Par Jennifer Rankin, le 16 Juillet 2025
Réprimande cinglante d’Amnesty International après que les ministres de l’UE ont refusé de soutenir des sanctions liées à la guerre à Gaza.

Des prières funéraires ont été organisées mercredi pour les Palestiniens tués lors d’une attaque israélienne contre le camp de réfugiés de Shati, à Gaza.
Photographie : Anadolu/Getty Images
L’Union européenne a été accusée de « trahison cruelle et illégale » envers les Palestiniens et les valeurs européennes après avoir omis de prendre des mesures pour imposer des sanctions à Israël en raison de la guerre à Gaza.
Ce sévère reproche d’Amnesty International, repris par d’autres organisations de défense des droits humains, est intervenu après que les ministres de l’UE réunis mardi à Bruxelles ont refusé de soutenir des mesures de sanctions contre Israël, malgré la brutalité de la guerre à Gaza et la violence endémique en Cisjordanie.
La cheffe de la diplomatie européenne, Kaja Kallas, a déclaré que l’UE maintenait « toutes les options sur la table » pour faire pression sur le gouvernement israélien si la situation humanitaire « catastrophique » à Gaza ne s’améliorait pas. Selon plusieurs sources diplomatiques, elle n’a validé aucune des dix options de sanctions élaborées par son équipe, bien qu’un précédent examen de l’UE ait relevé des « indications » de violations des engagements d’Israël en matière de droits humains.
Kallas a déclaré qu’Israël devait « prendre des mesures plus concrètes pour améliorer la situation humanitaire sur le terrain », qu’elle avait qualifiée plus tôt dans la journée de catastrophique. Elle rencontrait les ministres des Affaires étrangères de l’UE quelques jours après avoir annoncé un accord potentiellement important avec Israël visant à augmenter l’acheminement de l’aide humanitaire vers Gaza, où 2,1 millions de personnes font face à la famine et à la sécheresse causées par l’effondrement des systèmes d’approvisionnement en eau.
Des sources de l’UE indiquent que le flux d’aide vers Gaza a atteint environ 80 camions par jour, mais la distribution reste problématique. En l’absence de signes clairs montrant que les nouvelles livraisons parviennent réellement à la population, les Palestiniens continuent de risquer leur vie pour se procurer nourriture et eau auprès de sites gérés par la Gaza Humanitarian Foundation (GHF), un groupe logistique soutenu par Israël. Des responsables à Gaza ont rapporté qu’en 24 heures, au cours du week-end, 139 personnes ont été tuées, y compris des femmes et des enfants faisant la queue pour recevoir de l’aide. L’ONU a déclaré qu’environ 850 Palestiniens avaient été tués depuis mai alors qu’ils attendaient une aide humanitaire, que ce soit aux points de distribution de la GHF ou ailleurs.
Les ministres européens ne devaient pas approuver l’une des dix options de sanctions, parmi lesquelles figure la suspension complète de l’accord d’association UE-Israël, un traité de coopération commerciale. Cette suspension est largement considérée comme irréaliste, car elle nécessite l’unanimité des États membres.
Les alliés les plus proches d’Israël au sein de l’UE, l’Allemagne, la Hongrie et la République tchèque, s’opposent aux sanctions, surtout depuis qu’Israël a conclu un accord humanitaire avec l’Union. La Hongrie continue également de bloquer les sanctions de l’UE contre les colons israéliens violents en Cisjordanie.
Même les pays traditionnellement favorables à la cause palestinienne, comme l’Irlande, n’ont pas proposé de mesures concrètes et attendent des propositions de Kaja Kallas. Seule l’Espagne a appelé ouvertement à la suspension de l’accord d’association.
Agnès Callamard, secrétaire générale d’Amnesty International, a déclaré que le refus de suspendre l’accord avec Israël « constitue une trahison cruelle et illégale du projet et de la vision européens, fondés sur le respect du droit international et la lutte contre les pratiques autoritaires, des propres règles de l’Union européenne et des droits humains des Palestiniens ».
Elle a ajouté : « Cela restera dans l’histoire comme l’un des moments les plus honteux de l’Union européenne. »
Claudio Francavilla, directeur par intérim pour l’UE de Human Rights Watch à Bruxelles, a déclaré : « Une fois de plus, les ministres de l’UE ont échoué. Aucun soutien suffisant pour des mesures de responsabilité envers Israël, échangé contre la promesse illusoire de quelques camions supplémentaires. »
Plus tôt dans la journée, Kallas avait souligné des signes positifs concernant les points de passage frontaliers, l’arrivée des camions d’aide, la reconstruction des lignes électriques et l’accès à l’eau, mais elle a ajouté : « Nous devons en voir plus pour constater une véritable amélioration pour les populations sur le terrain. » Elle a précisé que l’UE suivrait de près la mise en œuvre de l’accord avec des mises à jour bihebdomadaires aux diplomates européens.
Selon l’UE, l’accord avec Israël prévoit notamment « une augmentation substantielle du nombre quotidien de camions transportant des vivres et d’autres produits essentiels vers Gaza », ainsi que la réparation de l’alimentation électrique de l’usine de dessalement d’eau.
Kallas a indiqué que les États membres avaient discuté des options de sanctions, sans qu’elle-même ne soutienne formellement aucune proposition : « Ce sont des choix que les États membres doivent faire, » a-t-elle déclaré aux journalistes. « Nous gardons ces options ouvertes et nous sommes prêts à agir si Israël ne respecte pas ses engagements. L’objectif n’est pas de punir Israël, mais d’améliorer la situation à Gaza. »
Lundi, le ministre israélien des Affaires étrangères, Gideon Sa’ar, s’est dit confiant que l’UE ne prendrait aucune mesure : « Il n’y a absolument aucune justification. »
Hadja Lahbib, commissaire européenne à l’aide humanitaire, a adopté un ton plus pressant, déclarant qu’il était clair que l’accord n’était pas encore pleinement appliqué : « Mon message aux autorités israéliennes est très clair : appliquez immédiatement cet accord. Arrêtez de tuer la population. Nous avons besoin que l’aide humanitaire, nourriture, eau, carburant, atteigne les personnes dans le besoin. »
Lahbib, qui a présenté l’accord aux ministres, a ajouté qu’« il est important de savoir ce que nous pourrons faire si l’accord n’est pas mis en œuvre dans son intégralité », et que la situation devra s’améliorer d’ici la prochaine réunion formelle des ministres des Affaires étrangères en octobre. « Chaque minute perdue est une vie perdue », a-t-elle conclu.
Traduction : ST pour Agence Media Palestine
Source : The Guardian



