Francesca Albanese, qui a été empêchée de se présenter devant le Congrès américain cette semaine, a déclaré qu’Israël défiait les résolutions des Nations unies.
Par Patrick Wintour, le 31 octobre 2024
L’ONU devrait envisager de suspendre Israël en tant qu’État membre en raison du « génocide » actuellement en cours contre le peuple palestinien, a déclaré la rapporteuse spéciale sur les territoires palestiniens.
Francesca Albanese s’exprimait à New York devant un comité de l’ONU sur les droits inaliénables du peuple palestinien, au lendemain de la publication de son dernier rapport affirmant qu’Israël ne commettait pas seulement des crimes de guerre ou des crimes contre l’humanité à Gaza, mais également un génocide.
« Il est temps d’envisager de suspendre les pouvoirs d’Israël en tant qu’État membre de l’ONU », a-t-elle déclaré. « Je comprends à quel point la question reste sensible — étant donné qu’aucun d’entre vous n’a les mains propres en matière de droits de l’homme. »
Elle a affirmé qu’aucun autre pays n’avait défié autant de résolutions de l’ONU pendant aussi longtemps.
Dans son rapport, Albanese affirme : « Israël a adopté et persiste à perpétrer une campagne consistant à ‘infliger délibérément à un groupe des conditions de vie calculées pour entraîner sa destruction physique ‘».
Cette rapporteuse controversée de l’ONU n’a pu tenir de réunion d’information au Congrès américain cette semaine. Linda Thomas-Greenfield, l’ambassadrice des États-Unis à l’ONU, l’a décrite dans un « tweet » comme inapte à exercer ses fonctions, ajoutant : « Les Nations Unies ne devraient pas tolérer dans son sein l’antisémitisme d’une fonctionnaire affiliée à l’ONU et engagée pour promouvoir les droits de l’homme. »
Albanese a déclaré qu’elle avait raison d’insister sur le terme « génocide », ajoutant : « Le peuple palestinien subit des crimes de guerre depuis toujours, mais cette fois-ci, c’est différent. Il est essentiel de comprendre pourquoi on observe ici un génocide. De la même manière que la communauté internationale a échoué à protéger les victimes du génocide dans le cas du peuple juif en Europe, puis des Bosniaques en ex-Yougoslavie et des Tutsis au Rwanda, de la même manière nous échouons à protéger le peuple palestinien. »
Elle note que déterminer la réalité d’un génocide est complexe en raison de la nécessité de prouver l’intention, mais affirme que l’intention d’Israël était bien de détruire la vie des Palestiniens et Palestiniennes.
Son rapport affirme : « L’accent devrait être mis sur la question de savoir si tous les actes – par exemple la famine, la torture, le meurtre, le déplacement forcé, l’extermination – considérés ensemble dans leur totalité constituent un mode de conduite indiquant une intention génocidaire. »
Dans son rapport, Albanese explique : « Comme le précise la Convention elle-même, un génocide ne se résume pas à un massacre. L’acte génocidaire consistant à ‘transférer de force des enfants d’un groupe à un autre groupe’, par exemple, n’implique aucun meurtre. »
Le terme de génocide est régulièrement employé par celles et ceux qui manifestent pour la Palestine, ainsi que par de nombreux dirigeants arabes. La Cour internationale de justice a déclaré que la qualification comme génocide était plausible, mais elle n’a pas été plus loin.
En raison de leur refus de décrire les attaques israéliennes à Gaza comme un génocide, les dirigeants du parti travailliste au pouvoir au Royaume-Uni se trouvent confrontés à une très vive réaction de la part de la communauté arabe pro-palestinienne du pays.
Lors d’une séance de questions au Premier ministre mercredi, Keir Starmer, a déclaré : « Je n’ai jamais qualifié ce qui se passe à Gaza de génocide, mais je partage l’avis que toutes les parties doivent se conformer au droit international ». Plus tôt dans la semaine, le ministre britannique des Affaires étrangères, David Lammy, avait déclaré qu’il trouvait l’utilisation de ce terme inappropriée, expliquant que les génocides étaient normalement associés à des massacres, comme au Rwanda.
Un groupe de 300 personnalités arabes britanniques – dont Sabah al-Mukhtar, le leader du réseau Arab Lawyers, et Adnan Hmidan, le vice-président du Palestine Forum au Royaume-Uni – a accusé Lammy, dans une déclaration commune, de ne pas tenir compte des « normes du droit international qui classent le ciblage et la destruction systématiques de civils et l’obstruction de l’aide humanitaire comme des indicateurs clairs d’intention génocidaire ».
Par ailleurs, le député du SNP (Scottish National Party), Chris Law, a écrit dans une lettre à Lammy : « Votre suggestion que la façon dont certains utilisent des termes tels qu’annihilation, extermination et génocide pour décrire ce qu’Israël fait à la population palestinienne ‘sape leur sérieux’ révèle un mépris flagrant pour les droits fondamentaux et la vie même du peuple palestinien. Plus de 42 000 personnes, dont 15 000 enfants, ont été tuées par les forces israéliennes. Faut-il qu’un million de Palestiniens et Palestiniennes soient tué.e.s pour que les accusations de génocide soient prises au sérieux ? »
Il a fait valoir que l’usage légitime du terme génocide n’est pas déterminé par le nombre de personnes tuées mais, comme le stipule la Convention sur le génocide, par l’intention spécifique de ceux qui commettaient ces actes.
Il a également souligné que le Royaume-Uni avait bien voulu qualifier de génocide le massacre d’environ 8 000 musulmans et musulmanes à Srebenica et avait également utilisé ce terme en relation avec le traitement du peuple yézidi.
Source : The Guardian
Traduction : BM pour Agence média Palestine