Nous avons échoué dans la lutte pour la justice : il faut un cessez-le-feu à Gaza maintenant

Par Nontombi Naomi Tutu et Nompumelelo (Mungi) Ngomane, le 18 décembre 2023

De la fumée s’élève de la bande de Gaza après des frappes israéliennes le samedi 9 décembre 2023. (AP Photo/Leo Correa)

Notre père et grand-père, feu l’archevêque Desmond Tutu, était toujours prêt à s’exprimer face à l’oppression dans le monde entier.

Bien qu’il ait aimé être aimé, il s’est senti obligé de dénoncer l’injustice, même lorsque cela l’a conduit à être accusé d’être un communiste, un politicien en habits de prêtre, un raciste. Il a continué à s’exprimer même lorsqu’il a été sanctionné par le gouvernement sud-africain de l’apartheid, qu’on lui a retiré son passeport et que lui et sa famille ont été menacés de violence. Comme il le disait souvent, « je ne peux pas rester silencieux face à la déshumanisation et à l’oppression de mes frères et sœurs dans mon pays et dans le monde entier ».

Il s’est élevé contre l’apartheid en Afrique du Sud, la violence au Soudan et les atrocités d’Idi Amin en Ouganda. Ainsi, lorsqu’il a été témoin des injustices commises à l’encontre des Palestinien-ne-s lors de ses multiples visites dans la région, l’archevêque Tutu a déclaré ouvertement son soutien au peuple palestinien qui luttait pour se libérer de ce qu’il considérait comme une forme d’apartheid. En 2014, il a écrit : « Je sais de première main qu’Israël a créé une réalité d’apartheid. Les parallèles avec mon Afrique du Sud bien-aimée sont douloureusement frappants ».

En tant que ses descendantes, nous déshonorerions sa vie et son héritage si nous restions silencieuses face à la mort et à la destruction qui s’abattent sur les Palestinien-ne-s de Gaza et de Cisjordanie par l’armée israélienne. Comme l’a fait remarquer Martin Luther King Jr., « l’injustice où qu’elle se produise est une menace pour la justice où qu’elle se produise ». Dans cet esprit, nous restons déterminées à travailler sans relâche pour garantir les droits, la dignité et la sécurité de chaque individu dans la poursuite d’une paix juste et durable en Palestine et en Israël.

C’est pourquoi nous appelons sans équivoque à un cessez-le-feu et à la fin complète de l’occupation israélienne, afin que la paix puisse enfin être instaurée. Pas une simple pause, mais une paix durable.

Chaque jour qui passe, nous pleurons la perte de vies humaines que nous continuons à lire et à voir à la télévision et dans les médias sociaux. Plus de 18 000 Palestinien-ne-s ont été tué-e-s à Gaza au cours des neuf dernières semaines. La population civile assiégée, qui compte plus de 2 millions de personnes, dont 85 % ont été chassées de chez elles et vivent dans des conditions sordides et surpeuplées, est confrontée à la famine et à la propagation de maladies endémiques.

Les enfants palestiniens méritent la même joie, la même paix et la même sécurité que nos enfants. Au lieu de cela, plus de 7 000 enfants palestiniens ont été tués et d’innombrables autres ont été ensevelis sous les décombres à Gaza. Des milliers d’autres ont été mutilés à vie, sont devenus orphelins et sans abri. Il est difficile d’imaginer l’ampleur du traumatisme qui a été infligé et il faudra des générations pour en guérir.

Alors que le monde entier a les yeux rivés sur la catastrophe de Gaza, les soldats et les colons israéliens ont intensifié leurs attaques contre les Palestinien-ne-s en Cisjordanie. L’armée envahit quotidiennement les villes et les villages palestiniens et les colons chassent les familles palestiniennes de leurs terres. Plus de 270 Palestinien-ne-s ont été tué-e-s en Cisjordanie depuis le 7 octobre et des centaines d’autres ont été emprisonné-e-s sans procédure régulière. De nombreux villages ont été vidés de leurs habitant-e-s palestinien-ne-s par les attaques des colons.

L’archevêque Tutu a plaidé pour le démantèlement des chaînes de la haine et de la division, et une fois que cela a été réalisé en Afrique du Sud, il a embrassé le pouvoir du pardon et de la réconciliation qui ont suivi. Il a vécu selon le principe de l’Ubuntu, la philosophie africaine qui enseigne que chaque action que nous faisons pour ou contre les autres a un impact sur notre propre humanité. Si les Sud-Africain-e-s blanc-he-s ont été privilégié-e-s par l’apartheid, ils en ont payé le prix en sacrifiant leur propre liberté et leur sécurité. Ils sont devenus des prisonnier-e-s de leur propre fait. Le mal que nous faisons aux autres nous fait du mal.

Nous perpétuons son héritage, croyant en notre humanité commune et au rêve de Dieu d’un monde juste et pacifique. Inspirées par les paroles et le travail de nos ancêtres, nous sommes unies contre toutes les formes d’oppression, reconnaissant l’humanité commune qui nous lie. La lutte pour la liberté des Palestinien-ne-s et la lutte contre l’antisémitisme font partie du même combat mondial pour la dignité et les droits de l’homme. Nous reconnaissons la force qui découle de l’unité et de la diversité. La libération des Palestinien-ne-s sera aussi la libération des Israélien-ne-s.

Lorsque des hôpitaux, des maisons, des abris des Nations Unies, des églises, des mosquées et des écoles sont attaqués sans bénéficier de la présomption de protection des civils, lorsque des millions de personnes sont privées de nourriture et d’eau et que les médecins n’ont pas accès aux médicaments de base pour soigner les malades et les blessé-e-s, les dirigeant-e-s du monde ont manqué à leur devoir envers l’humanité. Ce qui se passe à Gaza est une catastrophe humanitaire provoquée par l’homme que nous devrons expliquer à nos enfants et à leurs enfants.

Nous devons rester déterminé-e-s à garantir les droits, la dignité et la sécurité de chaque individu dans la recherche d’une paix juste et durable en Palestine et en Israël. Nous croyons, comme l’a prévenu l’archevêque Tutu, que « si vous restez neutres dans des situations d’injustice, vous avez choisi le camp de l’oppresseur ». Rassemblons-nous et mettons fin au cycle de la violence et du traumatisme dès aujourd’hui. Que le président Biden et les autres dirigeant-e-s mondiaux appellent haut et fort à un cessez-le-feu pour mettre fin au carnage et aux souffrances inimaginables dont nous sommes témoins à Gaza, alors que le monde n’intervient pas.

En défendant les principes d’égalité, de dignité et de droits de l’homme pour tous, nous devons lutter pour un monde où la justice prévaut et où chaque individu est protégé, y compris le peuple palestinien qui souffre depuis longtemps. Nous ne devons plus nier le droit des Palestinien-ne-s à la liberté. Comme l’a dit le président Mandela, « nous savons trop bien que notre liberté est incomplète sans la liberté des Palestinien-ne-s ».

La Révérende Nontombi Naomi Tutu est la fille de l’archevêque émérite Desmond Tutu.

Nompumelelo (Mungi) est sa petite-fille.

Source : The Hill

Traduction ED pour l’Agence Média Palestine

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