Par Hassan Alsafadi, le 20 novembre 2023
« Molester un prisonnier est l’expression arrogante de la peur. »
– Ghassan Kanafani, The Stolen Shirt.
L’écrivain militant Ghassan Kanafani a dit cette phrase à la veille de son assassinat, le 8 juillet 1972. Qu’aurait-il dit aujourd’hui du martyre des prisonniers palestiniens en détention ? Hier, dimanche 19 novembre 2023, la Commission des affaires des prisonniers et anciens prisonniers et le Club des prisonniers palestiniens ont annoncé « l’assassinat du prisonnier Thaer Samih Abou Assab dans la prison du désert du Néguev, faisant de lui le sixième prisonnier assassiné par l’armée israélienne depuis le 7 octobre 2023, 42 jours après le début de des agressions criminelles de l’occupation israélienne visant à perpétrer un génocide et un nettoyage ethnique dans la bande de Gaza. La Commission a considéré que l’assassinat d’Abou Assab (38 ans), détenu depuis le 23 mai 2005 et condamné à 25 ans de prison, n’est rien d’autre que la poursuite par l’occupation de « l’exécution des opérations d’assassinat systématiques et préméditées à l’encontre de nos prisonniers. »
La Commission a basé sa déclaration sur ce qu’elle a pu documenter concernant « les opérations de torture et les exactions commises par l’occupation au fil du temps contre les prisonniers. Cela ressort de tous les témoignages que nous avons pu obtenir récemment, et qui comportent des informations horribles, dont celles indiquant que des centaines de prisonniers ont subi des lésions différentes en raison des tortures et des abus perpétrés par les forces de la répression, avec la participation d’unités spéciales de l’armée d’occupation. »
La Commission a aussi souligné dans sa déclaration qu’ « après le 7 octobre 2023, l’armée israélienne a délibérément imposé aux prisonniers un isolement renforcé et sans précédent afin de les couper du monde et de les tuer. Elle empêche ainsi les visites des équipes judiciaires aux prisonniers ou les interdit et impose à ceux-ci des mesures visant à les liquider. » L’assassinat d’Abou Assab n’est qu’un parmi des milliers de crimes commis par Israël contre les Palestiniens depuis 1967. Selon la rapporteuse spéciale des Nations Unies pour les droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés, Francesca Albanese, les forces de l’occupation israéliennes ont arrêté plus de 800 000 Palestiniens depuis 1967, transformant la Palestine en « une prison à ciel ouvert », puisque ce nombre représente 15 % de la population totale du territoire palestinien occupé. Selon Abdelnasser Farwana, spécialiste des affaires des prisonniers et anciens prisonniers, on compte parmi ces prisonniers environ 50 000 enfants et 17 000 femmes . Le Centre des statistiques de la Palestine occupée estime la population de la Cisjordanie et de la bande de Gaza à environ 5,48 millions de personnes, au début de 2023.
L’assassinat du jeune prisonnier Abou Saab, qui avait déjà enduré 18 sur les 25 ans de sa peine dans les prisons de l’occupation, n’est qu’un maillon de la série de crimes de l’occupant, que des militants internationaux des droits de l’homme qualifient désormais de génocide, de nettoyage ethnique et de crimes contre l’humanité à l’encontre du peuple palestinien. Cet assassinat s’inscrit dans un contexte d’exactions contre des détenus, entravés et sans défense, que ce soit à l’intérieur des prisons ou lors des opérations d’arrestation, de détention et de fouille, qui se sont intensifiées depuis le déclenchement de la guerre du 7 octobre contre Gaza. Le Club des prisonniers palestiniens a recensé 2 960 Palestiniens arrêtés par les autorités de l’occupation en Cisjordanie et à Jérusalem depuis le début de Tufan al-Aqsa (Déluge d’al-Aqsa), dont environ 145 enfants et plus de 100 femmes. Parmi ces prisonniers se trouve la jeune militante Ahed Tamimi, qui, selon les autorités israéliennes, est « soupçonnée d’incitation à la violence et aux activités terroristes dans la ville de Nabi Saleh ». Elle a ensuite été transférée à la prison de Damon où elle se trouve encore.
Selon les données des institutions en charge des prisonniers en Palestine, le nombre des détenus dans les prisons de l’occupation a atteint environ 7 000 hommes et femmes à la fin du mois d’octobre, y compris ceux arrêtés après Tufan al-Aqsa. Mais on ne dispose pas de chiffres précis pour les enfants incarcérés. Le nombre des détenus administratifs a atteint 2 070, et celui de détenus de Gaza, classés par l’occupation comme « combattants illégaux », est de 105.
Historique des arrestations
Depuis la Nakba et jusqu’à présent, l’occupation israélienne a poursuivi sa politique d’extermination des Palestinien-ne-s par divers moyens et méthodes afin de réaliser son projet colonial sur la terre de Palestine. Elle a ainsi mené en continu des opérations d’assassinats individuels et collectifs, de démolition de maisons, d’incendies de vignobles, de champs et de terres (politique de la terre brûlée) ainsi que de contrôle des ressources naturelles, le tout dans le but de priver les Palestiniens des conditions leur permettant de survivre sur leur terre, de résister et de manifester leur attachement à leurs droits.
Les campagnes d’arrestations constituent l’un des piliers de cette politique visant à occulter l’identité palestinienne et à la retirer de l’Histoire une bonne fois pour toutes. Les arrestations ont été poursuivies parmi les diverses couches de la société palestinienne depuis la Nakba de 1948, confirmant la réalité de cette politique de préhension dont l’objectif est de paralyser la capacité de la société palestinienne à s’organiser politiquement face au projet sioniste.Des hommes, des femmes, des enfants, des personnes âgées ont été touchés par ces arrestations, de même que des enseignants qui s’opposaient à l’«israélisation» de l’éducation, des enfants qui refusaient de saluer le drapeau israélien, des chefs de villages qui ne voulaient pas se soumettre au marchandage et au chantage, des écrivains et des poètes qui tenaient à leur arabité et aux valeurs de la lutte et du sacrifice, ainsi que les militants qui travaillaient à la réorganisation politique de la société pour résister face aux effets et aux séquelles de la Nakba. Nous constatons aujourd’hui que cette même politique continue avec une brutalité sans précédent pour se venger de la société palestinienne, d’autant que la machine de guerre sioniste s’est montrée incapable de frapper la résistance palestinienne et d’empêcher sa transmission de génération en génération.
Enfants détenus
Selon la Fondation Addameer pour la protection des prisonniers et les droits de l’homme, les autorités de l’occupation ont arrêté, depuis le 7 octobre, 200 enfants dont 26 se trouvent en détention administrative. Ils sont répartis entre les prisons de Ofer, de Megiddo et de divers autres centres de détention et d’interrogatoire. Parmi ces enfants 20 ont moins de 16 ans. Ils souffrent tous du manque de nourriture et de sa mauvaise qualité, principalement en raison de la négligence absolue de la part de l’administration pénitentiaire de l’entretien et de la propreté des pièces et des sanitaires si bien que les insectes pullulent dans ces lieux de détention qui ne disposent même pas de ventilation et d’éclairage adéquat.
Les autorités de l’occupation usent d’une force excessive lors de l’arrestation des enfants. La Fondation Adhameer a documenté le témoignage de l’enfant Q.A. (17 ans) de la ville de Bethléem, qui a déclaré qu’après avoir fait exploser la porte de sa maison, les soldats israéliens l’ont attaqué, violemment battu et effrayé en utilisant des chiens. Ils l’ont ensuite menotté brutalement par derrière et emmené dans un camp où il a été de nouveau battu jusqu’au sang, puis transféré à la prison d’Ofer.
Selon les institutions palestiniennes en charge des prisonniers, les statistiques et les témoignages documentés d’enfants détenus indiquent que la majorité d’entre eux ont subi une ou plusieurs formes de torture physique et psychologique, au moyen d’un certain nombre d’outils et de méthodes systématiques prohibés par les lois, les normes internationales et les conventions relatives aux droits de l’enfant. Ces enfants souffrent également de négligence médicale, en plus de diverses formes de violence verbale, de passages à tabac, d’isolement et de punition collective de la part des geôliers.L’organisation israélienne de défense des droits humains « B’Tselem » a indiqué à la fin juin 2023, que l’autorité pénitentiaire israélienne détenait « 147 mineurs palestiniens entre détenus et prisonniers, qu’elle qualifie comme « sécuritaires». S’y ajoutent à la même date et toujours selon B’Tselem, 26 mineurs palestiniens que l’administration pénitentiaire détenait en raison de leur séjour illégal en Palestine occupée. L’organisation avertit périodiquement que ces chiffres relèvent de la seule responsabilité de l’administration pénitentiaire et de l’armée israélienne, soulignant la multitude des parties qui ont les mêmes pratiques et procèdent à des arrestations sous des appellations différentes, dont les détenus administratifs, répertoriés comme “sécuritaires”, ils sont condamnés et détenus « en vertu de la loi » et ce jusqu’à la fin de l’exécution de leur peine.
Arrestation et assassinat de journalistes pour occulter la vérité
Selon des statistiques officielles, au cours des 42 jours de l’agression sauvage contre la bande de Gaza on a compté 60 martyrs parmi ceux qui travaillent dans la presse à Gaza. Le dernier en date ayant été le journaliste et analyste politique Mustafa Al-Sawaf, assassiné ainsi que des membres de sa famille, par un bombardement israélien contre sa maison dans la bande de Gaza à l’aube du samedi 18 novembre. 2023.
Le responsable de l’information du Club des prisonniers palestiniens, Amani Sarahneh, a déclaré que, depuis le 7 octobre, le club a recensé 40 cas d’arrestation de journalistes, hommes et femmes, dont le journaliste Moaz Amarneh, détenu alors qu’il est blessé, et qui a été transféré en détention administrative. Le responsable a souligné que le journaliste avait perdu un œil à la fin de l’année 2019, lorsque des tireurs d’élite de l’occupation l’avaient pris pour cible. Les forces de l’occupation ont également arrêté la journaliste Soumaya Jawabra, puis sont revenues sur leur décision une semaine plus tard et l’ont relâchée sous « des conditions punitives cruelles », selon un communiqué publié par le Club des prisonniers palestiniens, qui qualifie cette opération de détention à domicile. Ces conditions comprennent « une garantie financière de 10 000 shekels et une garantie d’un tiers de 50 000 shekels, en plus de l’assignation à résidence pour une durée indéterminée et l’interdiction d’utiliser Internet. L’assignation à résidence concerne non seulement la journaliste mais aussi son mari et sa belle-mère, afin de garantir la stricte application des conditions précédentes.
Jawabra a été arrêtée après avoir été convoquée par les services des renseignements de l’occupation au poste de police d’al-Jabal, près de la colonie de Ma’aleh Adumim, à l’est de Jérusalem. Son mari, Tariq Al-Sarkaji, raconte : « Nous sommes allés, ma femme et moi, au poste de police. A notre arrivée, ils ont emmené Soumaya à l’intérieur du poste et m’ont ordonné de rentrer chez moi précisant que ma femme était en état d’arrestation ». Soumaya est mère de trois enfants (Shams, 6 ans, Samaa, 4 ans et Abada, 2 ans), et elle est enceinte de sept mois, elle a donc besoin de soins de santé spécifiques.Le ciblage des journalistes palestiniens s’inscrit dans le cadre de la campagne visant à occulter la vérité et à imposer le black-out médiatique, pratiquée par l’occupant afin de cacher ses crimes en Palestine et continuer à redorer son image devant les peuples du monde. Image qui a d’ailleurs commencé à être maculée de sang, notamment avec la multiplication des réseaux sociaux, devenus aujourd’hui une source importante d’information à travers le monde. La Fédération internationale des journalistes a condamné le ciblage des journalistes par les forces de l’occupation israélienne, et son secrétaire général, Anthony Bellanger, a déclaré : « Le ciblage systématique des institutions médiatiques est une tentative honteuse de la part de l’armée israélienne de faire taire la voix des médias, qui rapportent des informations sur la violence qu’elle pratique à Gaza et constitue une violation du droit international. Il faut mettre fin au ciblage des journalistes et aux attaques délibérées contre eux. »
Exactions et sévices contre les détenus lors de leur arrestation
Le service pénitentiaire israélien pratique tous types d’exactions et de sévices contre les prisonniers et détenus palestiniens dans les geôles de l’occupation. Ces violences excessives ont conduit au martyre des deux prisonniers : Arafat Yasser Hamdan (25 ans) du village de Beit Sira, à l’ouest de Ramallah, et Omar Daraghmeh (58 ans) de la ville de Tubas dans le nord de la Cisjordanie, outre Thaer Abou Assab. Le nombre des tués parmi le mouvement palestinien dans les prisons a atteint ainsi 243 martyrs, depuis 1967, dont 6 martyrs depuis le 7 octobre. Ceux-là en plus des centaines de prisonniers qui ont succombé en martyrs après leur libération à la suite de maladies contractées en prison. En outre les autorités de l’occupation israélienne détiennent encore les dépouilles de 16 prisonniers martyrs, y compris celle du dernier entre eux, le martyr Thaer Abou Assab.
Le Club des prisonniers palestiniens a rapporté le témoignage d’un prisonnier palestinien récemment libéré de la prison Megiddo, située dans la région de Marj Bin Amer. Le prisonnier déclare: « Après l’arrestation, les soldats de l’occupation traînent les détenus menottés et leur demandent d’embrasser le drapeau de l’État occupant pour les photographier dans cette posture. Si le détenu refuse, les soldats le tabassent brutalement et l’insultent. Une fois le passage à tabac terminé, ni les geôliers ni les soldats ne soignent le détenu blessé, même s’il saigne abondamment. »
Il ajoute : « Les cellules sont surpeuplées, on compte 11 à 18 détenus par pièce, et la plupart des prisonniers dorment à même le sol sans couvertures. La nourriture est également très rare, puisque les prisonniers n’ont droit qu’à deux repas par jour, composés d’un œuf dur et de pommes de terre cuites à l’eau. La nourriture est vraiment mauvaise et les quantités très réduites. »
Les services pénitentiaires de l’occupation confisquent également les affaires des prisonniers, y compris les vêtements et les chaussures, il n’y a pas de cantine non plus (où les prisonniers pourraient acheter des produits de première nécessité), chacun d’eux ne dispose que des vêtements qu’il a sur lui.
Le journaliste israélien Hillel Rosen a révélé que le ministre de la Sécurité nationale du gouvernement extrémiste israélien, Itamar Ben Gvir, menaçait, depuis le 7 octobre 2023, d’imposer aux détenus palestiniens dans les prisons de l’occupation, des sanctions plus sévères encore. Elles consisteraient globalement à placer cinq prisonniers dans chaque cellule d’isolement, enchaînés jour et nuit les uns aux autres par les pieds, ils n’auraient le droit de sortir que pour se doucher pendant la journée. Ces mesures prévoient aussi que les prisonniers dorment sur des sortes de bancs en pierre, n’aient de l’eau que pour boire et que les toilettes seraient juste un trou dans le sol de la cellule.
L’État colonial viole les articles 49 et 76 de la Quatrième Convention de Genève, qui interdisent aux forces de l’occupation de déplacer des personnes protégées, notamment les détenus, hors des territoires occupés. Or les autorités de l’occupation détiennent aujourd’hui des milliers de prisonniers et détenus palestiniens dans les prisons de l’État occupant sur les territoires de la Palestine historique, c’est-à-dire en dehors des territoires occupés en 1967.
Politique de la détention administrative
Les autorités de l’occupation ont multiplié les recours à la détention administrative contre les Palestiniens en Cisjordanie et dans la bande de Gaza. Au cours du mois d’octobre dernier, 1034 ordres de détention administrative ont été émis, contre seulement 219 ordres de détention administrative au cours du même mois de l’année dernière.
Depuis 1967, les autorités de l’occupation ont émis plus de 55 000 ordres de détention administrative contre des Palestiniens en Cisjordanie, à Jérusalem et dans la bande de Gaza. Les forces de l’occupation ont recours à la détention administrative sans inculpation ni procès, sur la base d’un dossier secret que ni le détenu ni son avocat n’ont le droit de consulter, ce qui empêche d’élaborer une défense juridique efficace, de sorte que le détenu se trouve privé des garanties d’un procès équitable couvert par le droit international. Il demeure ainsi incarcéré en vertu d’ordonnances de détention administrative pour des périodes allant de six mois à six ans ou plus, l’ordonnance de détention administrative étant continuellement renouvelée.
Les forces de l’occupation usent ainsi de la politique de détention administrative pour renforcer leur contrôle sur le peuple palestinien et l’empêcher d’exercer son droit à l’autodétermination. La détention administrative touche différentes tranches d’âge et catégories sociales de la société palestinienne. Elle atteint des hommes, des femmes, des enfants, des personnes âgées et des acteurs sociaux comme les journalistes, les écrivains, les universitaires, les personnalités politiques, les médecins et les défenseurs des droits de l’homme, le tout dans une tentative de démembrer le peuple palestinien et l’empêcher d’évoluer en tant que société libre qui pratique sa lutte politique, sociale et économique.
Le commandant militaire israélien pour la région de Cisjordanie avait émis un arrêté temporaire modifiant les durées de détention administrative arbitraire, jusqu’au 30/11/2023. Il stipule qu’il est désormais possible d’émettre un ordre de détention administrative contre le détenu dans un délai de 8 jours au lieu de 72 heures, outre la possibilité de présenter le détenu à la première audience de validation devant un juge militaire dans un délai de 12 jours au lieu de 8 jours. Tout cela dans le but de donner plus de temps aux services des renseignements et à l’armée de l’occupation pour enquêter et maltraiter les détenus palestiniens avant de les traduire devant un juge militaire, et pour fournir des preuves secrètes à même de permettre l’émission d’ordres de détention administrative sans formuler une accusation officielle claire et encore moins accorder au détenu son droit à un procès équitable.
Détenus à Gaza : les combattants illégaux
En mars 2002, la Knesset israélienne a promulgué la loi sur les « combattants illégaux » (2002), qui est une forme de détention administrative, avec quelques différences mineures privant le détenu des garanties d’un procès équitable.
Comme c’est le cas pour la détention administrative, la loi sur les combattants illégaux permet au ministre de la Sécurité intérieure ou à son représentant auprès du commandant militaire d’émettre un mandat d’arrêt contre toute personne de la bande de Gaza, la considérant comme « combattant illégal » ; et ce pour une période illimitée sans préciser de date pour sa libération, et sans présenter aucun acte d’accusation contre lui, le tout sur la base de preuves secrètes qui ne sont examinées que par le juge, et surtout pas par l’accusé ni par l’avocat de la défense.
Les règlements de l’administration pénitentiaire israélienne définissent le « combattant illégal » comme étant « toute personne détenue en prison en vertu d’un ordre d’arrestation signé par le chef d’état-major, et qui n’a pas droit au statut de prisonnier de guerre ». En vertu de cette loi, des dizaines de Palestiniens de la bande de Gaza occupée ont été arrêtés notamment lors de l’agression militaire de décembre 2008 et janvier 2009.
Après le 7 octobre dernier, les autorités de l’occupation israéliennes ont apporté des amendements à la loi sur les combattants illégaux, afin de l’adapter au grand nombre d’arrestations qu’elles ont menées contre les Palestiniens de la bande de Gaza. Les autorités de l’occupation ont pu ainsi supprimer les droits minimaux que le détenu palestinien pouvait encore obtenir même à travers ces lois racistes, qu’elles ont elles-mêmes imposées, et qui les contraignent aujourd’hui.
Selon la Fondation Addameer pour la protection des prisonniers et les droits de l’homme, les autorités de l’occupation ont introduit, le 13 octobre 2023, un amendement à la loi sur les « combattants illégaux » sous le titre de « Règlements d’urgence », cet amendement comprend :
- L’élargissement du champ des responsables ayant le droit d’émettre des mandats d’arrêt pour inclure les généraux et ceux du grade inférieur,
- Le général dispose de 21 jours pour émettre le mandat d’arrêt au lieu de 7 jours.
- La durée pour la vérification judiciaire de la décision d’arrestation est prolongée de 14 à 30 jours.
- La visite de l’avocat doit désormais avoir lieu dans les 21 jours précédant la date de vérification judiciaire et non plus 7 jours seulement.
- L’interdiction de rencontrer un avocat, prononcée par le même responsable ayant émis la décision de l’arrestation, devient d’une durée de 28 jours à compter de la date de l’arrestation au lieu de 10 jours.
- Les juges peuvent, par ailleurs, prolonger la durée de l’interdiction de rencontrer un avocat jusqu’à 45 jours au lieu de 21 jours.
Cette loi vise essentiellement à priver les prisonniers palestiniens du statut de prisonnier de guerre, en particulier ceux détenus à partir du 7 octobre parmi les membres des factions de la résistance palestinienne qui sont entrés dans ce qu’on appelle l’« enveloppe de Gaza ». L’article 4 de La Troisième Convention de Genève définit cependant les prisonniers de guerre comme suit : « (a) Les prisonniers de guerre au sens de la présente Convention sont les personnes appartenant à l’une des catégories suivantes et qui tombent entre les mains de l’ennemi : 1- Les membres des forces armées de l’une des parties en conflit, ainsi que les milices ou unités de volontaires qui font partie de ces forces armées. 2- Les membres des autres milices et unités volontaires, y compris les membres de mouvements de résistance organisés qui appartiennent à l’une des parties en conflit et opèrent à l’intérieur ou à l’extérieur de leur territoire, même si ce territoire est occupé. Ces milices ou unités volontaires, y compris les mouvements de résistance organisés doivent cependant répondre aux conditions suivantes … »
Les prisonniers malades
Selon le ministère des Prisonniers et anciens Prisonniers, le nombre des détenus palestiniens malades dans les prisons de l’occupation a atteint 700 prisonniers et détenus, dont une grande partie souffre de longues maladies qui menacent leur vie, surtout que les services pénitentiaires de l’occupation négligent de leur fournir les soins de santé comme les médicaments et le matériel médical nécessaires.La plus récente de ces exactions a été le transfert du prisonnier palestinien Walid Daqqa (62 ans), atteint d’un cancer rare de la moelle osseuse, du « centre médical de la prison de Ramla » au centre de détention « Gelboé », près de la ville de Beit Shean, considérée comme l’une des prisons les plus difficiles en termes de conditions de détention ; ce qui a augmenté les risques et les craintes pour la vie de Daqqa, surtout avec les entraves que l’administration pénitentiaire de l’occupation oppose aux visites de ses avocats. Les conditions de détention de Daqqa ont été l’une des plus importantes causes de son état de santé actuel.
Privés de visites
Depuis le 7 octobre dernier, les autorités de l’occupation ont suspendu les visites du Comité international de la Croix-Rouge aux prisonniers et détenus palestiniens dans les prisons israéliennes, afin de pouvoir commettre leurs exactions sans aucun contrôle ni témoignages. Le directeur de la mission locale du Comité international de la Croix-Rouge en Cisjordanie, Arnaud Mivre, a souligné que le comité continuera à travailler avec les autorités compétentes pour permettre à ses équipes de reprendre les visites aux centres de détention de l’occupation israélienne et de suivre de près les conditions de détention des prisonniers palestiniens.
L’administration pénitentiaire de l’occupation fait obstacle aux visites des avocats palestiniens dans les prisons israéliennes en répondant souvent aux demandes de visite par la formule « votre demande est en cours d’examen », ou en informant simplement l’avocat que sa demande est rejetée, notamment dans les prisons où les autorités de l’occupation ont renforcé les mesures de répression et d’abus contre les détenus. Les visites des familles à leurs enfants emprisonnés ont également été limitées, celles à la prison d’Ofer, près de Ramallah, sont désormais interdites, et les visites aux détenus de la bande de Gaza continuent d’être refusées.
Il y a environ deux mois, le ministre israélien de la Sécurité nationale, Itamar Ben Gvir, a décidé de réduire la fréquence des visites des familles palestiniennes de Cisjordanie à leurs enfants dans les prisons de l’occupation. Ainsi, les familles ne peuvent plus visiter leurs proches une fois par mois, mais seulement tous les deux mois, et cela concerne environ 1 600 prisonniers palestiniens.
« Moins qu’un peuple »
Le prisonnier Walid Daqqa affirme dans une étude intitulée « Sahr al-waii aw fi iaadati taarif al taadhib » (Dissoudre la conscience ou redéfinir la torture), 2010, que Israël a mis en place depuis 2004, un système scientifique complet et dangereux qui s’appuie sur les dernières théories de l’ingénierie humaine et de la psychologie de groupe, dans le but de dissoudre la conscience palestinienne en démantelant ses valeurs fédératrices.
Daqqa ajoute : « Nous sommes confrontés à un ensemble de systèmes et de niveaux coordonnés, politiques, militaires et économiques, pour lesquels la dissolution des consciences est l’un des objectifs majeurs. Ce régime israélien représente dans son ensemble un cas de génocide politique qui vise les objectifs suivants : Poursuivre un processus de démantèlement des fondements de l’entité du peuple palestinien, et en finir avec ses valeurs unificatrices. Les premiers visés étant en particulier les forces et groupes qui portent et défendent ces valeurs, comme les prisonniers en leur qualité de militants, et ce, afin que le peuple palestinien devienne moins qu’un peuple et ne nécessite même plus l’anéantissement physique. »
Depuis 1967, les forces de l’occupation ont détenu plus de 800 000 Palestiniens, dont plus de 55 000 ont été arrêtés en vertu d’ordres de détention administrative sans inculpation ni procès. Depuis la deuxième Intifada palestinienne en 2000, dix mille enfants palestiniens ont également été incarcérés. Après les élections du Conseil législatif de l’Autorité palestinienne en 2006, Israël a arrêté plus de 55 membres des 120 membres de ce Conseil.
Par le biais d’ordres militaires émis contre les Palestiniens depuis le début de l’occupation, les forces israéliennes ont continué à renforcer leur emprise militaire sur la terre palestinienne occupée et sur son peuple. Ces ordres criminalisent tous les aspects de la vie palestinienne : politique, économique, social et culturel. En vertu de ces ordonnances, des milliers de Palestiniens sont arrêtés chaque année, et leurs ressources naturelles confisquées. Ils sont arrachés de leur terre sur laquelle des colonies sont construites afin de réaliser le principe même du projet sioniste, qui est de déplacer le peuple palestinien loin de ses terres pour parachever le projet du Grand État d’Israël, aux dépens d’une nation arabe.
Hassan Alsafadi est journaliste et activiste.
Source : Legal Agenda
Traduction Saida Charfeddine pour l’Agence Média Palestine