Une plainte déposée en France contre un soldat franco-israélien pour crimes contre l’humanité

Plusieurs organisations de défense des droits humains ont déposé ce matin un plainte au Tribunal de Paris à l’encontre d’un soldat franco-israélien, accusé de crimes contre l’humanité et de génocide. Ces organisations dénoncent que des centaines d’autres soldat·es, possédant la double nationalité franco-israélienne, pourraient être également coupables de ces crimes.

Par l’Agence Média Palestine, le 17 décembre 2024

C’est un cas inédit en France, où aucune enquête judiciaire n’a été menée par les autorités françaises à l’encontre des soldat·es binationaux qui opèrent en Israel. Pourtant, de nombreux éléments permettent d’établir que des crimes internationaux ont été commis par plusieurs des quelques 4 000 citoyen·nes français·es mobilisé·es dans l’armée israélienne.

La Fédération internationale pour les droits humains (FIDH), les organisations palestiniennes et françaises Al-Haq, Al Mezan, Palestinian Centre for Human Rights (PCHR) et la Ligue des droits de l’homme (LDH) espèrent créer un précédent en déposant ce matin, le 17 décembre 2024, une plainte avec constitution de partie civile auprès du Pôle crimes contre l’humanité du Tribunal judiciaire de Paris à l’encontre de Yoel O., soldat franco-israélien qui a servi à Gaza dans le cadre de la campagne génocidaire menée par Israël contre les Palestinien·nes. Ce dernier est accusé de crimes de guerre, crimes contre l’humanité, génocide, torture et complicité de ces crimes commis contre des Palestinien·nes détenu·es en Israël.

La CPI ne suffit pas

« Il est temps que la justice française se saisisse des crimes internationaux commis par des citoyens français combattant dans l’armée israélienne, » déclare Nathalie Tehio, Présidente de la LDH. « L’État français doit prendre ses responsabilités. Il ne peut tolérer que les exactions commises par ses ressortissants restent impunies ».

Les organisations palestiniennes à l’origine de la plainte travaillent depuis des années à faire cesser l’impunité d’Israël, notamment en documentant les crimes liés à la colonisation auprès de la cour pénale internationale (CPI), ce qui a mené notamment à l’émission de deux mandats d’arrêts en novembre 2024. Mais ces recours sont insuffisants face à l’accélération de la brutalité du nettoyage ethnique israélien à l’encontre du peuple palestinien, et les états qui en sont membres doivent utiliser tous les moyens en leur compétence pour lutter contre l’impunité, expliquent les plaignant·es.

« L’ouverture d’enquêtes sur les crimes commis par les binationaux engagés dans l’armée israélienne est l’une des composantes essentielles de la réponse judiciaire qui doit être apportée aux atrocités de masse perpétrées par Israël à Gaza », ont déclaré Alexis Deswaef, avocat des plaignantes et Vice président de la FIDH, et Clémence Bectarte, avocate et coordinatrice du Groupe d’action judiciaire de la FIDH. « Face à l’ampleur des crimes commis, l’enquête menée par la CPI ne suffit pas. Chaque État qui peut exercer sa compétence doit ouvrir des enquêtes judiciaires ».

Crimes contre l’humanité

C’est sur la base d’une vidéo, publiée le 19 mars par le journaliste palestinien indépendant Younis Tirawi sur les réseaux sociaux, que se base cette enquête. Le journaliste a identifié Yoel O comme auteur de cette vidéo. On y voit des soldat·es de l’armée israélienne faire descendre brutalement d’un camion un homme présentant sur son corps dénudé des traces apparentes de torture. Une hypothèse que semble confirmer l’auteur de la vidéo, qui commente abondamment la scène, et profère des insultes en français à l’encontre du détenu.

Après une coupure dans la vidéo, nous voyons le prisonnier de la première scène et six autres hommes assis au sol et serrés les uns contre les autres. Ils sont tous vêtus d’une combinaison blanche, ont les yeux bandés et les mains attachées derrière le dos. L’auteur de la vidéo les filme en les insultant.

Issam Younis, directeur d’Al Mezan, a déclaré : « Nous avons fourni aux autorités judiciaires françaises des témoignages de victimes palestiniennes qui ont subi de graves formes de torture alors qu’elles étaient détenues par Israël. Ces récits correspondent fortement aux méthodes employées dans la vidéo, illustrant la nature systématique de ces actions et reflétant une politique approuvée par l’État. Ces preuves soulignent la nécessité urgente de se pencher sur ces crimes et d’engager des poursuites judiciaires à tous les niveaux, y compris au sein des juridictions nationales ».

Une première plainte avait été déposée, sur la base de cette vidéo, contre Yoel O. en avril 2024. Celle-ci avait cependant été classée sans suite faute, selon le parquet, de caractérisation suffisante de l’infraction. Les organisations plaignantes ont donc décidé de se constituer parties civiles, entendant ainsi lutter contre « l’inertie des parquets » : cette procédure qui oblige le parquet à ouvrir une information judiciaire, qui sera menée par une commission de juges indépendants appartenant au pôle Crimes contre l’humanité.

À propos de la publication de la vidéo et des menaces de poursuites judiciaires, Yoel O. a déclaré sur son compte twitter : « Vous croyez que vous faites peur à qui ? (…) Je suis bien content qu’elle soit sortie cette vidéo. Voilà je te dis que je suis bien content et je suis très heureux. Comme ça maintenant vous savez dans le monde entier que quand nous on attrape des terroristes, on les torture. Point à la ligne. »

Gaza, entre janvier et mars 2024. Extrait de la vidéo dévoilée par le journaliste palestinien Younis Tirawi sur X (montage par Orient XXI)
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