Les Palestinien·nes de Cisjordanie vivent depuis le 7 octobre 2023 une escalade de violence de la part de l’armée autant que des colons israéliens. Point sur la situation des derniers jours, après le retrait de l’armée israélienne du plus long siège imposé en Cisjordanie depuis 20 ans et alors que les attaque des colons israéliens continuent de s’abattre sur les Palestinien·nes.
Par l’Agence Média Palestine, le 12 septembre 2024
Le siège meurtier de Jénine, Tulkarem et Tubas
Les 5 et 6 septembre, les forces israéliennes se sont retirées des villes et des camps de réfugiés de Jénine et de Tulkarem, concluant ainsi une opération de dix jours, la plus longue menée en Cisjordanie depuis 2002. Cette opération a causé la mort de 36 palestinien·nes, dont huit enfants, fait 87 blessé·es et au moins 60 arrestations.
Les forces israéliennes ont utilisé des tactiques meurtrières et guerrières qui ont soulevé de vives inquiétudes quant à l’usage excessif de la force. Le 7 septembre, l’OCHA, l’UNRWA et les partenaires humanitaires ont entamé une évaluation des besoins inter-clusters dans les gouvernorats de Jénine et de Tulkarem afin d’évaluer l’impact humanitaire de l’opération.
L’invasion de Jénine faisait partie de l’opération « Summer camps », une opération sur plusieurs fronts qui visait plusieurs villes et camps de réfugiés dans le nord de la Cisjordanie, notamment Jénine, Tulkarem et Tubas. Le dernier rapport du bureau de la coordination des affaires humanitaires de l’ONU (OCHA), daté du 11 septembre 2024, rapporte notamment ces scènes de civils assassinés pendant ces raids :
- Le 3 septembre, les forces israéliennes ont abattu une jeune fille de 16 ans à Kafr Dan, au sud-ouest de la ville de Jénine. Selon son frère, qui était avec elle lors de l’incident, on lui a tiré dessus alors qu’elle passait devant une fenêtre à l’intérieur de sa maison. Le Croissant-Rouge palestinien affirme que les forces israéliennes ont ouvert le feu sur l’ambulance appelée pour porter secours à l’adolescente, qui était morte lorsque l’équipe médicale a finalement pu l’atteindre. Au cours de cette même opération, les forces israéliennes ont blessé par balle cinq Palestinien·nes, dont quatre journalistes qui se trouvaient sur les lieux.
- Le 5 septembre, les forces israéliennes ont tué par balle un jeune Palestinien de 16 ans et blessé un autre Palestinien dans le camp de réfugiés d’El Far’a, à Tubas. Selon des sources locales, le jeune homme se trouvait à l’extérieur du camp et tentait de rentrer chez lui lorsqu’il a reçu trois balles dans la jambe. Selon le Croissant-Rouge palestinien, témoin de l’incident, le garçon a crié « ne tirez pas » et les forces israéliennes lui ont alors ordonné d’enlever ses vêtements. Face au refus du jeune garçon, les forces israéliennes lui ont tiré une balle dans la poitrine. Le Croissant-Rouge palestinien a ensuite rapporté qu’après sa mort, un bulldozer israélien a traîné son corps jusqu’à un autre endroit du camp, ce qui a entraîné sa mutilation.
- Le 6 septembre, l’armée israélienne a abattu une ressortissante étrangère et blessé un garçon palestinien sur le mont Sbeih dans la ville de Beita, au sud-est de la ville de Naplouse. Selon des sources locales, des villageois·es palestinien·nes se préparaient pour leur manifestation hebdomadaire contre l’expansion de la colonie d’Evyatar, quand les forces israéliennes ont tiré des grenades lacrymogènes et des balles réelles sur les manifestants.
Un bilan dramatique
Le maire de Jénine, Nidal Obedi, a déclaré dans une interview accordée à Mondoweiss : « L’occupation israélienne est brutale et meurtrière. (…) La plus grande perte que nous subissons est la perte de la vie pour nos martyrs, de nos fils et du sang de notre peuple. Mais il y a aussi de graves pertes matérielles », ajoute-t-il. « Au cours des deux dernières années, qui se sont aggravées après le 7 octobre, la région a subi des pertes [matérielles] s’élevant à pas moins de 100 millions de shekels. »
Selon l’OCHA, au moins 163 ménages palestiniens, soit 624 personnes dont 232 enfants, sont toujours déplacés à la suite de la récente opération de grande envergure dans le nord de la Cisjordanie. Au 8 septembre, environ 2 400 logements avaient été endommagés, dont 106 étaient inhabitables.
Au cours du siège israélien en CIsjordanie, l’accès aux hôpitaux et aux installations médicales s’est vu sévèrement restreint. À Jénine, les forces israéliennes ont encerclé l’hôpital gouvernemental de Jénine et l’hôpital Ibn Sina, bloquant les ambulances et gênant les équipes médicales. À Tulkarem, les équipes médicales n’ont pas pu atteindre les blessés du camp de réfugiés de Nur Shams. De même, à Tubas, l’accès restreint à la suite d’une frappe aérienne a entravé l’assistance médicale, et un générateur endommagé a provoqué une panne d’électricité temporaire dans tout le camp.
Le Croissant-Rouge palestinien a exprimé sa profonde inquiétude quant au rétrécissement de l’espace humanitaire, en particulier à Jénine et dans le camp de réfugiés de Jénine. Selon le Croissant-Rouge palestinien, les forces israéliennes ont directement pris pour cible leurs ambulances, blessant deux membres de l’équipe médicale d’urgence (EMT) et un médecin bénévole. Ces obstructions ont empêché l’acheminement de fournitures essentielles et de services médicaux, aggravant ainsi les conditions de vie des civils. Le Croissant-Rouge palestinien demande instamment à la communauté internationale de veiller au respect du droit humanitaire international et de faire face à l’escalade de la crise humanitaire.
Si l’armée israélienne s’est retirée des camps de réfugié·es qu’elle occupait, des tirs continuent d’être rapportés dans ces zones, mettant en danger les habitant·es qui tentent de rejoindre leurs maisons. Le 11 septembre, des rapports initiaux indiquent qu’une frappe aérienne israélienne a tué cinq Palestinien·nes dans la ville de Tubas, dans le nord de la Cisjordanie.
La violence des colons continue de se déchainer
Entre le 3 et le 11 septembre, l’OCHA rapporte que les colons israéliens ont perpétré 43 attaques contre des Palestinien·nes, faisant un mort, 10 blessé·es et des dégâts matériels. Au cours de la période considérée, au moins 17 ménages palestiniens comprenant au moins 80 personnes, dont 41 enfants, ont été déplacés en raison de la violence et du harcèlement des colons israéliens et de la prise de contrôle de biens palestiniens.
Depuis le 7 octobre 2023, 276 ménages palestiniens comprenant 1 627 personnes, dont 794 enfants, ont été déplacés dans le cadre d’incidents liés aux colons israéliens. L’OCHA rapporte pour cette seule dernière semaine les événements suivants :
- Le 3 septembre, huit berger·es bédouin·es palestinien·nes de la communauté de Baryet Hizma, située à la périphérie orientale du village de Hizma, ont été déplacé·es de force en raison de l’escalade de la violence des colons israéliens. Depuis l’établissement d’un nouvel avant-poste de colons israéliens le 8 octobre, construit sur les restes d’une structure résidentielle palestinienne démolie par les forces israéliennes, la communauté a signalé une augmentation de la violence liée aux colons. Des vidéos montrent des colons israéliens armés harcelant quotidiennement les résident·es palestinien·nes, notamment en tirant à balles réelles, en brûlant des véhicules et en endommageant des biens. Les familles n’ont pas démantelé leurs abris et ont laissé toutes leurs structures derrière elles dans l’espoir de pouvoir retourner sur place.
- Le 5 septembre, deux ménages bédouins palestiniens, comprenant 20 personnes dont huit enfants, ont été déplacés de Ein al Hilwa-Wadi al Faw, dans le gouvernorat de Tubas. Le 4 septembre, des colons israéliens armés sont entrés de force dans la communauté avec leur bétail, menaçant les familles avec une arme et exigeant qu’elles partent. Les colons ont également attaqué les familles en utilisant du gaz lacrymogène, blessant deux hommes.
- Le 6 septembre, les forces israéliennes ont abattu une jeune fille palestinienne de 13 ans dans le village de Qaryut, au sud de la ville de Naplouse. Selon des sources locales, des colons israéliens de la colonie de Shilo, escortés par les forces israéliennes, ont attaqué le village en lançant des pierres et en tentant d’incendier des maisons. Les villageois·es palestinien·nes ont répondu en jetant des pierres sur les colons, et les forces israéliennes ont répliqué en tirant à balles réelles. La jeune fille de 13 ans a été tuée par balle à l’intérieur de sa maison, qui se trouvait à environ 150 mètres de l’endroit où se déroulaient les affrontements.
- Le 7 septembre, des colons israéliens identifiés ont blessé quatre Palestinien·nes, dont un homme âgé, dans la ville de Beita, au sud-est de Naplouse. Selon la municipalité et les familles concernées, des colons se sont introduits dans une maison, ont jeté des pierres et blessé une femme de 60 ans, tandis que d’autres ont aspergé un homme de 68 ans de gaz lacrymogène avant de le frapper avec une pierre. Un autre colon israélien a agressé une Palestinienne, la blessant à la tête et au visage.
- Le 7 septembre, des colons israéliens ont agressé physiquement et blessé un Palestinien près d’At Tuwani, dans le gouvernorat d’Hébron. Le Palestinien, chef du conseil de Susiya, roulait sur la route 316 lorsque trois colons conduisant un véhicule l’ont forcé à s’arrêter et l’ont agressé avec la crosse d’un fusil, tout en lui disant qu’ils savaient qui il était. Les colons ont laissé l’homme avec plusieurs fractures, mais il a réussi à se rendre à l’hôpital le plus proche.
Entre le 7 octobre 2023 et le 9 septembre 2024, il a été enregistré environ 1 350 attaques de colons israéliens contre des Palestiniens, dont environ 130 ont causé des mort·es et des blessé·es palestinien·nes, et environ 1 080 ont causé des dommages aux biens palestiniens.
674 Palestinien·nes dont 157 enfants ont été assassiné·es en Cisjordanie, y compris à Jérusalem-Est entre le 7 octobre 2023 et le 9 septembre 2024, en plus des deux personnes décédées des suites de blessures subies avant le 7 octobre. Parmi elles et eux, 658 ont été tué·es par les forces israéliennes, onze par des colons israéliens, et sept n’ont pas été identifiés. Au cours de la même période, 57 frappes aériennes israéliennes ont tué 156 Palestinien·nes et en ont blessé 57 autres.