Dans une lettre, des experts juridiques ont souligné le meurtre de footballeurs palestiniens et les conclusions d’un panel de l’ONU selon lesquelles Israël commet un génocide.
Pa Ali Harb, le 3 octobre 2025

Plus de 30 experts juridiques ont appelé l’Union des associations européennes de football (UEFA) à exclure Israël et ses clubs des compétitions en raison des atrocités commises à Gaza.
La lettre, adressée jeudi au président de l’UEFA, Aleksander Ceferin, affirme que l’exclusion d’Israël est « impérative », citant un rapport des enquêteurs des Nations unies qui confirme qu’Israël commet un génocide contre les Palestiniens.
Elle exhorte l’instance dirigeante du football et ses membres à « remplir leurs obligations légales et morales de respecter le droit international et à procéder à l’interdiction immédiate et totale du football israélien ».
La lettre souligne les dommages causés par Israël au sport à Gaza. Au moins 421 footballeurs palestiniens ont été tués depuis le début de l’offensive militaire israélienne en octobre 2023, et la lettre explique que la campagne de bombardements israéliens « détruit systématiquement les infrastructures footballistiques de Gaza ».
« Ces actes ont décimé toute une génération d’athlètes, érodant le tissu sportif palestinien », peut-on lire dans la lettre.
« L’incapacité de la Fédération israélienne de football (IFA) à contester ces violations l’implique dans ce système d’oppression, rendant sa participation aux compétitions de l’UEFA intenable. »
Parmi les signataires de la lettre figuraient Elisa von Joeden-Forgey, directrice exécutive du Lemkin Institute for Genocide Prevention, ainsi que plusieurs anciens experts des Nations unies et spécialistes du droit international.
« L’UEFA ne doit pas se rendre complice du blanchiment sportif de violations aussi flagrantes du droit international, y compris, mais sans s’y limiter, l’acte de génocide », indique la déclaration.
Cela intervient alors que l’indignation internationale grandit face à l’attaque brutale d’Israël contre Gaza, où l’armée israélienne a tué plus de 66 000 personnes et réduit la majeure partie de l’enclave en ruines.
Le blocus de l’aide humanitaire dans le territoire a également provoqué une famine meurtrière, conduisant à la déclaration d’une situation de famine en août pour plus d’un demi-million de personnes à Gaza.
Une action rapide contre la Russie
Craig Mokhiber, ancien directeur du bureau new-yorkais du Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme, a déclaré que permettre à un pays qui commet un génocide de participer à des événements sportifs revient à « normaliser » son comportement. Cela constitue donc « un acte de complicité ».
« Nous nous souvenons bien de la situation en Afrique du Sud sous l’apartheid, où le monde s’est uni pour isoler le régime afin de le faire changer de comportement, notamment – et c’est très important – par des boycotts sportifs et culturels », a déclaré M. Mokhiber à Al Jazeera.
La FIFA, l’instance internationale qui régit le football, a suspendu l’Afrique du Sud en 1961 en raison du régime d’apartheid en vigueur dans le pays. Cette décision a été considérée comme une victoire historique pour le mouvement mondial visant à mettre fin à la violence et à la ségrégation.
Plus récemment, en 2022, la FIFA et l’UEFA ont suspendu la Russie quelques jours après le lancement de son invasion à grande échelle de l’Ukraine.
« C’est un niveau stupéfiant d’hypocrisie et de double standard que de réagir si rapidement et si fermement à l’égard de la Russie en raison de son invasion de l’Ukraine, tout en traînant les pieds pour éviter de prendre des mesures face au génocide à grande échelle perpétré par un régime certifié comme pratiquant l’apartheid », a déclaré Mokhiber.
Les défenseurs des droits des Palestiniens réclament depuis des décennies l’exclusion d’Israël des compétitions mondiales de football, notamment en raison de la présence d’équipes professionnelles basées dans des colonies illégales en Cisjordanie occupée.
Les règles de la FIFA stipulent sans ambiguïté que « les associations membres et leurs clubs ne peuvent pas jouer sur le territoire d’une autre association membre sans l’accord de cette dernière ».
Pourtant, les clubs et les équipes nationales israéliens continuent de participer à des compétitions internationales par l’intermédiaire de la FIFA et de l’UEFA.
Bien que basé en Asie occidentale, Israël a rejoint l’UEFA en 1994, malgré le boycott de ses équipes par les pays arabes et musulmans.
Pression croissante pour exclure Israël
Alors que les attaques contre Gaza se poursuivent, l’équipe nationale israélienne participe aux qualifications européennes pour la Coupe du monde et ses clubs disputent les tournois continentaux de l’UEFA, le Maccabi Tel Aviv FC étant notamment présent dans l’Europa League cette saison.
Mais les appels à exclure Israël du football mondial se sont multipliés ces derniers mois.
Les supporters de football de Glasgow à Paris, en passant par Rome et Bilbao, ont brandi des drapeaux palestiniens pour montrer leur solidarité avec Gaza, malgré les restrictions imposées à de telles manifestations.
Après qu’Israël a tué la légende du football palestinien Suleiman al-Obeid lors d’une frappe aérienne en août, des appels à la fin des violences ont également été lancés.
L’un de ces appels est venu de l’UEFA elle-même. La fédération a publié la photo du footballeur décédé sur la plateforme de médias sociaux X avec la légende : « Adieu à Suleiman al-Obeid, le « Pelé palestinien ». Un talent qui a donné de l’espoir à d’innombrables enfants, même dans les moments les plus sombres. »
Mais la star de Liverpool, Mohamed Salah, a critiqué l’UEFA pour ne pas avoir mentionné qui l’avait tué. « Pouvez-vous nous dire comment il est mort, où et pourquoi ? », a écrit Salah dans une réponse.
Quelques jours plus tard, lors de la présentation d’avant-match de la Supercoupe de l’UEFA, une banderole affichait le message suivant : « Arrêtez de tuer des civils. Arrêtez de tuer des enfants. »
La Fondation de l’UEFA a également invité deux enfants réfugiés palestiniens à la cérémonie de remise des médailles.
Selon plusieurs médias européens, l’UEFA allait bientôt voter la suspension d’Israël, mais cette décision a été reportée après que le président américain Donald Trump a publié un plan de cessez-le-feu pour Gaza.
La lettre envoyée jeudi avertit l’UEFA que la proposition de Trump ne dispense pas la fédération de sa responsabilité d’interdire Israël.
« En effet, bien que ce plan prétende ouvrir la voie à la paix, il porte en réalité atteinte au droit international, à la souveraineté palestinienne et aux principes d’autodétermination », peut-on lire dans la lettre.
« Il n’impose aucune obligation à l’État d’Israël, en tant que puissance occupante à Gaza, en Cisjordanie et à Jérusalem-Est. Il ne traite pas non plus des conséquences juridiques du génocide à Gaza et n’exige pas d’Israël qu’il verse des réparations aux Palestiniens. La paix ne peut être atteinte sans justice et sans responsabilité. »
Une organisation à but non lucratif de défense des droits humains se prononce
Mercredi, Amnesty International a également appelé la FIFA et l’UEFA à suspendre Israël.
« Alors que l’équipe nationale israélienne de football se prépare pour les éliminatoires de la Coupe du monde contre la Norvège et l’Italie, Israël continue de perpétrer un génocide contre les Palestiniens dans la bande de Gaza », a déclaré la directrice de l’organisation, Agnès Callamard, dans un communiqué.
« Dans le même temps, Israël étend brutalement ses colonies illégales et légitime les avant-postes illégaux en Cisjordanie dans le cadre de son occupation illégale du territoire palestinien. »
Depuis le début de la guerre à Gaza, aucun pays ou club européen n’a retiré purement et simplement son équipe d’un match contre une équipe israélienne, malgré les appels internationaux de plus en plus nombreux à boycotter le pays.
Un boycott d’un match contre Israël donnerait automatiquement la victoire 3-0 à Israël.
Ashish Prashar, directeur de campagne chez Game Over Israel, le groupe qui a contribué à l’organisation de la lettre de jeudi, a souligné le rôle du football dans la construction d’une communauté mondiale, en tant que sport de loin le plus populaire au monde.
« La culture est le moyen de normaliser cela d’une manière qui est plus précieuse pour les auteurs du génocide que le fait d’avoir un siège à l’ONU », a déclaré M. Prashar à Al Jazeera.
« Il est donc impératif de suivre le modèle qui nous a été présenté avec l’apartheid en Afrique du Sud, qui consiste à exclure Israël de la culture, mais plus particulièrement du sport, en commençant par le football. »
Game Over Israel mène une campagne médiatique soulignant le génocide à Gaza et appelant au boycott du football dans ce pays.
Le mois dernier, le groupe a parrainé un panneau d’affichage dans le quartier animé de Times Square à New York, sur lequel on pouvait lire : « Israël commet un génocide. Fédérations de football : boycottez Israël. »
« La FIFA ne peut pas résoudre les problèmes géopolitiques »
Le principal allié d’Israël, les États-Unis, co-organise la Coupe du monde l’année prochaine, et le président Trump entretient des relations amicales avec le président de la FIFA, Gianni Infantino.
Compte tenu des relations chaleureuses entre les deux dirigeants, M. Prashar a déclaré qu’il n’était pas optimiste quant à la possibilité que la fédération internationale prenne des mesures contre Israël. Mais il a ajouté que les pays individuels peuvent forcer la main à la FIFA s’ils annoncent un boycott d’Israël.
Jeudi, Infantino a laissé entendre que la FIFA n’était pas prête à sanctionner l’allié des États-Unis.
« La FIFA ne peut pas résoudre les problèmes géopolitiques, mais elle peut et doit promouvoir le football dans le monde entier en exploitant ses valeurs unificatrices, éducatives, culturelles et humanitaires », a-t-il déclaré dans un communiqué.
Mokhiber, l’ancien expert de l’ONU, a déclaré que le football devrait rassembler les gens autour de valeurs positives, et non autour d’un pays qui commet un génocide.
« Nous savons très bien à quel point Infantino est proche de Donald Trump », a déclaré Mokhiber. « Je ne suis pas du tout surpris qu’il fasse ce genre de déclaration. Je lui demanderais de consulter ses livres d’histoire et de constater que les interdictions et les boycotts dans le football font partie intégrante de la FIFA depuis ses débuts. »
M. Prashar a également souligné les précédents historiques et s’est interrogé sur la ligne de conduite que la FIFA allait adopter.
« Gianni Infantino normalise le génocide », a-t-il déclaré à Al Jazeera. « Aurait-il laissé l’Allemagne nazie jouer alors qu’elle commettait un génocide ? C’est la question que je lui poserais. »
Au moment de la publication, la FIFA et l’UEFA n’avaient pas répondu à la demande de commentaires d’Al Jazeera.
Traduction : JB pour l’Agence Média Palestine
Source : Al Jazeera



