéger de la réforme de Benjamin Netanyahu – a approuvé sans discussion les violations de leurs droits.
Des décennies de lutte
Des colons israéliens résidaient déjà dans d’autres appartements de l’immeuble d’où la famille Ghaith-Sub Laban a été expulsée mardi.
Ahmad Sub Laban a déclaré à The Electronic Intifada en 2015 que ses grands-parents avaient emménagé dans la maison en 1953, la louant à un organisme jordanien créé pour administrer les biens pris ou abandonnés par les Juifs en Cisjordanie avant la création de l’État d’Israël en 1948.
Leur bail permettait de protéger la location de la famille tant que Nora Sub Laban, qui est née dans la maison, et ses héritiers y vivraient.
Lorsqu’Israël a occupé le secteur oriental de Jérusalem en 1967, la propriété est tombée sous l’autorité de l’État.
Depuis lors, Israël s’est efforcé de révoquer le statut de locataire protégé des Ghaith-Sub Laban et d’expulser la famille. Deux autres familles palestiniennes ont été chassées du même bâtiment à la fin des années 1970 et les colons israéliens qui se sont installés ont fini par empêcher la famille Ghaith-Sub Laban d’accéder à la propriété.
Ils ont vécu dans un autre quartier pendant 16 ans, jusqu’à ce qu’une décision de justice leur permette d’accéder à nouveau à leur maison.
Les problèmes de la famille ont recommencé en 2010 lorsque le gardien israélien de la propriété des absents a transféré la propriété de la maison à une entité qui est devenue le Kollel Galicia Trust. Ce trust entretient des liens étroits avec Ateret Cohanim, un groupe de colons qui se consacre à la colonisation du quartier musulman de la vieille ville de Jérusalem – un objectif partagé par l’État.
Une loi de 1970 permet aux Israéliens de réclamer des propriétés appartenant à des Juifs avant la création de l’État d’Israël en 1948. Un grand nombre des propriétés que les colons cherchent à saisir en vertu de cette loi abritent des Palestiniens qui ont fui ou ont été expulsés du secteur occidental de Jérusalem en 1948.
En revanche, l’État interdit aux Palestiniens de récupérer de vastes quantités de terres et de biens saisis pendant, avant et après la création d’Israël.
Une inquiétude sans fondement
Des diplomates étrangers ont rendu visite à la famille Ghaith-Sub Laban avant son expulsion forcée. Mais en l’absence de toute pression significative sur Israël, la communauté internationale ne fait pas grand-chose pour protéger les Palestiniens dans une situation d’impunité totale.
Mardi, l’Union européenne a déclaré qu’elle « regrettait la décision prise par les autorités israéliennes, à la suite d’une décision de justice, d’expulser la famille Ghaith-Sub Laban de la maison qu’elle occupait depuis 1953 ».
Le consulat britannique à Jérusalem s’est déclaré « consterné » par l’expulsion, ajoutant que « de telles actions causent des souffrances inutiles … et risquent d’attiser les tensions intercommunautaires ».
Le consulat a eu recours à un procédé rhétorique familier consistant à condamner une action israélienne parce qu’elle risque d’attiser les tensions, plutôt que de dire explicitement qu’elle viole le droit international – ce qui oblige le Royaume-Uni à demander des comptes.
Les Palestiniens ont décrit l’expulsion de la famille Ghaith-Sub Laban comme une « seconde Nakba » ou une continuation du nettoyage ethnique de la Palestine à l’époque de la création d’Israël.
Mardi, Yonatan Yosef, membre du conseil municipal de Jérusalem et militant des colons, a tweeté une photo de lui souriant tout en tenant un drapeau israélien à l’intérieur de la maison de la famille Ghaith-Sub Laban. La photo était accompagnée du texte « Nakba now » en hébreu.
L’agence de presse Associated Press a paraphrasé Arieh King, le maire adjoint de Jérusalem qui est également un colon, en disant que « c’était un jour à célébrer ».
Source : The Electronic Intifada
Traduction AS pour l’Agence média Palestine