Charlotte Silver – The Electronic Intifada – 30 décembre 2016
Un garçon palestinien assis sur un canapé après la démolition le 26 octobre 2016 de l’immeuble appartenant à sa famille, qui, d’après Israël, avait été construit sans permis, à Silwan, un quartier de Jérusalem-Est occupée. La destruction de cet immeuble à multiples logements a laissé 30 personnes, pour la plupart des enfants, sans toit, dans une année où les démolitions des immeubles palestiniens par Israël ont battu tous les records. (Mahfouz Abu Turk – APA Images)
En 2016, Israël a démoli ou saisi un nombre record d’immeubles palestiniens dans toute la Cisjordanie, indiquent les Nations-Unies, déplaçant ainsi plus de 1500 habitants.
Dans son rapport de fin d’année, l’OCHA (Organisme des Nations-Unies pour la coordination pour les affaires humanitaires) déclare qu’Israël a démoli 1089 structures, le double de l’année 2015.
Les démolitions et saisies ont déplacé 1593 Palestiniens et affecté les moyens de subsistance de 7000 autres.
Ce sont les chiffres les plus élevés de déplacements et démolitions pour la Cisjordanie occupée depuis que l’OCHA a commencé de les suivre en 2009.
Ce rythme effréné de démolitions et de déplacements a démarré début 2016, et il s’est à peine ralenti au fil des douze mois.
Un froid matin de février, l’armée israélienne a effectué ce que certains ont décrit comme la démolition la plus importante en dix ans, rasant 23 maisons palestiniennes dans deux villages dans les collines du sud d’Hébron, laissant 100 habitants palestiniens sans-abri.
Organiser une situation difficile
En juin, l’Observatoire euro-méditerranéen pour les droits de l’homme, ou Euro-Med, une organisation à but non lucratif, a enregistré plus de démolitions de structures financées par l’Europe, dans les trois premiers mois de 2016 que dans toute l’année 2015.
En moyenne ce sont, chaque mois, 165 structures financées par des fonds privés et internationaux qui ont été démolies ou partiellement détruites, indique Euro-Med, ce qui représente plus de trois fois le nombre précédent de 50 démolitions par mois, entre 2012 et 2015.
Le rapport de l’OCHA note que la majorité des démolitions ont été officiellement effectuées au motif que les structures avaient été construites sans permis.
Mais les permis de construire sont quasiment impossibles à obtenir pour les Palestiniens.
Selon de récentes données de l’Administration civile israélienne, bureaucratie militaire qui règne sur la vie des Palestiniens en Cisjordanie occupée, Israël a démoli 18 fois plus de structures que le nombre de permis qu’elle a accordées aux Palestiniens dans la Zone C en Cisjordanie.
Avec les Accords d’Oslo, au début des années 1990, la Cisjordanie a été divisée en Zones A, B et C. Les Zones A et B sont, théoriquement, sous le contrôle total ou partiel de l’Autorité palestinienne et la Zone C, qui représente environ 60 % du territoire, est sous le total contrôle militaire israélien.
Le groupe israélien Bimkom-Planners for Planning Rights, (les architectes pour les droits de l’urbanisme) a obtenu des données qui documentent que les Palestiniens ont déposé un total de 1253 demandes de permis de construire entre 2014 et 2016, et qu’ils n’en ont obtenu que 53.
Sur ces trois années, 2016 est celle où le nombre de permis délivrés est le plus élevé : 37, sur 428 demandes, jusqu’en juin.
Transferts forcés
Jérusalem-Est occupée a elle aussi connu un doublement des démolitions, avec 154 structures détruites, rien qu’entre janvier et octobre.
Un jour d’octobre, Israël a détruit les maisons de plus de 40 habitants dans la ville. Ce qui comprend l’immeuble à multiples logements de la famille Jaafreh, dans le quartier Silwan, immeuble qui était le foyer d’une grande famille de 30 membres, la plupart étant des enfants.
L’immeuble, appartenant à la famille Jaafreh, avait été construit 17 ans plus tôt. Depuis neuf ans, la famille essayait, en vain, d’obtenir le permis auprès de l’autorité israélienne.
Jeff Halper, le fondateur du Comité israélien contre les démolitions de maisons, déclarait à Al-Monitor, en août : « Ces démolitions sont destinées principalement à laisser les Palestiniens confinés dans de petites poches et à maintenir délibérément une pénurie de logements, afin que les Palestiniens soient contraints de quitter la ville, gardant de la sorte une présence juive dominante au sein de la ville ».
Pour ce qui concerne les démolitions par Israël dans la vallée du Jourdain et dans les collines au sud d’Hébron, certains analystes craignent que cette augmentation ne présage une annexion.
La semaine dernière, le Conseil de sécurité des Nations-Unies a adopté une résolution qui réaffirme, pour la première fois depuis des années, que « toutes les mesures (israéliennes) visant à modifier la composition démographique, le caractère et le statut du Territoire palestinien occupé depuis 1967, y compris Jérusalem-Est » sont des violations du droit international.
Cela inclut la construction de colonies de peuplement et « la démolition de maisons et le déplacement de civils palestiniens ».
Au cours de l’été, le groupe israélien pour la défense des droits de l’homme, B’Tselem, signalait le nombre record des démolitions.
Il notait que la plupart de ces démolitions étaient réalisées dans de petites communautés défavorisées, situées loin des centres de population palestiniens, principalement dans la vallée du Jourdain et dans les collines au sud d’Hébron, ainsi que dans l’est de Jérusalem.
B’Tselem décrit cette politique de démolitions systématiques par Israël comme constituant « un transfert forcé » des habitants palestiniens de la Cisjordanie occupée.
« Ces démolitions en grand nombre s’intègrent dans une politique israélienne plus vaste pour la Zone C », écrit B’Tselem. « Cette politique se fonde sur la démarche que cette zone, qui s’étend sur environ 60 % de la Cisjordanie, est destinée principalement à répondre aux besoins israéliens ».
« En conséquence, Israël agit pour établir des faits sur le terrain, et pour créer une réalité qu’il sera difficile de modifier dans tout accord futur ».
En effet, ces « faits sur le terrain » ont déjà abouti à une réalité d’État d’apartheid.
Charlotte Silver est une journaliste indépendante et elle écrit régulièrement pour The Electronic Intifada. Elle est basée à Oakland, Californie, et elle écrit de la Palestine depuis 2010.
Traduction : JPP pour l’Agence Média Palestine
Source: Electronic Intifada