La plus haute cour de l’UE défend le droit de boycotter les produits issus des colonies israéliennes

Par Ali Abunimah, le 12 novembre 2019 

La plus haute cour de l’UE a jugé que les consommateurs avaient le droit de savoir si les biens qu’ils achètent provenaient des colonies israéliennes construises sur des territoires palestiniens occupés en violation du droit international. (Ronan Shenhav)

La Cour européenne de justice a jugé mardi que les biens provenant de colonies israéliennes situées sur des terres palestiniennes occupées devaient être étiquetés comme provenant des colonies. 

Ce jugement porte un coup sévère aux efforts d’Israël pour légitimer ses colonies en Cisjordanie occupée et sur le Plateau du Golan – dont la construction est un crime de guerre

La Cour, la plus haute autorité judiciaire qui interprète le droit européen, a déclaré qu’étiqueter les biens provenant des colonies était obligatoire « pour éviter que les consommateurs soient induits en erreur sur le fait que l’État d’Israël est présent dans les territoires concernés en tant que puissante occupante et non comme entité souveraine ». 

Le jugement reconnaît également que les colonies israéliennes relèvent d’une « politique de transfert de population » par Israël « en violation des règles du droit international humanitaire général ». 

Coup de pouce légal à BDS

Selon la cour de l’UE, un étiquetage correct est nécessaire pour que les consommateurs puissent faire « des choix informés, sur la base de considérations de santé, économiques, environnementales et sociales, mais également éthiques et relatives au respect du droit international ». 

En d’autres mots, la plus haute cour de l’UE est en train d’affirmer le droit des citoyens à s’engager pour le boycott économique de biens dans le but de promouvoir le respect des droits de la personne et du droit international. 

Cette partie du jugement sera particulièrement appréciée par les soutiens à BDS – boycott, désinvestissement et sanctions – qui insistent sur le rôle des actions de la société civile pour amener Israël à rendre des comptes sur les violations des droits des Palestiniens. 

Plus tôt dans l’année, un avis consultatif rendu par un haut fonctionnaire de la cour de justice de l’UE a comparé le vin produit dans les colonies israéliennes aux biens qui venaient de l’Afrique du Sud du temps de l’apartheid. 

« De même que de nombreux consommateurs européens refusaient d’acheter des biens sud-africains durant l’ère de l’apartheid, avant 1994, les consommateurs d’aujourd’hui peuvent refuser pour des raisons similaires d’acheter des biens venant d’un pays donné » parce qu’il poursuit « des politiques que le consommateur réprouve ou même trouve révoltantes », a écrit Gerard Hogan, avocat général à la Cour européenne de justice. 

Son raisonnement semble avoir persuadé les juges. 

Cause perdue d’avance 

Une directive de l’UE de 2011 exige un étiquetage rigoureux des biens pour protéger le droit du consommateur à l’information, y compris sur l’origine d’un produit. 

En 2015, l’UE a publié une « note interprétative » exigeant que les biens produits dans les colonies israéliennes en Cisjordanie et sur le Plateau du Golan soient étiquetés comme issus de ces colonies. 

Le gouvernement français a ensuite émis un règlement en 2016 exigeant un tel étiquetage sur les biens provenant des colonies. 

L’affaire portée devant la cour de l’Union européenne est née d’une tentative de faire annuler ce règlement français.

Elle a été soumise par la Cave de Psagot, une entreprise dans une colonie, implantée sur des terres palestiniennes volées et occupées, et par l’Organisation juive européenne, un groupe de lobby israélien. 

Les fonctionnaires israéliens semblent avoir anticipé que le jugement de la cour leur serait défavorable. Ces derniers jours, des fonctionnaires anonymes ont critiqué Psagot pour avoir porté en justice ce qui leur apparaissait comme une affaire perdue d’avance. 

« Comme s’ils cherchaient d’avance à reporter une faute sur quelqu’un, ces fonctionnaires ont averti que la Cour européenne de justice était susceptible de se prononcer en faveur de la politique controversée en matière d’étiquetage et que le procès intenté par Psagot, bien que juste, aurait finalement des répercussions négatives », rapportait le Times of Israel

« La marge de manœuvre des pays européens sera réduite après la décision de justice », a déclaré un fonctionnaire israélien. 

Le jugement rendu par la cour européenne fait suite à une décision similaire rendue par la Cour fédérale du Canada en juillet. 

La cour canadienne a jugé que les vins produits dans des colonies situées sur des terres palestiniennes occupées en violation du droit international ne pouvaient être étiquetés « Fait en Israël ».

La cour d’Ottawa a considéré que les personnes qui souhaitaient exprimer leurs positions politiques par le biais de leurs décisions d’achat « devaient bénéficier d’informations exactes sur l’origine des produits en question ». 

Application laxiste de la loi

En 2017, des fonctionnaires européens admettaient en privé qu’il était « impossible » de déterminer de manière sûre lesquels des produits israéliens provenaient de colonies. 

Ceci soulève la question de l’application effective de la décision de la cour par la bureaucratie européenne et les États membres qui ne ménagent aucun effort pour assister Israël et lui éviter de devoir rendre des comptes. 

En outre, le différend actuel ne porte que sur la manière d’étiqueter les biens issus des colonies et non sur la question première de savoir si ces biens devraient même être autorisés à la vente en Europe ou dans d’autres pays. 

Amnesty International et Human Rights Watch ont documenté l’impact dévastateur des colonies israéliennes sur la vie et les droits des Palestiniens, et ont appelé toutes les entreprises à cesser totalement de travailler dans ou avec les colonies.

Amnesty et d’autres ont appelé les gouvernements à interdire tout commerce de biens issus des colonies, mais après des décennies d’inaction, les pays de l’UE n’ont même pas encore mis en place un étiquetage adéquat.

Néanmoins, la décision de mardi sera un outil puissant pour aider les citoyens de l’UE à continuer à faire pression sur leurs gouvernements afin qu’ils mettent fin à la complicité avec Israël des Européens qui tirent profit de son système d’occupation, d’apartheid et de colonisation de peuplement.

Traduction : MUV pour l’Agence Média Palestine

Source : The Electronic Intifada

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