« La tyrannie des Assad est enfin tombée, après un demi-siècle de folie, de crimes, et d’écrasement de la société syrienne, de ses ressources, de son potentiel et de ses espoirs. Le régime de la folie, de la surveillance, des rapports, des prisons, de la paranoïa et de la terreur a été renversé. La plus vile des dictatures arabes a disparu après la plus noble des révolutions populaires, suivie des guerres civiles les plus horribles et des interventions militaires et de renseignement les plus perfides, de toutes parts. Ce régime est tombé, et chaque être humain libre a le droit de se réjouir de sa chute, de la libération des prisons et des sinistres branches du renseignement. Toute personne dans le monde a le droit de se réjouir de la défaite de toute forme de mal et d’injustice.
Ce qui est triste, c’est que ce régime n’est tombé qu’après avoir causé une destruction sociale, politique, stratégique et sécuritaire terrifiante. Il n’est tombé qu’après nous avoir tous entraînés dans une guerre civile ayant fait s’effondrer des structures et des bases dont la reconstruction prendra des décennies. Il n’est tombé qu’après que la vie de centaines de milliers de personnes a été sacrifiée, des millions déplacés, et des villes détruites. Et tout cela s’ajoute à des montagnes de rancune sectaire, des ingérences des services de renseignements étrangers, et des crimes commis par toutes les parties (non, pas seulement par le régime). Il n’est tombé qu’après une guerre civile qui a anéanti les ressources, les espoirs et l’esprit de résistance au colonialisme dans la région.
Il n’est tombé qu’après une agression arrogante et sanglante contre le soulèvement pacifique, au lieu de céder le pouvoir et de trouver des solutions politiques et sociales pacifiques. Il n’est tombé qu’après avoir extorqué, attiré et épuisé les capacités et les ressources de la résistance, qui auraient pu être utilisées pour faire face à Israël, mais qui ont été détournées pour défendre une famille de criminels, leurs palais et leurs prisons.
Depuis sa création, ce régime a anéanti les capacités des peuples à lutter contre le colonialisme, allant du soutien aux fascistes de droite au Liban dans les années 1970 à l’implication de la résistance libanaise dans cette guerre civile sanglante. Cependant, le crime majeur commis par le régime Assad, et qui nous hantera pendant des décennies, est d’avoir instauré une équation entre la résistance au colonialisme et la liberté de l’individu arabe.
L’échec du pari sur la protection des armes de la résistance à travers la guerre civile est une tragédie que nous payons tous aujourd’hui. La persistance dans le déni ne servira à rien désormais. La Syrie, comme le Liban, comme Gaza, est ciblée, et il ne sera possible de rétablir les moyens de faire face au colonialisme qu’en reconnaissant cet échec et en reconstruisant sur de nouvelles bases pacifiques et sociales.
Aujourd’hui, la joie est mêlée à une terreur et à une anxiété énormes. Ce « miracle » qui a renversé Assad en deux semaines cache nécessairement un immense réseau d’interventions des services de renseignement et d’accords internationaux dont les peuples ignorent tout.
C’est un moment de joie intense et légitime, dansant sur le bord d’un abîme de terreur et de défaite imminente. »
Source: Majd Kayyal