Omar Hamad à Gaza : « J’ai un temps écrit avec de l’encre, aujourd’hui j’écris avec des cendres »

Omar Hamad est un écrivain et pharmacien palestinien qui témoigne du génocide depuis sa ville natale de Gaza. Il écrit sur l’amour volé, la sécurité et la paix, et sur la réalité de la vie sur le terrain.

Par Omar Hamad, le 9 juin 2025

Je marche pieds nus sur les braises de la guerre, portant dans ma main droite une chaussure en lambeaux et dans ma main gauche un stylo, pour écrire le voyage de la vie de cette chaussure – désormais incapable de continuer la route avec moi, comme si la vie m’accablait d’un poids que je ne pouvais supporter.

Maintenant, je marche sans rien. Je marche dans un livre qui ne connaît que le chagrin, dont les pages sont remplies de lignes d’oppression et d’injustice tandis que le silence nous étreint, dont les pages sont lourdes des cris des mères, des larmes des enfants et de l’angoisse des pères. Je cherche soigneusement le sens de l’espoir et n’en trouve aucun, le sens de l’amour et n’en trouve aucun.

La nostalgie de ma bibliothèque me tue – la nostalgie des Quarante règles de l’amour d’Elif Shafak, des Quatrains de Rumi, la nostalgie de mon stylo et de mon encrier, dans lequel je trempe le stylo pour laisser couler des lettres imprégnées de romantisme spirituel et d’amour.

Et entre chaque livre, les étagères étaient ornées de chrysanthèmes et d’anémones. Ma bibliothèque était comme un paradis – je voyageais et naviguais à travers ses livres pour m’emparer de la sagesse et du moi que j’ai oubliés depuis le premier jour où l’on m’a forcé à abandonner la lecture et à me lier à l’écriture par le sang, les larmes et les vestiges oubliés.

Et me voici maintenant, marchant sur une mémoire trouée, chaque pas ravivant une vieille douleur, chaque regard derrière moi comme un appel d’un temps que j’ai enterré sous les décombres. J’ai écrit un temps avec de l’encre, aujourd’hui j’écris avec des cendres. J’ai cueilli des roses dans la langue, aujourd’hui je ne récolte que des épines qui poussent sur des blessures qui ne cicatrisent pas.

J’écris pour ne pas oublier… ne pas oublier à quoi ressemblait la maison avant qu’elle ne se transforme en pierre tombale, ne pas oublier le rire de ma sœur qui s’accroche encore aux murs de ma mémoire, ne pas oublier le visage de ma mère lorsqu’elle couvrait notre assiette de nourriture de ses prières pour nous, et ne pas oublier cette nuit où tout s’est effondré – sauf ma douleur. Aujourd’hui, je marche entouré d’un grand vide, un vide qui ne peut être comblé que par les voix de ceux que j’ai aimés… et qui ne sont plus là. Je marche avec le souvenir d’une chaussure en lambeaux, d’un cœur qui gémit, de textes inachevés et d’une enfance suspendue au toit d’une tente, attendant que le temps passe, que la maison revienne, que les armes se taisent.

Peut-être écrirai-je – non pas pour immortaliser la douleur, mais pour dire que nous étions là… aimant, rêvant, plantant, dessinant, chantant, lisant, écrivant… avant que nos vies ne soient réduites à un bulletin d’information éphémère ou à une froide déclaration politique.

Et je continuerai à écrire, jusqu’à la dernière goutte d’encre… ou de sang.

Une campagne de crowdfunding a été mise en place pour Omar et sa famille. Vous pouvez faire un don ici.


Traduction : SD pour l’Agence Média Palestine
Source : The Literary Hub

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