Malgré le refus de la Jordanie et de l’Égypte d’accueillir les Palestiniens expulsés, Trump ne renonce pas à son projet de développement immobilier.
Par Jessica Washington et Matt Sledge, le 11 février 2025

Le président Donald Trump a confirmé ses projets d’expulser de force les 2 millions de Palestiniens vivant à Gaza, bien qu’il soit revenu sur sa menace de suspendre des milliards d’aide à l’Égypte et à la Jordanie si elles ne coopéraient pas.
Assis à côté du roi jordanien Abdallah II lors d’une conférence de presse à la Maison Blanche, Trump a déclaré qu’il était «au-dessus» du fait de menacer les alliés des États-Unis afin de faciliter son idée d’expulser tous les Palestiniens de Gaza. Il a également promis que la prise de contrôle de Gaza n’entraînerait aucun coût pour les Américains.
« Il n’y a rien à acheter. Nous aurons Gaza. Aucune raison d’acheter. Il n’y a rien à acheter, c’est Gaza, c’est une zone déchirée par la guerre, nous allons la prendre, nous allons la tenir, nous allons la chérir », a déclaré Trump.
Depuis des jours, Trump répète sa vision d’une Gaza sans Palestiniens et placée sous contrôle américain.
Le monde arabe a rejeté l’idée, en particulier les pays que Trump a désignés comme hôtes potentiels de la population palestinienne transplantée : l’Égypte et la Jordanie.
Face à cette résistance, Trump a lancé l’idée de retirer les milliards de dollars d’aide militaire et d’aide étrangère envoyés à l’Égypte et à la Jordanie, longtemps considérés comme le prix que les États-Unis doivent payer pour maintenir les accords de paix de ces pays avec Israël.
Les États-Unis ont envoyé des milliards de dollars d’aide militaire à l’Égypte depuis la signature de son traité de paix avec Israël en 1979, à la suite des accords de Camp David. Actuellement, les États-Unis envoient à l’Égypte 1,5 milliard de dollars par an, principalement sous forme d’aide militaire.
Le traité de paix de 1994 entre Israël et la Jordanie est également sous-tendu par une aide annuelle des États-Unis de 1,7 milliard de dollars.
Mardi, Trump a déclaré qu’il ne menaçait plus de suspendre l’aide.
« Je n’ai pas besoin de menacer avec de l’argent », a déclaré Trump lors d’une conférence de presse. « Nous contribuons avec beaucoup d’argent à la Jordanie et à l’Égypte, d’ailleurs, beaucoup aux deux. Mais je n’ai pas besoin de menacer avec de l’argent. Je pense que nous sommes au-dessus de ça. »
Bien qu’il ait adopté un ton plus conciliant lors de sa rencontre avec Abdallah, Trump a continué à s’entêter sur le déplacement massif des Palestiniens à Gaza.
« Je pense que ce sera quelque chose de magnifique pour les Palestiniens », a-t-il déclaré. « Ils vont adorer. J’ai très bien réussi dans l’immobilier. Je peux vous parler de l’immobilier. Ils vont tout simplement adorer. »
Le roi de Jordanie n’a pas directement rejeté cette idée lors de la conférence de presse, mais a déclaré plus tard sur les réseaux sociaux qu’il l’avait rejetée lors de sa rencontre avec Trump.
« J’ai réitéré la position ferme de la Jordanie contre le déplacement des Palestiniens à Gaza et en Cisjordanie. C’est la position arabe unifiée », a-t-il déclaré sur X.
Les experts de la région ont déclaré qu’il n’était pas surprenant que Trump ait renoncé à son idée de suspendre l’aide : il était impossible que les dirigeants égyptiens et jordaniens choisissent de risquer une révolte.
« Ce ne sera pas la fin du monde pour ces pays si l’aide américaine est limitée, suspendue ou supprimée. Ce sera la fin du monde pour ces pays, cependant, s’ils participent au nettoyage ethnique des Palestiniens », a déclaré Yousef Munayyer, un analyste politique palestino-américain.
Lara Friedman, présidente de la Foundation for Middle East Peace, a déclaré que c’était un accord qu’aucun des deux pays ne pouvait se permettre de conclure.
Pour l’Égypte, a fait valoir Mme Friedman, déplacer les Palestiniens dans des « camps de concentration » le long du Sinaï les exposerait à un conflit militaire avec Israël. « Il y aura inévitablement des actions militaires récurrentes de la part des Palestiniens contre Israël, ce qui conduira à une guerre entre Israël et l’Égypte », a-t-elle déclaré.
Il existe également un large soutien national à la cause palestinienne en Jordanie, qui accueille déjà la plus grande population de réfugiés palestiniens au monde, ainsi qu’en Égypte.
« Pour la Jordanie, l’idée de dépeupler Gaza et de demander potentiellement à la Jordanie d’accueillir davantage de Palestiniens constitue une menace existentielle pour le régime jordanien », a déclaré Friedman. « D’un point de vue égyptien, politiquement et en termes de sécurité nationale, je ne vois pas comment l’Égypte pourrait céder sur ce point sans se retrouver massivement déstabilisée. »
Pour ces raisons, les rêves délirants de Trump d’une « Riviera du Moyen-Orient » ne sont pas près de se concrétiser, a déclaré l’analyste israélo-britannique Daniel Levy, président du U.S./Middle East Project. Mais il a averti que les propos désinvoltes du président constituaient néanmoins un danger pour la région.
M. Levy a rappelé l’avertissement des services de renseignement militaires israéliens selon lequel discuter du plan pourrait attiser davantage la violence, ainsi que la réponse enflammée de l’Arabie saoudite à la suggestion improvisée du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu dans une interview télévisée selon laquelle le royaume devrait accueillir un État palestinien.
« Quels nouveaux fronts cela pourrait-il ouvrir ? Je n’ai jamais vu le genre d’échanges qui ont eu lieu ces derniers jours entre Israël et l’Arabie saoudite. Je pense que c’est sans précédent, les piques sont lancées », a déclaré M. Levy.
Bien que Trump semble avoir fait marche arrière sur son idée de suspendre l’aide, M. Levy a averti qu’il avait essentiellement laissé le génie sortir de la lampe en normalisant l’idée du nettoyage ethnique comme solution.
« Quand on entre dans un espace à somme nulle, et quand la chose à somme nulle postulée est le nettoyage ethnique… c’est une situation vraiment stupidement dangereuse. Ne partez pas du principe que votre somme nulle va l’emporter », a-t-il déclaré.
Traduction : JB pour l’Agence Média Palestine
Source : The Intercept