12 organisations de premier plan signent une lettre ouverte critiquant le manque d’accès à l’aide humanitaire.
Par Peter Beaumont et Jason Burke, le 11 mars 2024
Douze des plus importantes organisations israéliennes de défense des droits de l’homme ont signé une lettre ouverte accusant le pays de ne pas se conformer à l’arrêt provisoire de la Cour internationale de justice (CIJ) lui enjoignant de faciliter l’accès de l’aide humanitaire à Gaza.
La Cour de La Haye a formulé un certain nombre d’exigences juridiques à l’égard d’Israël lorsqu’elle a rendu un arrêt provisoire fin janvier en réponse à la plainte de l’Afrique du Sud accusant l’État de commettre un génocide dans le cadre de sa campagne militaire à Gaza.
Il s’agissait notamment de prendre toutes les mesures nécessaires pour empêcher les atteintes intentionnelles aux civils, de faciliter l’acheminement immédiat de l’aide humanitaire vers la bande de Gaza, de prévenir et de punir l’incitation directe ou publique au génocide et de préserver les preuves de tout acte illicite commis pendant la guerre menée par le pays contre le Hamas.
Dans leur lettre, les groupes de défense des droits affirment qu’Israël était légalement tenu de mettre en œuvre les mesures ordonnées par le tribunal, mais qu’il ne l’a pas fait jusqu’à présent. Parmi les signataires de la lettre figurent le groupe de dénonciation militaire Breaking the Silence et l’Association pour les droits civils en Israël.
« L’ordonnance de la CIJ est une obligation légale de mettre fin à la catastrophe humanitaire à Gaza. Elle doit être respectée, non seulement pour soulager les souffrances urgentes des civils, mais aussi pour le bien de l’humanité dans son ensemble », indique la lettre. Elle note également que la CIJ a exhorté le Hamas à libérer immédiatement et sans condition tous les otages israéliens.
Israël a dû faire face à de nouvelles pressions concernant le manque d’accès de l’aide humanitaire à Gaza. Les États-Unis et d’autres pays ont largué de l’aide par avion dans la bande côtière, et les États-Unis et l’Union européenne ont ordonné l’ouverture d’un corridor maritime vers le territoire côtier.
Cette lettre a été publiée alors que le secrétaire général des Nations Unies, António Guterres, a réitéré son appel à une trêve dans la guerre entre Israël et le Hamas dans la bande de Gaza. Il a demandé la libération des otages détenus par le Hamas et la levée de « tous les obstacles à l’acheminement de l’aide vitale à la vitesse et à l’échelle massive requises » à Gaza, où les Nations Unies ont prévenu qu’un quart de la population était au bord de la famine.
Lundi, un navire de charité espagnol transportant de l’aide alimentaire s’est préparé à quitter Chypre pour la bande de Gaza. Le groupe non gouvernemental Open Arms a déclaré que son bateau remorquerait une barge contenant 200 tonnes de nourriture, que son partenaire, l’organisation caritative américaine World Central Kitchen, déchargerait ensuite sur les côtes de Gaza.
« En tant que membres de la société civile israélienne attachés aux droits de l’homme et à l’État de droit, nous condamnons le fait qu’Israël n’ait pas encore modifié son comportement sur la base des mesures imposées par la CIJ, ainsi que le fait que l’aide humanitaire à Gaza ait chuté de 50 % au cours du mois qui a suivi l’arrêt », indique la lettre.
« Nous appelons à un cessez-le-feu immédiat, qui doit inclure le retour des otages. Nous demandons instamment au gouvernement israélien de se conformer à l’ordonnance de la CIJ et de mettre en œuvre les mesures provisoires de la Cour, qui sont essentielles pour atténuer et surmonter la catastrophe humanitaire à Gaza. »
« En outre, nous appelons la communauté internationale à user de son influence collective pour promouvoir et soutenir un cessez-le-feu immédiat et la mise en œuvre des mesures provisoires, et à redoubler d’efforts pour garantir le retour des otages israéliens de Gaza. »
Bien que la plus haute juridiction de l’ONU n’ait pas ordonné la cessation des hostilités, sa décision a été perçue comme un avertissement brutal à Israël quant au degré d’examen juridique international de l’opération militaire qu’il a lancée pendant des mois en réponse aux attaques du Hamas du 7 octobre.
Cette décision, considérée comme un blâme sévère de la conduite d’Israël en temps de guerre, a renforcé la pression internationale croissante sur le pays pour qu’il mette fin à son offensive, qui a causé des destructions civiles massives et entraîné le déplacement de plus de 85 % des 2,3 millions d’habitants de la bande de Gaza.
L’ordonnance provisoire a été condamnée à l’époque par le premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, qui a déclaré que le fait que le tribunal ait accepté de discuter des allégations de génocide était une « marque de honte qui ne sera pas effacée pendant des générations ».
La communauté internationale des droits de l’homme s’est également inquiétée du fait qu’Israël ne respecte pas l’arrêt de la CIJ.
Il y a deux semaines, Amnesty International a mis en garde contre le « refus » d’Israël d’autoriser l’accès de l’aide humanitaire, alors que la population était « au bord de la famine ».
« Non seulement Israël a provoqué l’une des pires crises humanitaires au monde, mais il fait également preuve d’une indifférence totale à l’égard du sort de la population de Gaza en créant des conditions qui, selon la CIJ, l’exposent à un risque imminent de génocide », a déclaré Heba Morayef, directrice régionale d’Amnesty International pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord.
Les dernières inquiétudes concernant la situation humanitaire à Gaza sont apparues au moment où des médias israéliens ont fait état d’informations non confirmées selon lesquelles Marwan Issa, chef adjoint de la branche militaire du Hamas à Gaza, aurait été tué lors d’une frappe aérienne dans le territoire. Jusqu’à présent, Israël n’a pas été en mesure d’atteindre les principaux dirigeants du Hamas – l’un de ses principaux objectifs de guerre – à Gaza.
Quelques heures plus tard, le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, a déclaré dans une vidéo diffusée sur X qu’Israël était en passe de remporter une victoire totale et qu’il « atteindrait tout le monde » au sein du Hamas.
Peter Beaumont est un grand reporter international qui a réalisé de nombreux reportages dans des zones de conflit, notamment en Afrique, dans les Balkans, au Moyen-Orient et en Ukraine. Ancien correspondant du Guardian à Jérusalem, il a reçu plusieurs prix, dont le prix Orwell pour son travail en Irak, et est l’auteur de The Secret Life of War : Journeys Through Modern Conflict (La vie secrète de la guerre : voyages à travers les conflits modernes).
Jason Burke est le correspondant du Guardian pour les questions de sécurité internationale. En 25 ans comme correspondant étranger, il a couvert des sujets au Moyen-Orient, en Europe, en Afrique et en Asie du Sud. Il a couvert des dizaines de conflits, ainsi que beaucoup d’autres choses, et est l’auteur de quatre livres, dont le plus récent est The New Threat.
Source : The Guardian
Traduction ED pour l’Agence Média Palestine