De l’Inde au Canada, en passant par la Belgique et de nombreux autres pays, les membres des syndicats sont solidaires du peuple palestinien et agissent pour stopper le flux d’armes utilisées par Israël dans sa guerre destructrice contre Gaza.
Par Rafeef Ziadah et Katy For-Hodess, le 16 décembre 2023
L’appel à la solidarité mondiale lancé par les syndicats palestiniens a donné lieu à des actions sans précédent menées par les travailleurs-euses en Italie, au Canada, en Inde, en Belgique, en Espagne et au Royaume-Uni.
L’attaque militaire d’Israël contre Gaza a tué plus de 18 000 personnes, en a blessé près de 50 000 et en a déplacé 1,9 million, selon le Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations Unies.
Dans un appel urgent lancé le 16 octobre, les syndicats et associations professionnelles palestiniens ont demandé aux syndicats étrangers de « cesser d’armer Israël », compte tenu du soutien militaire et diplomatique apporté à Israël par les États-Unis et l’Union européenne.
Ils ont appelé les syndicats et les travailleurs-euses à s’abstenir de fabriquer, de transporter et de manipuler des armes et des technologies de surveillance destinées à Israël. Ils ont également créé l’organisation Workers in Palestine avec des alliés internationaux pour renforcer la solidarité et le soutien.
« Nous avons besoin de trois choses de la part des États-Unis : des munitions, des munitions et des munitions », a déclaré le premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, aux représentant-e-s du gouvernement local, selon le Financial Times, alors que l’assaut entre dans son deuxième mois.
M. Netanyahu s’est ensuite inquiété du fait que la vague de protestations en Occident pourrait menacer les livraisons d’armes, ce qui laisse penser que la pression internationale commence à porter ses fruits.
« Les travailleurs-euses palestinien-ne-s ont été en première ligne à Gaza, sauvant des vies et secourant des communautés au milieu de bombardements incessants », a déclaré Samira A.A. Hasanain, membre du Syndicat général palestinien des travailleurs-euses des services publics et du commerce de Gaza. « Alors que nous continuons à exercer nos fonctions, nous saluons du fond du cœur ceux et celles qui travaillent sans relâche pour mettre un terme au commerce des armes avec Israël. »
Mettre fin aux livraisons d’armes
De nombreux syndicats dans le monde ont publié des déclarations en réponse à cet appel.
En Espagne, les travailleurs-euses du port de Barcelone ont refusé de transporter des armes vers Israël et ont exigé un cessez-le-feu immédiat.
Les travailleurs-euses de l’entreprise aérospatiale Airbus à Getafe, en Espagne, ont organisé une marche à l’intérieur de leur usine, en déployant une banderole : « Les travailleurs-euses d’Airbus sont solidaires de la Palestine, non aux ventes d’armes à Israël ».
Quatorze syndicats espagnols et deux cents organisations de la société civile ont lancé une campagne appelant leur gouvernement à mettre fin au commerce d’armes avec Israël.
Des syndicalistes de l’Association des syndicats catalans ont protesté contre Israel Chemical Limited-Iberia, une filiale du groupe ICL, qui fournit à Monsanto (aujourd’hui Bayer) des phosphates destinés à la production de phosphore blanc pour l’armée américaine, qui le fournit à son tour à Israël.
Le phosphore blanc est une arme incendiaire effroyable qui, au contact de l’oxygène, brûle jusqu’à 1 500 degrés Fahrenheit, provoquant de graves brûlures et des lésions organiques. Israël est accusé de l’utiliser dans des zones civiles, en violation du droit international.
En Belgique, plusieurs syndicats de transporteurs ont appelé leurs membres à ne pas transporter d’armes par voie aérienne, après que certains aient signalé avoir vu des cargaisons à destination d’Israël.
En Italie, le 10 novembre, les dockers du port de Gênes (nord), membres du syndicat indépendant Colletivo Autonomo Lavoratori Portuali, et leurs allié-e-s de la communauté, ont bloqué l’embarquement de marchandises sur un navire exploité par la compagnie maritime israélienne ZIM. Le même navire a ensuite fait l’objet de protestations dans le port de Salerne, dans le sud du pays.
Le 30 novembre, les dockers affiliés au Conseil européen des dockers ont mené leur première grande action coordonnée dans les ports de plusieurs pays.
Les douze fédérations syndicales indiennes, qui représentent cent millions de travailleurs-euses, s’opposent fermement aux négociations visant à envoyer cent mille ouvrier-e-s du bâtiment pour remplacer les travailleurs-euses palestinien-ne-s dont Israël a annulé les permis de travail.
Le fait que l’Inde envisage même d' »exporter » des travailleurs-euses montre la manière dont elle a déshumanisé et transformé en marchandises les travailleurs-euses indien-ne-s », peut-on lire dans une déclaration commune des syndicats. « Une telle mesure équivaudrait à une complicité de la part de l’Inde avec la guerre génocidaire qu’Israël mène actuellement contre les Palestinien-ne-s ».
Au Canada, des organisateurs-rices syndicaux autochtones ont audacieusement fermé quatre usines d’armement qui vendaient des armes à Israël. Les travailleurs-euses et les membres de la communauté ont fermé pour la journée les usines de L3Harris à Hamilton, Toronto et Montréal, ainsi que celles de Lockheed Martin à Ottawa. Les militant-e-s syndicaux ont bloqué les entrées de GeoSpectrum à Dartmouth, une filiale d’Elbit Systems, une importante entreprise d’armement israélienne.
Au Royaume-Uni, la dynamique s’amplifie après deux piquets de grève réussis, dont quatre cents syndicalistes bloquant l’entrée de l’usine BAE System à Rochester, dans le Kent. La campagne menée par Workers for a Free Palestine vise à attirer l’attention sur le rôle que joue la Grande-Bretagne dans la chaîne d’approvisionnement des armes utilisées par Israël.
Les actions se sont intensifiées le 7 décembre, lorsqu’un millier de travailleurs-euses ont bloqué des usines d’armement à Bournemouth, Lancashire, Brighton et Glasgow afin d’arrêter la production de composants pour l’avion de combat F-35. Des actions similaires ont été coordonnées en France, au Danemark et aux Pays-Bas.
Par où commencer ?
En demandant la solidarité, les syndicats palestiniens se sont inspirés de l’histoire : la solidarité syndicale contre l’apartheid en Afrique du Sud et les mouvements mondiaux contre l’injustice en Éthiopie et au Chili. Bien que le commerce des armes soit le point de mire initial, l’objectif est de sortir de ce moment terrible avec un soutien syndical plus fort et plus durable pour les travailleurs-euses palestinien-ne-s.
Workers in Palestine, le groupe formé par les syndicats palestiniens, a créé un certain nombre de ressources en ligne, notamment une fiche d’orientation pour les syndicats sur la construction de la solidarité avec la Palestine, un guide d’accompagnement pour les activistes communautaires et une motion modèle.
La trousse à outils « Qui arme Israël ? » offre des conseils d’action et suggère des lieux d’intervention. Lockheed Martin, Boeing, BAE Systems, Leonardo et Raytheon fournissent tous des armes essentielles à l’armée israélienne.
Comme pour toute organisation syndicale, les plus grands succès sont le fruit d’efforts à long terme visant à impliquer la base.
Si vous ne faites que commencer, envisagez de réunir un groupe de membres pour assister à une marche ou à une manifestation locale, ou d’organiser un événement éducatif dans votre local syndical avec une organisation locale de solidarité avec la Palestine, puis de présenter une motion lors de votre prochaine réunion syndicale. (Labor Notes a organisé le 15 novembre une discussion sur ce que font les syndicats).
Pour élaborer une campagne, examinez les liens directs que votre syndicat ou votre employeur-euse peut avoir avec Israël, par exemple par le biais du commerce des armes ou des entreprises du portefeuille de votre caisse de retraite qui profitent de l’oppression des Palestinien-ne-s par Israël. Vous pouvez également vous intéresser à la manière dont les travailleurs-euses palestinien-ne-s du même secteur que vous, comme les universités ou les hôpitaux, sont affectés par les actions d’Israël. Plus le lien est direct, plus la campagne est ciblée.
Les campagnes réussies sur des questions difficiles exigent du dévouement et de la conviction – mais il est aussi incroyablement gratifiant de savoir que vous faites une réelle différence en organisant vos collègues syndiqués pour qu’ils se solidarisent avec les travailleurs de l’autre côté du monde.
Rafeef Ziadah est militant des droits de l’homme et maître de conférences en politique et politique publique (économies émergentes) au King’s College de Londres.
Katy Fox-Hodess est maître de conférences en relations professionnelles à l’université de Sheffield.
Source : Jacobin
Traduction ED pour l’Agence Média Palestine