Gaza, au jour le jour : expulsions, invasions terrestres et tueries arbitraires

Notre point sur la situation cette semaine à Gaza, où les actes de l’armée israélienne témoignent d’un « mépris total pour la vie humaine », selon de hauts responsables de l’ONU, qui appelle les dirigeants mondiaux à agir de toute urgence.

Par l’Agence Média Palestine, le 11 avril 2025

Chiffres clés :

À Gaza depuis le 18 mars 2025 :
1 500 Palestinien·nes assassiné·es
3 434 Palestinien·nes blessé·es
390 000 Palestinien·nes déplacé·es

À Gaza depuis le 7 octobre 2023 :
50 886 Palestinien·nes assassiné·es
115 875 Palestinien·nes blessé·es
11 000 Palestinien·nes disparu·es

Le 7 avril, les responsables du Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA), du Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF), du Bureau des Nations Unies pour les services d’appui aux projets (UNOPS), de l’UNRWA, du Programme alimentaire mondial (PAM), de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) ont lancé un appel urgent aux dirigeants mondiaux pour qu’ils agissent fermement et de toute urgence afin de sauver les Palestiniens de Gaza. Dans cette déclaration commune, les hauts responsables de l’ONU dénoncent que « les actes de guerre à Gaza […] témoignent d’un mépris total pour la vie humaine ».

Depuis la rupture officielle du cessez-le-feu le 18 mars et la reprise par Israël de sa campagne génocidaire à Gaza, plus de 15 000 Palestinien·nes ont été assassinés. La lettre condamne l’intensification des bombardements israéliens, affirmant que plus de 1 000 enfants ont été tué·es ou blessé·es au cours de la seule première semaine qui a suivi la rupture du cessez-le-feu, soit le plus grand nombre de décès d’enfants en une semaine à Gaza au cours de l’année écoulée.

Dans leur déclaration commune, les hauts responsables de l’ONU insistent également sur le fait que « les affirmations selon lesquelles il y a maintenant assez de nourriture pour nourrir tous les Palestinien·es de Gaza sont loin de la réalité sur le terrain », avertissant que les produits de première nécessité, y compris les fournitures médicales et de traumatologie essentielles, s’épuisent rapidement. Appuyant cet appel urgent, le Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires et Coordonnateur des secours d’urgence, Tom Fletcher, a déclaré que « nous sommes délibérément empêchés de sauver des vies à Gaza, et des civils sont en train de mourir».

Évacuations massives, invasions terrestres et tueries arbitraires

Depuis la reprise du génocide, près de deux tiers du territoire de la bande de Gaza ont été désignés par Israël comme « zones d’accès interdit » ou placés sous le coup d’ordres d’évacuation, forçant au déplacement plus de 390 000 civils en moins de trois semaines.

De récents témoignages recueillis par l’ONG israélienne Breaking the Silence révèlent que l’armée israélienne a créé un périmètre de 800 à 1 500 mètres de large et de 1,5 km à l’intérieur de la bande de Gaza, où « de vastes étendues de terre ont été transformées en immenses zones de tuerie ». Les troupes israéliennes ont reçu l’ordre de raser les terres agricoles, de détruire les immeubles résidentiels et d’ouvrir le feu sur toute personne s’approchant d’elles, créant des « zones tampons » meurtrières à Gaza.

Le journal israélien Haaretz a rapporté mercredi que l’armée prévoyait de transformer Rafah en une zone tampon. Les troupes ont effectué des raids dans des quartiers résidentiels importants de la ville et tué des civils sans distinction, y compris des médecins, tout en forçant des dizaines de milliers de personnes à fuir à pied. Au début du mois, le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a annoncé la capture d’une zone qu’il a appelée « l’axe de Morag » entre Khan Younis et Rafah, s’étendant d’est en ouest à travers la bande de Gaza.

Des témoignages rapportent en outre qu’Israël a bombardé des zones qui n’avaient fait l’objet d’aucun ordre d’évacuation. C’est ce qui s’est produit mercredi 9 avril, quand Israël a bombardé un quartier ouest de Shujaiya, tuant au moins 35 personnes.

« Quand Israël a envoyé les ordres d’évacuation, il a divisé la zone en deux », déclare Hamza Mushtaha, journaliste pour Middle East Eye. « L’attaque a eu lieu du côté ouest, qui n’était pas inclus dans l’ordre d’évacuation, donc les gens étaient chez eux – ils n’étaient pas partis. La zone était censée être sûre. » Le côté ouest de Shujaiya, un quartier déjà densément peuplé, abritait également des personnes qui avaient fui les zones de l’est.

Le bombardement de Shujaiya a été décrit par tous les témoins comme une « ceinture de feu ». Il a été suivi d’une deuxième attaque, plus modeste, près d’un abri scolaire de la zone. Les témoins décrivent des tirs d’obus d’artillerie et du phosphore blanc, avec des hélicoptères survolant la zone.

« La fumée était très épaisse et les éclats d’obus continuaient de tomber sous la force de l’attaque », a déclaré Nadera Mushtaha. « Les gens criaient dans la rue et couraient dans toutes les directions. Certains transportaient les blessés dans des calèches, des voitures ordinaires ou des tuk-tuks. »

Les dernières denrées alimentaires s’épuisent

Alors qu’Israël bloque toute entrée d’aide humanitaire depuis maintenant six semaines, la directrice de la communication de l’UNRWA a déclaré jeudi 10 avril que les réserves de nourriture s’épuisaient à Gaza.

« Toutes les denrées de base s’épuisent », a déclaré Juliette Touma. « Les prix des produits de base ont augmenté de façon exponentielle… Cela signifie que les bébés et les enfants vont se coucher le ventre vide. Chaque jour sans ces denrées de base, Gaza se rapproche de plus en plus d’une famine très, très profonde. »

Le soulagement trouvé pendant le cessez-le-feu, qui avait permis l’entrée de nombreux véhicules humanitaires malgré de nombreuses entraves israéliennes, semble désormais loin. Il y a quelques jours, les 25 boulangeries soutenues par le Programme alimentaire mondial pendant le cessez-le-feu ont dû fermer en raison de pénuries de farine et de gaz de cuisine. Les denrées alimentaires se raréfient et sont désormais vendues à des prix exorbitants : un sac de 25 kilos de farine se vend 60 dollars au lieu de 6, et un litre d’huile de cuisson 10 dollars au lieu de 1,50.

L’organisation médicale caritative Médecins sans frontières affirme qu’elle rencontre des enfants et des femmes enceintes souffrant de malnutrition sévère. Les mères allaitantes ont trop faim pour pouvoir allaiter.

Amnesty International dénonce par ailleurs la décision « cruelle et illégale » d’Israël de couper l’approvisionnement en électricité de l’unique usine de dessalement de Gaza, qui a par ailleurs été la cible de bombardement à plusieurs reprises. « Israël ne doit pas être autorisé à utiliser l’eau comme une arme de guerre. Le carburant, la nourriture, les abris et autres fournitures essentielles à la survie de la population civile sont une question de vie ou de mort, et non un moyen de pression dans les négociations », affirme Erika Guevara Rosas, directrice principale de la recherche, des politiques de plaidoyer et des campagnes à Amnesty International.


Des Palestiniens recherchent des victimes coincées sous les décombres jeudi sur le site d’une frappe aérienne israélienne qui a touché une maison la veille à Shujaiya, dans la ville de Gaza (Dawoud Abu Alkas/Reuters)
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