Nuit de terreur à Deir al-Balah, où les familles fuient les bombardements israéliens et l’invasion terrestre

« C’est toujours le même scénario. […] Des bombardements. Des tracts d’évacuation. Puis les chars. Ils l’ont fait à Khan Younis, ils l’ont fait à Rafah. Maintenant, c’est au tour de Deir al-Balah »

Par Sally Ibrahim à Gaza, le 21 juillet 2025

S’adressant à The New Arab, des habitants palestiniens de ce territoire densément peuplé ont décrit cette nuit comme l’une des plus terrifiantes depuis le début de la guerre menée par Israël. [Getty]



Aux premières heures de lundi, la ville de Deir al-Balah, située au centre de l’enclave côtière déchirée par la guerre et longtemps considérée comme une « zone sûre », a été envahie par les flammes et la fumée lors d’une vague de frappes aériennes israéliennes sur les banlieues sud et ouest de la ville.

S’adressant à The New Arab, des habitants palestiniens de ce territoire densément peuplé ont décrit cette nuit comme l’une des plus terrifiantes depuis le début de la guerre menée par Israël.

« Nous pensions que [la guerre] était terminée », a déclaré Umm Arkan, une mère de cinq enfants déplacée, à TNA. Elle est accroupie sous une bâche usée et déchirée dans ce qui est devenu le quatrième abri de sa famille.

« Cela a commencé après minuit. Nous venions d’éteindre la petite bougie dans notre tente lorsque le sol a commencé à trembler. Les bombes sont tombées les unes après les autres. Mes enfants hurlaient, la tente tremblait et je ne savais pas si je devais fuir ou les couvrir », se souvient cette femme de 40 ans, qui a perdu plus de 20 kilos à cause de la famine.

Son plus jeune fils, Arkan, a crié et lui a demandé : « Maman, ils veulent nous tuer ? » Elle n’a pas su quoi lui répondre. Elle a simplement pleuré, ne sachant pas s’ils survivraient.

« Mes enfants dormaient sur des sacs de vêtements, sans matelas ni couvertures. Il n’y avait autour de nous que l’obscurité, la peur et le bruit des explosions », se lamente-t-elle.

Au-dessus d’eux, des drones israéliens bourdonnaient. Quelques minutes plus tard, des haut-parleurs fixés à ces drones ont diffusé des ordres d’évacuation. Les habitants se sont précipités dans la nuit.

« Je n’arrive pas à croire que nous ayons survécu une fois de plus », a déclaré Umm Arkan, ajoutant que « dès le lever du soleil, mon mari et moi avons décidé de quitter immédiatement le territoire pour [au moins] protéger nos enfants ».

Une évacuation vers nulle part

Dimanche midi, des drones israéliens ont largué des tracts et diffusé des messages d’évacuation aux habitants de plusieurs blocs dans le sud-ouest de Deir al-Balah, notamment les blocs 130, 132 à 134, 136 à 139 et 2351, leur ordonnant de fuir vers l’ouest en direction de la zone d’al-Mawasi, près de Khan Younis.

Pour beaucoup, cela a marqué un nouveau déplacement forcé. « Au début, je pensais que c’était une rumeur, mais ensuite les gens ont commencé à crier, à courir, à prendre ce qu’ils pouvaient. Nous les avons suivis, sans savoir où aller. Khan Younis est en ruines et al-Mawasi est un désert », a déclaré à TNA Umm Mohammed, une autre femme déplacée de Deir al-Balah.

Les quartiers de Deir al-Balah actuellement en cours d’évacuation étaient devenus le refuge temporaire de dizaines de milliers de familles qui avaient fui les destructions à Gaza, Rafah et Khan Younis. On leur avait dit que ces zones étaient des zones humanitaires sûres. Aujourd’hui, même ces garanties ont volé en éclats.

Dans une ruelle étroite derrière le marché central de Deir al-Balah, Ibrahim Khalil est assis avec sa mère et ses six enfants.

« Nous avons été déplacés de Khan Younis. Nous avons construit une tente ici, à côté d’une mosquée. Maintenant, on nous dit de partir à nouveau. Où ? Au nord ? Il n’y a plus rien. À Rafah ? Tout est rasé. À Mawasi ? C’est bondé. » a déclaré à TNA ce père de six enfants âgé de 49 ans.

Ses enfants, raconte-t-il, ont passé la nuit à pleurer, incapables de dormir. « Nous étions allongés à même le sol, avec des sacs de vieux vêtements. Les bombes nous ont réveillés et la peur nous a empêchés de nous rendormir ».

Aujourd’hui, Khalil cherche un autre endroit où se réfugier, mais il n’a encore rien trouvé.

Les familles d’Umm Arkan et de Khalil font partie des centaines d’autres qui ont pris la route.

Des familles entières poussent des charrettes à bras, transportent des casseroles, des cruches d’eau et des chaussures usées, leur vie emballée et remballée en lambeaux. Les femmes tirent leurs enfants par le bras, se murmurant « Pas encore »

Les enfants s’accrochent à leur mère, les yeux écarquillés, en larmes. De vieux hommes tirent des charrettes en bois, témoignent des habitants.

Abu Rami, un déplacé de Deir al-Balah, marche pieds nus le long de la route côtière, sa fille sur les épaules. « Nous ne savons pas où nous allons. Nous marchons, c’est tout », se lamente-t-il.

Certains ont tenté de rejoindre la zone déjà surpeuplée d’al-Mawasi, mais beaucoup étaient trop épuisés pour continuer. D’autres ont campé le long de la route côtière centrale de Gaza, espérant une accalmie dans les violences.

« C’est toujours le même scénario. […] Des bombardements. Des tracts d’évacuation. Puis les chars. Ils l’ont fait à Khan Younis, ils l’ont fait à Rafah. Maintenant, c’est au tour de Deir al-Balah », a déclaré à TNA Abdul Karim al-Namrouti, un déplacé réfugié près d’une école abandonnée.

Ses propos reflètent une crainte largement répandue : que l’intensification des bombardements israéliens ouvre la voie à une invasion terrestre du centre de la bande de Gaza.

Bilan civil qui s’alourdit

La radio publique israélienne a suggéré que les dernières opérations militaires dans le centre de Gaza pourraient être liées à l’enlisement des négociations au Qatar sur un échange de prisonniers avec le Hamas.

Selon des informations précédentes publiées dans les médias israéliens, l’armée aurait évité d’opérer à Deir al-Balah par crainte que des prisonniers ne soient détenus dans cette zone.

Mais samedi soir, alors que les bombes pleuvaient sur le territoire palestinien, les familles des prisonniers israéliens ont publié une déclaration commune remettant en question la stratégie de l’armée.

« Qui garantira la sécurité de nos enfants ? », ont-elles demandé. « Nous exigeons des éclaircissements de la part du Premier ministre et de l’armée. »

Dans le même temps, les responsables palestiniens de la santé se disent débordés. Le ministère de la Santé a fait état de plus de 59 000 morts depuis le début de la guerre, dont une majorité de femmes et d’enfants, et de plus de 140 000 blessés.

À l’hôpital Al-Aqsa, le dernier hôpital semi-opérationnel de la région de Deir al-Balah, les ambulances ont défilé toute la nuit. La plupart des blessés étaient des enfants.

Khalil al-Diqran, porte-parole de l’hôpital Al-Aqsa, a déclaré à TNA : « Nous sommes au point de rupture. Nous n’avons plus de lits, plus de médicaments, plus de personnel. Si une offensive terrestre commence, nous nous effondrerons complètement. Nous ne serons même plus en mesure de soigner les blessures les plus légères. »


Traduction : JB pour l’Agence Média Palestine
Source : The New Arab

Les seules publications de notre site qui engagent l'Agence Média Palestine sont notre appel et les articles produits par l'Agence. Les autres articles publiés sur ce site sans nécessairement refléter exactement nos positions, nous ont paru intéressants à verser aux débats ou à porter à votre connaissance.

Retour en haut