La « Jeunesse Révolutionnaire » se bat sur la barrière frontalière de Gaza

Les Palestinien.ne.s de Gaza retrouvent le chemin de la barrière frontalière qui les sépare de leur patrie. Ils répondent aux appels d’un groupe de vétéran.te.s de la Marche du retour connu sous le nom de « Jeunesse Révolutionnaire ».

Par Tareq S.Hajjaj, le 19 septembre 2023

Des Palestiniens manifestent le long de la frontière israélo-gaza, en soutien aux prisonnier.e.s palestinien.ne.s en grève de la faim dans les prisons israéliennes, le 15 septembre 2023 (Photo: Omar Ashtawy/APA Images)

À cette époque de l’année, les tensions politiques en Palestine augmentent de façon saisonnière. Les fêtes juives sont toujours associées à des colons qui prennent d’assaut l’enceinte de la mosquée al-Aqsa et attaquent des fidèles et des civils palestiniens, et il y a toujours une réponse de Gaza à ces attaques. Cette fois-ci, cependant, ce ne sont pas les factions de résistance de Gaza qui réagissent, mais des gens ordinaires.

Au cours de la semaine et demie écoulée, des centaines de personnes se sont rassemblées à divers endroits le long de la barrière de Gaza avec Israël, dans le cadre d’une mobilisation populaire qui rappelle la grande marche du retour de 2019. Les similitudes ne résident pas non plus dans la taille ou la nature des manifestations, mais dans les lieux où elles se déroulent et dans les participant.e.s eux.elles-mêmes. De nombreux visages familiers sont apparus, mais il semble que certains d’entre eux opèrent désormais sous un autre nom.

Ce nom apparaît comme une nouvelle voix appelant aux manifestations : al-Shabab al-Tha’er, ou « la Jeunesse Révolutionnaire ».

Tout a commencé mercredi dernier, lorsque des dizaines de Palestinien.ne.s ont répondu à un appel signé par la « Jeunesse Révolutionnaire », exhortant les Palestinien.ne.s à soutenir les prisonnier.e.s palestinien.ne. s dans les prisons israéliennes. Les manifestant.e.s se sont dirigé.e.s vers la clôture israélienne et s’en sont approché.e.s lorsqu’une forte explosion a été entendue. Le ministère de la santé de Gaza a fait état de la mort de six Palestinien.e.s et de 25 autres personnes blessées. 

Les circonstances de l’explosion restent floues et les témoins racontent deux versions différentes de l’incident. Selon la première, les forces israéliennes auraient placé un engin explosif sur la clôture pour tendre une embuscade aux jeunes et les tuer. Selon l’autre version, l’explosion s’est produite lorsque les manifestant.e.s ont tenté de lancer un engin explosif en direction du côté israélien.

Les six martyr.e.s ont été enterré.e.s au milieu d’une foule massive de personnes en deuil, tandis que leurs cortèges funèbres remplissaient les rues de la bande de Gaza le jeudi 14 septembre. Leur mort n’a pas dissuadé les autres manifestant.e.s de se joindre à eux. Au contraire, ils.elles ont servi de force galvanisante pour inciter les gens à se rendre à la frontière. Dans les jours qui ont suivi, la Jeunesse Révolutionnaire a continué à lancer des appels à d’autres manifestations à la frontière, et les gens ont commencé à venir en plus grand nombre.

Alors que les manifestations se poursuivaient, la poursuite de la campagne de répression israélienne contre les Palestinien.ne.s en Cisjordanie a jeté de l’huile sur le feu, en particulier après la diffusion sur les réseaux sociaux de vidéos montrant des colons israéliens et des forces armées en train de violenter des femmes et des personnes âgées palestiniennes, accompagnées d’images de colons prenant d’assaut l’enceinte de l’Aqsa.

Vendredi, les manifestations ont attiré une foule nombreuse et les forces israéliennes ont réagi en lançant des gaz lacrymogènes sur les manifestant.e.s et en tirant sur les manifestant.e.s et les journalistes. Un photographe qui couvrait les manifestations a été touché à la main par une grenade lacrymogène et a été transporté en Turquie pour y être soigné et tenter de sauver sa main. 

Dimanche, des centaines de personnes ont manifesté à l’est de la ville de Gaza, à Malaka, l’un des points névralgiques des manifestations à la frontière. Parmi la foule de jeunes, deux femmes participaient, espérant trouver d’autres personnes pour les rejoindre dans leur désir de montrer leur solidarité avec leur peuple en Cisjordanie. Lorsque Mondoweiss s’est entretenu avec elles, elles semblaient déçues qu’il n’y ait pas plus de monde. Normalement, une violation aussi évidente d’al-Aqsa devrait susciter une réaction populaire plus large, mais elles restent optimistes et pensent que davantage de personnes viendront dans les jours à venir.

« Nous sommes venus ici aujourd’hui pour défendre et soutenir notre peuple à Jérusalem et en Cisjordanie », a déclaré à Mondoweiss Amal Ahmad, 41 ans, l’une des manifestantes en première ligne. « C’est la chose la plus simple que nous puissions faire pour montrer à l’occupant israélien que les Palestinien.ne.s sont un peuple invaincu et fort, et que quoi qu’ils fassent pour nous terrifier par des tirs et des gaz lacrymogènes, nous avons plus de pouvoir qu’eux. »

“Il est inacceptable que les habitant.e.s de Gaza voient les Palestinien.ne.s de Jérusalem et de Cisjordanie souffrir aux mains des Israéliens et ne fassent rien.” a-t-elle ajouté.

Le désir de résister

La plupart des récent.e.s manifestant.e.s sont d’anciens manifestant.e.s de la Grande Marche du Retour, et nombre d’entre eux ont souffert de blessures permanentes lorsque la Marche battait son plein. Même la Jeunesse Révolutionnaire, qui a organisé ces manifestations, est composée de vétéran.te.s de la Marche du retour.

« Ce qui arrive à nos frères et sœurs de Cisjordanie et de Jérusalem nous arrive à nous », a déclaré Ahmad Hafez, un manifestant de 18 ans, à Mondoweiss, adressant un message à Israël depuis les lignes de front. « Si vous continuez à agresser notre peuple en Cisjordanie, nous viendrons aux frontières tous les jours et nous répondrons durement.

Les manifestant.e.s affirment que ces protestations seront de plus en plus efficaces et nuisibles pour Israël au fil du temps, menaçant d’intensifier les actions directes en utilisant de nouveaux outils de confrontation, tels que de simples grenades artisanales et des engins explosifs improvisés (EEI). 

 « Israël verra des actes terrifiants de la part de la Jeunesse Révolutionnaire à Gaza en réponse à ses crimes contre les Palestinien.ne.s « , a déclaré à Mondoweiss Ahmad Abu Khater, un membre de la Jeunesse Révolutionnaire âgé de 22 ans. 

« Nous prendrons pour cible leurs véhicules et leurs soldats, et nous brûlerons le sol sous leurs pieds – jusqu’à ce qu’ils mettent fin à leur terreur contre les Palestinien.ne.s et qu’ils quittent notre patrie. Nous avons choisi de défendre notre peuple », a déclaré M. Abu Khater. 

Abu Khater considère que ce type de manifestations est plus préjudiciable à Israël que les conflits militaires à proprement parler. Il pense qu’Israël a subi des pertes à la suite des actions des manifestant.e.s, mais il ne veut pas divulguer de détails. « Nous sommes ici pour semer la confusion dans l’esprit de l’occupant », a-t-il déclaré. « Lorsqu’ils voient des centaines d’entre nous se tenir sans crainte, c’est eux qui ressentent la peur, pas nous.

« C’est pourquoi un enfant qui brandit une pierre peut terrifier l’occupant plus que n’importe quelle arme », a poursuivi M. Abu Khater.

Abu Khater est originaire du camp de réfugié.e.s d’al-Nusserat, au milieu de la bande de Gaza. Il est arrivé pour manifester aux côtés de ses ami.e.s et de certains membres de sa famille, tous de jeunes garçons âgés de onze à treize ans. Abu Khater les a montrés du doigt un par un, puis a déclaré : « Ce sont ces jeunes qui libéreront notre pays. »

La réponse d’Israël

Israël ne s’est pas contenté de réprimer les manifestations à sa frontière : il a également lancé des frappes aériennes dans toute la bande de Gaza, à partir de vendredi dernier. Les forces aériennes israéliennes ont frappé plusieurs sites affiliés au Hamas dans le nord de Gaza. Certains de ces sites se trouvaient également à proximité des lieux où se sont déroulées les manifestations. L’un des sites bombardés était un point de contrôle militaire du Hamas dans la partie orientale de la bande de Gaza, ce qui a fait plusieurs blessés et entraîné des destructions massives dans les zones visées. 

Outre les frappes aériennes, Israël a également renforcé ses sanctions économiques à l’encontre de Gaza, en fermant vendredi le point de passage d’Erez entre Gaza et Israël et en empêchant plus de 18 500 travailleurs.euses de Gaza d’aller travailler en Israël. 

Sami ‘Amsi, chef du syndicat des travailleurs.euses de Gaza, a déclaré dans un communiqué de presse que la fermeture du point de passage d’Erez en réponse aux événements survenus aux frontières est un acte de punition collective à l’encontre de plus de 18 500 travailleurs.euses de Gaza et de leurs familles.

« L’occupation israélienne utilise le dossier des travailleurs.euses de Gaza comme une forme de pression et de chantage politique et économique à l’encontre des Palestiniens », a déclaré M. Amsi dans son communiqué. « Israël cherche à obtenir des gains politiques aux dépens des travailleurs.euses palestinien.ne.s et de leurs moyens de subsistance.”

Tareq S. Hajjaj est le correspondant de Mondoweiss à Gaza et membre de l’Union des écrivain.e.s palestinien.ne.s. Il a étudié la littérature anglaise à l’université Al-Azhar de Gaza. Il a commencé sa carrière dans le journalisme en 2015 en tant que rédacteur et traducteur pour le journal local Donia al-Watan. Il a fait des reportages pour Elbadi, Middle East Eye et Al Monitor. Suivez-le sur Twitter à @Tareqshajjaj.

Source: Mondoweiss

Traduction ED pour l’Agence Média Palestine

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