Au 12ème jour des affrontements, et alors que les crimes de guerre israéliens s’intensifient et plongent Gaza dans l’obscurité et dans l’horreur, des citoyen.ne.s français.es réservistes des forces armées israéliennes répondent à l’appel de leurs unités de combat et rejoignent Israël, dans le silence complice du gouvernement et des médias.
Par l’Agence Média Palestine, le 19 octobre 2023
En 2018, selon une enquête de Libération (Check News), 4185 soldats (réguliers) servaient l’armée d’occupation israélienne. Depuis l’appel de l’armée israélienne lancé le 7 octobre – le premier jour des combats – qui a convoqué plus de 360 000 réservistes de l’armée d’occupation en soutien, beaucoup de Franco-israélien.ne.s ont répondu à l’appel et se rejoignent dans les aéroports parisiens depuis la semaine dernière, en espérant monter dans le prochain vol pour Tel-Aviv afin de rejoindre leur unité de combat.
Parmi elles et eux, David, jeune réserviste de 20 ans, interrogé à l’aéroport de Paris par BFMTV, se dit prêt à « protéger (son) pays et les gens d’Israël », ou encore un jeune homme interrogé par 20 Minutes sous couvert d’anonymat, qui affirme n’avoir pas hésité « une seule seconde ».
Selon Thomas Vescovi, enseignant et chercheur en histoire contemporaine, dans un entretien à Middle East Eye du 10 octobre 2023, « dès lors que l’armée israélienne se rend coupable de crimes de guerre ou contre l’humanité dans la bande de Gaza, comme cela a été dénoncé y compris récemment par diverses ONG, les autorités françaises ne peuvent rester aveugles si leurs citoyen.ne.s s’en rendent complices ». En ce sens, la France est responsable des agissements de ses citoyen.ne.s faisant le choix d’aller combattre aux côtés d’Israël.
La responsabilité de la France qui devrait être engagée contre la politique coloniale illégale d’Israël est d’autant plus engagée aujourd’hui lorsque ses citoyen.ne.s – français.es – se rendent complices du nettoyage ethnique en cours à Gaza et des crimes de guerre perpétrés contre toute la population civile palestinienne.
Le traitement des médias français et francophones sur le sujet reste très peu abordé et quand il l’est, c’est souvent problématique par sa manière de réutiliser le vocabulaire propagandiste d’Israël. Ce traitement est même très souvent teinté d’une certaine glorification du choix de ces volontaires de rejoindre Tsahal.
Par exemple, alors que BFM parle de « mener la riposte », le journal La Tribune titre « Les réservistes, l’espoir d’Israël : (…) les soldats de la réserve de Tsahal forcent l’admiration de toute une nation », dans un article du 15 octobre 2023.
BFM TV titre de son côté « Honorer le serment : ces réservistes qui se rendent en Israël après les attaques du Hamas » réutilise ici aussi le langage propagandiste propre à l’armée israélienne afin de couvrir ses crimes de guerre.
Dans ce reportage de Radio-Canada, la journaliste canadienne parle ici du courage de ces réservistes « arraché.e.s à leur confort du jour au lendemain ».
Le Journal du Dimanche, dans un article du 12 octobre 2023, flatte les vertus socialisantes du service militaire et de l’appel aux réservistes de Tsahal, permettant aux jeunes appelé.e.s de réaffirmer leur patriotisme : « (…) Un patriotisme à toute épreuve qui s’explique notamment par « les menaces d’attaques constantes auxquelles est confronté Israël », précise Héloïse Fayet, chercheuse au Centre des études de sécurité de l’Institut français des relations internationales (Ifri). Selon elle, l’armée est devenue une institution « qui met tout le monde d’accord » et qui représente « un haut lieu de sociabilisation avant les études supérieures pour les jeunes ». »
Dans ces choix de formulations médiatiques, rien ne vient questionner la France sur sa responsabilité quant à la participation de ses citoyen.ne.s appelé.e.s et volontaires à la guerre en cours à Gaza. Non seulement il s’agit d’une totale invisibilisation du contexte global permettant d’expliquer la nature des affrontements auxquels nous assistons depuis maintenant 12 jours, mais en plus, le choix des mots induit en erreur.
Le service militaire israélien ne relève pas d’un « haut lieu de sociabilisation » au même titre qu’un camp de vacances ou d’un semestre Erasmus à l’étranger. Il s’agit de la formation de la jeune génération israélienne aux valeurs suprémacistes, coloniales et militaires du régime israélien. Cet article affirme qu’Israël subit des « menaces d’attaques constantes » et n’évoque pas les attaques quotidiennes d’Israël en territoires palestiniens occupés.
L’inaction et le silence de la France quant à la responsabilité qu’elle porte vis-à-vis de l’engagement de ces réservistes français.es dans les crimes de guerre israéliens à Gaza, ainsi que l’incapacité des médias français à traiter le sujet de manière déontologique et respectueuse du droit international, enlisent la France dans sa complicité avec la politique coloniale d’apartheid d’Israël.