Par Ola Mousa, 23 avril 2020
Raya Nofal trouve que c’est difficile de suivre les cours sur internet.
« Je n’ai pas de tablette », a dit cette petite fille de 11 ans. « Ma mère me passe son téléphone. Mais parfois, elle a un appel et cela interrompt nos cours. D’autres fois, je n’arrive pas à me concentrer parce que internet est trop lent. »
L’expérience de Raya est partagée par de nombreux élèves à Gaza.
Les écoles sont fermées depuis mars pour essayer de freiner l’expansion du nouveau coronavirus. Tandis que les professeurs ont fait leurs cours en ligne, y participer a été difficile pour les enfants qui n’ont pas l’équipement nécessaire.
Comme le père de Raya est au chômage depuis deux ans, sa famille ne peut pas se permettre de lui acheter un ordinateur ou les autres équipements électroniques nécessaires à l’apprentissage en ligne.
Ces problèmes sont accentués par les fréquentes coupures de courant à Gaza.
Aya et Nisreen Saad ont respectivement 10 et 15 ans. La plupart des matins, elles ne peuvent pas suivre les cours sur internet puisqu’il n’y a pas d’électricité.
Par ailleurs, elles n’ont ni téléphone, ni tablette ni ordinateur personnels. Toutes les deux doivent utiliser le téléphone portable de leur mère.
« Nous avons pensé tout d’abord que les enfants seraient contentes de suivre leurs cours sur internet », a dit leur mère Iman. « Maintenant, je suis bouleversée de les voir faire l’expérience de tant de difficultés à cause de la pauvreté. Etudier en ligne pourrait marcher dans d’autres pays, mais Gaza n’est pas l’endroit qui convient. »
La 3G bloquée
Les enfants qui se servent de téléphones, plutôt que d’ordinateurs, sont particulièrement désavantagés.
Dans le cadre du blocus total qu’il impose depuis 13 ans, Israël empêche Gaza de développer un réseau téléphonique de troisième génération.
Par conséquent, il est rare que les gens de Gaza aient un accès internet de bonne qualité sur leurs téléphones portables.
OCHA, groupe de contrôle des Nations Unies, s’est rendu compte que les services éducatifs palestiniens n’étaient pas préparés à s’organiser avec la pandémie du COVID-19.
Et la Cisjordanie et Gaza occupées ne possédaient pas avant la pandémie la quantité d’outils nécessaires à l’enseignement à distance des élèves. Et complication supplémentaire, selon OCHA, les ministères de l’Education de Cisjordanie et de Gaza n’ont pas pu se mettre d’accord sur le contenu des programmes d’enseignement en ligne.
Presque la moitié des deux millions d’habitants de Gaza ont moins de 18 ans. Et grandir à Gaza était déjà un immense défi avant les restrictions imposées par le COVID-19.
Comme Gaza a subi trois agressions israéliennes majeures depuis décembre 2008 – ainsi qu’une quantité de petites attaques – ses enfants ont fait l’expérience de plus de traumatismes que leurs homologues de presque tous les autres pays.
Dans un rapport de 2018, l’UNICEF, agence de l’ONU pour les enfants, a déclaré qu’approximativement 300.000 enfants de Gaza ont besoin d’un soutien psychologique et d’autres formes de protection.
« Un Cauchemar »
Aller à l’école a procuré aux enfants de Gaza un important sens du quotidien, les professeurs tendant une main secourable aux élèves qui ont des problèmes psychologiques. Pour fournir une aide adaptée, les enseignants doivent être réellement dans la même salle que leurs élèves – et non pas essayer de faire leurs cours sur internet.
« Pour les élèves de Gaza, l’école n’est pas qu’un endroit où être éduqué », a dit Muhammad Ayyash, qui enseigne les sciences dans une école de Gaza Ville gérée par l’UNRWA, l’agence des Nations Unies pour les réfugiés palestiniens. « C’est un endroit où gérer leur stress. Rester à la maison les affectera négativement. »
La situation n’est pas meilleure pour les étudiants de l’enseignement supérieur.
Aya Awni, 21 ans, étudie la nutrition et la santé publique au collège technique de Palestine à Deir al-Balah, ville du centre de Gaza.
Comme elle ne possède ni smartphone ni ordinateur, elle a dû emprunter le portable d’une amie pour entreprendre ses recherches et terminer ses devoirs. Et comme elle ne peut pas l’utiliser tout le temps, Awni n’a pas pu remettre une partie de son travail.
« C’est un cauchemar », a dit Awni. « Je suis toujours inquiète. »
Son professeur, Ayman Abu Zaina, a demandé que les étudiants sans ordinateur écrivent leurs devoirs à la main et puis lui envoient des photos de leur travail avec un smartphone. Le problème, cependant, c’est qu’une certaine quantité de ses étudiants n’ont pas de smartphone.
Il a vu que seuls 60 % de ses étudiants ont remis leurs devoirs depuis l’introduction des restrictions dues au COVID-19.
« Dans le monde entier, les étudiants à l’université possèdent des smartphones », a-t-il dit. « C’est différent ici à Gaza à cause de la pauvreté. »
Ola Mousa est une artiste et une écrivaine de Gaza.
Traduction : J.Ch. pour l’Agence Média Palestine
Source : The Electronic Intifada