Israël a pris pour cible mon collègue dans une frappe aérienne, affirmant qu’il s’agissait d’un combattant du Hamas. Israël ment.

Israël a pris pour cible mon collègue, Hassan Eslayeh, en prétendant qu’il était un combattant du Hamas. Ce n’est pas la première fois qu’Israël utilise ce mensonge pour justifier de prendre pour cibles des journalistes, des auxiliaires médicaux et des secouristes.


Par Tareq S. Hajjaj, 9 avril 2025

Hassan Eslayeh à l’hôpital Nasser après sa tentative d’assassinat par l’armée israélienne. (Photo : Social Media)



Lundi dernier, j’ai vu plusieurs collègues poster sur les réseaux sociaux que l’armée israélienne avait bombardé une tente de journalistes à l’extérieur de l’hôpital Nasser à Khan Younis. La tente a pris feu et plusieurs personnes ont alors été brûlées vives. Une vidéo terrifiante a été diffusée, montrant un journaliste du nom d’Ahmad Mansour assis sur une chaise, la tête et la poitrine en feu. Des personnes ont tenté de l’éloigner des flammes, mais en vain, et il a succombé à ses blessures alors qu’il était en soins intensifs. Un autre journaliste présent dans la tente était mon collègue, Hassan Eslayeh, sur qui je m’appuie fréquemment pour obtenir des mises à jour et recueillir des témoignages dans le cadre de mes reportages pour Mondoweiss. Hassan est généralement le premier à m’envoyer des nouvelles, des séquences vidéo et des interviews de personnes ayant été témoins de bombardements à Gaza. Mais cette fois-ci, Hassan était le sujet de ces nouvelles – et il était aussi la cible directe de l’attaque.

Le 7 avril, l’armée israélienne a déclaré dans un communiqué que l’attaque visait Hassan, le décrivant comme un « terroriste du Hamas » et un membre de la branche armée de l’organisation, les Brigades Qassam, à Khan Younes.

L’armée a déclaré que Hassan « opère sous l’apparence d’un journaliste et possède une société de presse », mais qu’il est en fait membre de la « Brigade du Hamas à Khan Younes ».

« Le 7 octobre, il a infiltré le territoire israélien et a participé au massacre du Hamas », a déclaré l’armée, prétendant aussi que Hassan avait « documenté et partagé les images de pillage, d’incendie criminel et de meurtre sur les réseaux sociaux ».


Hassan a survécu à cette tentative d’assassinat, mais il a été gravement blessé et a perdu deux doigts. « L’occupation tente d’oblitérer l’image des journalistes palestiniens en prétendant qu’ils appartiennent au Hamas et à d’autres factions », m’a dit Hassan au téléphone depuis l’hôpital Nasser. Mais ce n’est pas la première fois qu’Israël accuse des travailleurs et travailleuses de la société civile palestinienne – journalistes, secouristes, travailleurs humanitaires – d’être affiliés au Hamas ou à d’autres factions armées à Gaza. Le mois dernier, Israël a assassiné le correspondant d’Al Jazeera Mubasher et collaborateur de Drop Site News, Hossam Shabat, en affirmant qu’il était un agent du Hamas. Peu après, l’armée israélienne a tué 15 ambulanciers et secouristes à Rafah, prétendant qu’« au moins 6 » d’entre eux étaient des militants du Hamas. Il existe de nombreux autres exemples au long de ces plus de 18 mois de génocide. Mais durant ces 18 mois, les allées et venues d’Hassan étaient toujours connues. D’après mon expérience, pour avoir travaillé avec lui pendant cette période, il était facilement accessible par WhatsApp ou par téléphone à tout moment, toujours présent aux points de rassemblement des journalistes, jamais absent. Toute personne connaissant un tant soit peu le Hamas et le fonctionnement des Brigades Qassam reconnaîtra instantanément l’incohérence totale des affirmations de l’armée israélienne. Mais Israël compte sur l’ignorance et la crédulité des gens pour faire croire qu’un journaliste dévoué qui travaille sur le terrain 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 est aussi un combattant du Hamas.

« L’armée m’a accusé d’avoir combattu à Khan Younes le 7 octobre, mais je couvrais les événements à Rafah », a déclaré M. Hassan, en référence au moment où la barrière frontalière de Gaza a été démantelée le 7 octobre. « Je n’appartiens à aucun parti. Je ne fais rien d’autre à Gaza que mon

travail journalistique bien connu, que le monde entier connaît ». Cependant, les médias israéliens ont repris la première affirmation de l’armée israélienne et ont lancé une campagne à l’encontre de M. Hassan. Plusieurs médias ont publié des photos et des enregistrements de Hassan le 7 octobre, alors qu’il documentait le moment où la résistance palestinienne a pris d’assaut la barrière frontalière et brûlé un char d’assaut qui y était stationné. Ils ont également inclus une photo de lui avec l’ancien dirigeant du Hamas, Yahya Sinwar. La photo de Hassan avec Sinwar a été prise lors d’un événement que Hassan couvrait. Prendre une photo avec le chef d’une faction palestinienne à Gaza est banal et n’importe qui le ferait. La nature non crédible de ces affirmations israéliennes – ou de toute autre affirmation israélienne – devrait indiquer que tout ce que dit l’armée israélienne doit être traité avec un scepticisme extrême.

« Ils font ce qu’ils nous accusent de faire » À l’hôpital Nasser de Khan Younes, Hassan n’est pas resté longtemps éveillé avant d’être terrassé par la douleur et les maux de tête causés par une fracture du crâne, l’amputation des doigts de la main droite, des blessures causées par des éclats d’obus et diverses brûlures sur le corps. Un autre journaliste de mon équipe avec Hassan, Ibrahim Muharab, a accédé à sa chambre d’hôpital et nous a permis de communiquer par téléphone mercredi à 15 heures. Sa voix était fatiguée, mais son moral était bon. Je l’ai interrogé sur les affirmations de l’armée israélienne et il s’est moqué de ces accusations qui ne le surprenaient pas. « La majorité des journalistes israéliens qui sont entrés à Gaza sous la protection de l’armée ont participé à la destruction des maisons des familles palestiniennes », a-t-il déclaré. « Tout cela est documenté par des vidéos et des enregistrements audio. Les visages et les noms de ces journalistes israéliens sont bien connus, et ils font ce qu’ils nous accusent de faire ». Chaque accusation est un aveu. En octobre 2024, le journaliste israélien Danny Kushmaro a participé à la démolition d’une maison dans un village du Sud-Liban – et s’est filmé en train de le faire pour un reportage de Channel 12. Après avoir appuyé sur le bouton qui a fait exploser la maison, il a signé en disant : « Ne jouez pas avec les Juifs ». Il est difficile pour Hassan de beaucoup parler en raison de ses blessures, mais il me dit qu’il espère se rétablir rapidement et reprendre le travail qu’Israël essaie de lui interdire.

Mais Hassan sait qu’il a désormais une cible dans le dos, tout comme six journalistes qu’Israël a inscrit sur une liste de personnes à abattre en octobre dernier. L’un d’entre eux était Hossam Shabat.

Hassan sait également que l’armée israélienne n’hésite pas à bombarder des hôpitaux ou des écoles lorsqu’elle veut s’en prendre à une personne en particulier. L’hôpital Nasser, où Hassan est actuellement soigné, a été pris pour cible ces dernières semaines lorsqu’un membre du bureau politique du Hamas, Ismail Barhoum, s’y faisait soigner. La frappe a tué Barhoum ainsi qu’un garçon de 16 ans.

« Il ne serait pas difficile pour l’occupation de m’assassiner, surtout avec la campagne d’incitation croissante que j’entends et observe contre moi », a déclaré M. Hassan. « Ils pourraient me prendre pour cible à l’intérieur de l’hôpital, dans ma chambre. Que puis-je faire ? »

« Je ne combats pas. Je travaille et j’assume la responsabilité qui incombe à ma profession », a poursuivi M. Hassan. « Si l’armée israélienne me tue, les photos que j’ai prises et les histoires que j’ai racontées au monde continueront à vivre. Mon nom, ma cause et ma voix continueront d’exister – et l’occupation mourra ».



Traduction : SD pour l’Agence Média Palestine
Source : Mondoweiss

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