L’UE et les pays européens doivent veiller à ce que les mesures conservatoires de la CIJ contre le génocide soient respectées !

La lettre qui suit a été envoyée par les signataires ci-dessous aux ministères des affaires étrangères des pays suivants : Suède, Danemark, Finlande, France, Hollande, Belgique, Espagne, Portugal, Slovénie, Pologne, Italie, Grèce, Allemagne, Malte, Irlande et Luxembourg.

Par EuroMed Rights, le 12 février 2024

Cher.e Ministre des Affaires Étrangères,

Le 29 janvier dernier, la guerre israélienne contre le peuple palestinien de Gaza a entamé son 115ème jour, avec plus de 27 000 Palestinien.ne.s tué.es et 63 000 blessée.e.s. Ce chiffre représente 4 % de la population totale de Gaza. Depuis le 7 octobre 2023, le nombre moyen de civil.e.s tué.e.s par jour à Gaza dépasse celui de n’importe quel conflit du 21e siècle ; environ 70 % d’entre eux étant des femmes et des enfants. Depuis le début des attaques, Israël s’en prend aux zones civiles à tel point qu’“aucun endroit à Gaza n’est sûr”, les camps de réfugiés, les hôpitaux, les écoles et les mosquées étant les cibles des bombardements. Plus de 85 % des Palestinien.nes à Gaza ont été déplacé.es à l’intérieur de la Bande et 60% des logements de Gaza ont été détruits ou endommagés. Ce siège brutal intervient après 57 années d’occupation militaire des territoires palestiniens et de 17 années de blocus de la Bande de Gaza.

L’Afrique du Sud a entamé, conformément à l’Article IX de la Convention sur le Génocide, une procédure devant la Cour Internationale de Justice (CIJ) sur la responsabilité d’Israël dans le génocide des Palestinien.ne.s dans la Bande de Gaza. Cette démarche salutaire est essentielle pour permettre la justice et la restauration de l’ordre juridique international. Le 11 janvier dernier, l’équipe juridique de l’Afrique du Sud a présenté ses arguments devant la CIJ, décrivant comment Israël pourrait vraisemblablement être accusé d’actes prohibés par l’Article 2 de la Convention et demandant des mesures préliminaires pour mettre fin au massacre et au déplacement forcé des Palestinien.ne.s. Le jour suivant, Israël s’est présenté à la Cour pour réfuter ces arguments, prétendant que les éléments du crime de génocide n’étaient pas réunis.

Le 26 janvier, la CIJ, par une décision historique, a déterminé qu’il était vraisemblable qu’Israël est en train de commettre un génocide contre le peuple palestinien de Gaza. Parmi les mesures préliminaires, il est indiqué qu’Israël devra prendre des mesures pour empêcher les conduites génocidaires, qu’Israël devra permettre l’approvisionnement en aide humanitaire à Gaza, et qu’Israël devra préserver les indices en lien avec les accusations de génocide. En outre, Israël a pour obligation, le mois suivant, de rapporter à la Cour la mise en place de ces mesures conservatoires.

Bien que ce soit une démarche cruciale afin qu’Israël ait affaire à la justice internationale, la réaction de l’UE et de ses états membres a été décevante. Peu d’Etats européens ont déclaré leur intention d’adhérer aux obligations légales établies par les mesures conservatoires ou de veiller à ce qu’Israël s’y plie. Cela alors que la CIJ est l’un des rares instruments de justice internationale crédible, légitime et neutre ainsi qu’un mécanisme qui garantisse l’état de droit dans les relations internationales.   

La réaction européenne est d’autant plus grave que plusieurs états de l’UE ont décidé de suspendre leurs financements à l’UNRWA après que 12 employés de l’organisation aient été accusés d’avoir participé aux attaques du 7 octobre. L’UNRWA est l’une des organisations les plus importantes dans l’aide apportée aux Palestinien.ne.s de Gaza, et la fin de son financement aggrave la crise humanitaire actuelle, où 500 000 Palestinien.ne.s risquent la famine à cause du siège israélien. Que des Etats mettent fin à leurs subventions, dans ce cas, pourrait revenir à participer à des actes génocidaires tels que “soumettre intentionnellement le groupe à des conditions de vie destinées à provoquer sa destruction physique, en tout ou en partie”, comme indiqué dans la Convention sur le Génocide.

La comparaison avec le large soutien apporté par les Etats membres de l’UE aux décisions préliminaires de la CIJ dans le contexte des guerres en Ukraine et au Myanmar n’a pas échappé aux Palestinien.ne.s. La différence de traitement entre l’Ukraine et la Palestine a conduit beaucoup à constater que l’Europe agit clairement avec deux poids deux mesures en ce qui concerne la Convention sur le Génocide.

Si les Etats européens et l’UE continuent de faire si peu cas des voies permettant de rendre justice, ils risquent de s’isoler de la scène mondiale et de perdre leur position de garants des droits humains et du droit international. Les états européens devraient se rappeler leur passé colonial, de celles et ceux qui étaient les colonisateur.e.s et de celles et ceux qui étaient les colonisé.e.s, ainsi que de leur histoire avec le génocide et le colonialisme de peuplement, prendre les mesures qui s’imposent et veiller à ce que le “plus jamais ça” ne soit pas qu’un simple slogan.

L’UE et ses Etats membres doivent veiller et affirmer publiquement qu’Israël se conforme comme il se doit aux mesures conservatoires de la Cour, en vertu du droit international. Ils doivent aussi veiller à ce que la justice internationale soit appliquée dans toutes les situations où il a été fait état du non-respect des mesures conservatoires par l’État d’Israël. En outre, l’UE et ses Etats membres doivent appeler à un cessez-le-feu afin de s’assurer qu’aucun acte génocidaire ne soit commis par l’État d’Israël et veiller à ce qu’ils ne coopèrent pas à de potentiels actes génocidaires en suspendant les ventes d’armes à Israël. Enfin, comme mentionné par la Rapporteuse Spéciale de l’ONU dans les territoires palestiniens occupés Francesca Albanese, les Etats européens qui ont suspendu leurs subventions à l’UNRWA doivent reprendre et même augmenter leurs financements à l’organisation, faute de quoi ils pourraient se rendre complices d’actes génocidaires.

EuroMed Rights et les signataires ci-dessous considèrent qu’il est de la plus haute importance que les Etats membres et l’UE elle-même soutiennent publiquement et veillent au respect des mesures conservatoires adressée par la CIJ pour le cas de génocide en cours en Palestine. En outre, ces Etats doivent réaffirmer le rôle de la Cour en tant que mécanisme de justice internationale neutre, légitime et respecté. L’UE devrait également fournir son expertise légale à la CIJ en ce qui concerne l’interprétation adéquate de la Convention lorsque cela est possible.

SIGNATAIRES 

  • The Women’s Center for Legal Aid and Counselling – WCLAC
  • The Jerusalem Center for Legal Aid and Human Rights – JLAC
  • Palestinian Human Rights Organization – PHRO
  • Kayan Feminist Organization
  • The Palestinian Center for Human Rights – PCHR
  • International Institute for Non-Violent Action – NOVACT
  • European Trade Union Network for Justice in Palestine
  • European Coordination of Committees and Associations for Palestine – ECCP
  • Association France Palestine Solidarite – AFPS
  • Al-Haq
  • EuroMed Rights

Source : EuroMed Rights

Traduction : LG pour l’Agence Média Palestine

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