Par Tareq S. Hajjaj, le 22 Juillet 2025
Les enfants de Gaza ont commencé à mourir de malnutrition sévère en nombre croissant, alors qu’Israël continue d’affamer la population de Gaza. Les nourrissons sont les plus durement touchés, la faim dévorant leurs corps jusqu’à ce qu’ils atteignent un « point de non-retour ».

Des Palestiniens pleurent leurs proches décédés à l’hôpital médical Nasser à Khan Younès, dont un enfant souffrant de malnutrition sévère, le 20 juillet 2025.
(Photo : Moaz Abu Taha / APA Images)
En 24 heures, 19 personnes meurent de malnutrition à Gaza, selon le ministère de la Santé
Le ministère de la Santé à Gaza a annoncé dimanche que 19 personnes étaient mortes de malnutrition en l’espace de 24 heures. Depuis le début du génocide, 86 décès dus à la malnutrition ont été enregistrés, dont 76 sont des enfants. Le ministère décrit ces morts comme un « massacre silencieux ».
La Fondation humanitaire de Gaza (GHF), soutenue par Israël et dirigée par les États-Unis, affirme avoir distribué plus de 80 millions de repas au cours des deux derniers mois. Pourtant, les signes de famine à Gaza sont trop évidents pour être niés. Parallèlement, des dizaines de Palestiniens sont tués chaque jour sur ou à proximité des sites de distribution de la GHF, un fait que l’organisation continue de nier avec vigueur malgré les preuves omniprésentes et les innombrables témoignages.
Samedi, le complexe médical Nasser à Khan Younès a enregistré 32 morts et plus de 70 blessés dans la zone de Tineh, à l’ouest de la ville de Rafah, là où la GHF distribue de l’aide. Les blessures signalées sont dues à des balles de tireurs d’élite visant la tête et la poitrine. Dimanche, le Programme alimentaire mondial (PAM) des Nations Unies a déclaré que les forces israéliennes avaient ouvert le feu sur des civils affamés qui s’étaient précipités vers un convoi d’aide humanitaire entré à Gaza depuis le nord.
« Peu après avoir franchi le dernier point de contrôle au-delà du passage de Zikim, le convoi a été confronté à une foule nombreuse de civils attendant désespérément un accès à des vivres essentiels », a indiqué le PAM. « À l’approche du convoi, la foule environnante a essuyé des tirs provenant de chars israéliens, de tireurs d’élite et d’autres armes. »
Le ministère de la Santé a rapporté que 90 personnes avaient été tuées dans ce massacre. Ce chiffre n’inclut pas les centaines de blessés qui succomberont plus tard à leurs blessures, faute de soins médicaux adéquats.
Le PAM a ajouté que la famine à Gaza atteignait des niveaux sans précédent : « Des gens meurent par manque d’aide humanitaire. La malnutrition explose, avec 90 000 femmes et enfants nécessitant un traitement urgent. Près d’une personne sur trois ne mange pas pendant des jours. L’aide alimentaire est le seul moyen pour la plupart des gens d’obtenir quelque chose à manger, le prix d’un kilo de farine ayant grimpé à plus de 100 dollars US sur les marchés locaux. »
« Des gens meurent chaque jour de malnutrition », déclare le Dr Atef al-Ghoul, directeur du complexe médical Nasser à Khan Younès. « Si l’on parle en chiffres, ces chiffres parlent d’eux-mêmes : des centaines de personnes sont mortes ces deux derniers mois en essayant d’obtenir de la nourriture pour leurs familles, pour ne revenir auprès d’elles que dans des sacs mortuaires. »
Selon le Bureau des médias du gouvernement de Gaza, près de 1 000 personnes ont été tuées sur les sites de distribution de la GHF, plus de 6 011 ont été blessées, et 45 autres sont portées disparues, a-t-il indiqué dimanche.
En ce qui concerne les victimes de la malnutrition, le Dr al-Ghoul souligne que leur nombre augmente chaque jour, et que la malnutrition entraîne un effondrement immunitaire et une détérioration physique rapide, ce qui impose une lourde charge sur l’hôpital Nasser déjà privé de moyens. « Sauvez Gaza avant qu’il ne soit trop tard », implore al-Ghoul. « Huit milliards d’êtres humains dans le monde sont incapables de faire parvenir un morceau de pain aux affamés de Gaza. »

Le personnel de santé de l’UNRWA dépiste et traite des enfants souffrant de malnutrition aiguë sévère (MAS) dans un point médical de l’UNRWA situé dans une école transformée en abri à Gaza-Ville, le 17 juillet 2025.
(Photo : UNRWA / APA Images)
« La faim a dévoré son corps »
Parmi les plus touchés figurent les nouveau-nés, qui n’ont aucun moyen de se nourrir. Les mères sont incapables d’allaiter en raison de la malnutrition, ce qui rend la production de lait extrêmement difficile. Les préparations pour nourrissons sont également introuvables sur les marchés. À l’hôpital Nasser, Yahya al-Najjar est décédé à l’âge de trois mois, samedi 19 juillet, après une longue lutte contre la malnutrition.
Devant l’hôpital, après la prière funéraire, sa tante a porté son petit corps sans vie et raconté comment il est mort.
« Depuis sa naissance, ses parents n’ont pas pu lui fournir de nourriture. Sa mère ne pouvait pas l’allaiter, et son père ne pouvait pas lui trouver de lait infantile à cause de la situation catastrophique », a déclaré Mirvat Najjar dans un témoignage vidéo pour Mondoweiss. « Quand son état s’est aggravé par manque de nourriture, ils l’ont admis à l’hôpital pour le soigner. Mais après quelques jours, les médecins l’ont renvoyé faute de traitement disponible. »

Des Palestiniens pleurent leurs proches décédés à l’hôpital médical Nasser de Khan Younès, dont un enfant souffrant de malnutrition sévère, le 20 juillet 2025.
Photo de Moaz Abu Taha / apaimages
« La faim a alors commencé à dévorer son corps, et au lieu de grandir, il a commencé à rétrécir en taille et en poids, jusqu’à atteindre un point de non-retour et se rendre à la mort », a-t-elle poursuivi.
« Ce n’est pas le seul à avoir faim. » Elle montre les frères et sœurs survivants de Yahya :
« S’ils ne meurent pas aujourd’hui, ce sera demain ou après-demain. »
Le Dr Ahed Khalaf, pédiatre à l’hôpital Nasser qui a pris en charge Yahya à son arrivée, a déclaré que le nourrisson était arrivé « comme un corps sans vie ».
« Des agences nutritionnelles l’avaient suivi auparavant mais rencontraient d’énormes difficultés à obtenir du lait », a expliqué le Dr Khalaf. « Surtout que sa mère ne l’allaitait pas, et qu’il ne pouvait rien recevoir d’elle. »
L’enfant souffrait de faiblesse extrême, d’émaciation, d’anémie aiguë, et d’un manque de réactivité et de lien avec sa mère.
« Les cas de malnutrition arrivant aux urgences augmentent continuellement et de manière alarmante. Les enfants arrivent dans un état critique, incapables de marcher ou de se tenir debout. Ils nous arrivent comme des squelettes, juste de la peau sur les os. »
Khalaf ajoute que le secteur de la santé à Gaza est dans un état d’effondrement total.
« Nous avons lancé des appels à toutes les organisations internationales pour qu’elles nous fournissent les préparations nécessaires pour enfants », dit-il. « Mais jusqu’à présent, nous n’avons rien reçu de personne. »
Il précise que le ministère de la Santé a sollicité l’OMS, l’UNICEF et Save the Children, sans obtenir d’aide.
À Deir al-Balah, Razan Abu Zaher, âgée de quatre ans, a succombé à la malnutrition après des mois de privation. Dans une vidéo obtenue par Mondoweiss, son petit corps sans vie est étendu sur un lit de la morgue de l’hôpital des Martyrs d’Al-Aqsa, entourée de sa famille. Ses yeux sont ouverts, son ventre est gonflé, et ses os saillent sous sa peau. Sa mère explique dans la vidéo qu’elle souffrait de divers problèmes de santé depuis quatre mois, notamment d’infections pulmonaires dues à l’inhalation de poudre à canon.
Elle est restée plus de vingt jours à l’hôpital, raconte sa mère, et chaque fois qu’elle rentrait à la maison deux jours, son état empirait, alors ils devaient la ramener.
« Nous ne trouvions rien à manger pour elle ni pour nous », dit-elle.

Des Palestiniens pleurent Abdul Jawad Al-Ghalban, 14 ans, décédé de malnutrition sévère à l’hôpital Nasser de Khan Younès, le 22 juillet 2025.
(Photo : Moaz Abu Taha / APA Images)
Selon l’UNRWA, un enfant de moins de cinq ans sur dix souffre de malnutrition aiguë. Plus de 240 000 enfants souffrent d’insécurité alimentaire grave. Rien qu’au mois de juin, l’UNICEF a enregistré plus de 5 800 cas de malnutrition chez les enfants, dont plus de 1 000 cas aigus pour le quatrième mois consécutif.
D’après des rapports locaux, des gens s’évanouissent dans les rues. Ahmad Jalal, journaliste à Gaza, a déclaré à Mondoweiss avoir été témoin de nombreux cas près des hôpitaux.
Médecins Sans Frontières (MSF) a signalé une hausse brutale et sans précédent des cas de malnutrition parmi les enfants et les femmes dans ses cliniques du nord et du sud de Gaza, les chiffres les plus élevés jamais enregistrés par l’organisation dans la bande de Gaza. Dans son rapport publié le 11 juillet, MSF indique que plus de 700 femmes enceintes et allaitantes, ainsi qu’environ 500 enfants, souffrent de malnutrition aiguë ou modérée.
« C’est la première fois que nous assistons à une telle gravité de la malnutrition à Gaza », a déclaré le coordinateur médical adjoint de MSF.
« La famine délibérée imposée au peuple de Gaza pourrait cesser demain, si les autorités israéliennes autorisaient une entrée massive de nourriture. »
Traduction : ST pour Agence Media Palestine
Source : Mondoweiss



