Les Palestiniens condamnent la visite de Pompeo dans les chais d’une colonie

Par Yumna Patel, le 18 novembre 2020

« Je voudrais dire à Pompeo, et à tous les Américains, que lorsque vous buvez ce vin, vous buvez le sang du peuple palestinien », a déclaré Abdel Jawab Saleh, un Palestinien qui possède des terres sur ce site de la colonie de Psagot.

Des Palestiniens protestent contre la visite du secrétaire d’État américain Mike Pompeo à la colonie israélienne illégale de Psagot. Al-Bireh, Ramallah, 18 novembre 2020

Pour la première fois pour un diplomate américain de haut niveau, le secrétaire d’État américain Mike Pompeo doit se rendre mercredi à l’établissement viticole de Psagot, situé dans la colonie israélienne illégale de Psagot dans le district de Ramallah, au centre de la Cisjordanie occupée.

La visite de Pompeo à Psagot, qui n’a pas été officiellement confirmée par l’administration américaine, est prévue dans le cadre de sa visite de trois jours en Israël qui a débuté mercredi par des rencontres entre Pompeo, le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou et le ministre des affaires étrangères du Bahreïn Abdullatif al-Zayani.

Outre Psagot, Pompeo devrait aussi se rendre sur le plateau du Golan occupé, une autre violation de la politique de longue date du Département d’État, tant pour les Démocrates que pour les Républicains.

Mercredi matin, des centaines de manifestants palestiniens ont manifesté devant Psagot, agitant des drapeaux palestiniens et portant des affiches disant des choses comme « Pompeo Go Home ».

Des dizaines de soldats israéliens stationnés à la périphérie de la colonie ont tiré des gaz lacrymogènes et d’autres moyens de dispersion sur les manifestants, qui manifestaient pacifiquement à plusieurs centaines de mètres des limites de la colonie.

Les Palestiniens protestent contre la visite du secrétaire d’État américain Mike Pompeo dans la colonie israélienne illégale de Psagot (en arrière-plan). Al-Bireh, Ramallah, 18 novembre 2020

« Nous voulons envoyer un message à l’administration Trump battue et lui dire que les terres volées ne sont pas un site touristique », a déclaré Munif Treish, membre de la municipalité d’al-Bireh, aux journalistes après la manifestation.

M. Treish a qualifié la visite de Pompeo à Psagot, ou Jabal al-Taweel comme l’appellent ses résidents et propriétaires terriens palestiniens, de « crime à tous points de vue », ajoutant qu’il s’agissait d’une tentative évidente de légitimer les activités de colonisation en Cisjordanie.

Moussa Jwayyed, un ancien membre du conseil municipal d’Al-Bireh, a déclaré que la visite de Pompeo dans la colonie était un effort de dernière minute de la part de l’administration de Trump pour faire un « cadeau » aux Israéliens, avant que Trump ne soit « jeté dans la poubelle de l’histoire ».

« La dernière résolution du Conseil de sécurité des Nations unies, numéro 2334 de décembre 2016, a été très claire en déclarant que toutes les colonies en Cisjordanie sont illégales », a déclaré Munif Treish, soulignant le fait que les terres de Jabal al-Taweel sont la propriété privée de dizaines d’habitants de la ville d’al-Bireh.

« Nous avons tous les documents, nous avons tous les actes, même ceux du registre foncier de l’Administration civile [israélienne, ndt], qui prouvent que toutes les terres appartiennent au peuple palestinien », a-t-il déclaré.

Bien qu’ils possèdent les titres de propriété des terres, les propriétaires terriens comme Abdel Jawab Saleh, l’ancien maire d’al-Bireh, n’ont pas pu accéder à leurs terres de Jabal al-Taweel depuis des décennies.

« Ma famille possède plusieurs dounams de terres sur Jabal al-Taweel », a déclaré Saleh à Mondoweiss. « Je me souviens que lorsque j’étais enfant, j’allais à la montagne avec ma mère et je jouais dans la source.

« J’ai grandi là-bas quand j’étais enfant, et puis quand j’étais maire pendant la guerre de 1967, Jabal al-Taweel était mon sanctuaire », a dit Saleh. « C’était comme une thérapie pour moi. »

Saleh a dit qu’il vivait en exil lorsque la colonie a été établie en 1981, et à son retour en Palestine dans les années 1990, il a été dévasté de découvrir que la terre de ses parents lui était totalement inaccessible.

Saleh a dit que c’était une « insulte » pour lui et sa famille, que Pompeo visite une colonie illégale, dont « l’existence est un crime de guerre », alors que lui, sa famille et ses voisins sont incapables de se rendre sur la terre.

« Cette visite est un symbole du plan israélien qui vise à expulser un jour par la force tous les Palestiniens de cette terre, et du partenariat de l’Amérique dans ce génocide », a-t-il déclaré.

Transformer des raisins volés en vin

L’un des principaux points d’achoppement pour les Palestiniens qui protestent contre la visite de Pompeo, a été son projet de visiter le vignoble Psagot, qui se vante d’avoir des investisseurs importants comme la famille Falic de Floride, qui possède la chaîne de magasins Duty Free Americas.

L’AP a rapporté qu’au cours des dix dernières années, la famille a donné au moins 5,6 millions de dollars à des groupes de colons en Cisjordanie et à Jérusalem-Est, et au moins 1,7 million de dollars à des politiciens pro-israéliens aux États-Unis, dont Trump, depuis 2000.

Sa visite sur le site mercredi a été largement considérée comme une étape pour courtiser davantage les chrétiens évangéliques et autres fervents défenseurs d’Israël, s’il devait poursuivre une carrière politique après la fin de la présidence de Trump, a noté l’AP.

L’an dernier, suite à l’annonce de Pompeo que les Etats-Unis ne considéraient plus les colonies comme illégales, malgré d’innombrables résolutions internationales affirmant le contraire, la cave Psagot Winery a créé et fait de la publicité pour un nouveau vin rouge au nom de Pompeo.

« Je voudrais dire à Pompeo, et à tous les Américains, que lorsque vous buvez ce vin, vous buvez le sang du peuple palestinien », a déclaré Saleh à Mondoweiss

Tamam Quran, une jeune étudiante diplômée d’al-Bireh, a dit à Mondoweiss que bien qu’elle n’ait jamais pu visiter Jabal al-Taweel, où sa famille possède plusieurs hectares de terre, elle a grandi en entendant les histoires de sa grand-mère sur les vignes immenses.

« Nos grands-parents sont ceux qui ont planté ces terres avec des raisins, et maintenant elles sont utilisées et vendues par les colons », a dit Quran. 

« J’ai grandi en entendant des histoires sur la façon dont ma grand-mère et son père allaient sur cette terre et cueillaient les raisins des vignes qui sont maintenant utilisées pour faire du vin », a-t-elle dit, ajoutant que si Pompeo peut aller goûter le vin produit sur Jabal al-Taweel, si elle mettait les pieds sur la terre de ses grands-parents, elle serait « emmenée avec des menottes ».

La nuit précédant la visite de Pompeo, l’Institut palestinien de diplomatie publique a publié un appel au boycott du vin de Psagot et à son interdiction aux États-Unis. 

« Grâce au commerce international, ces colonies illégales prospèrent économiquement sur fond de violations des droits de l’homme », peut-on lire dans la pétition. La visite de Pompeo à la colonie et à la cave est une approbation de ce système d’injustice et une reconnaissance de la vision du « Grand Israël » dans lequel les Palestiniens seraient à jamais asservis et inégaux sous le contrôle total d’Israël ».

« Il est temps de tenir tête à l’administration Trump. Il est temps de cesser de financer l’oppression. Il est temps de bannir le vin de Psagot des États-Unis comme un message fort pour la justice, la liberté et les droits pour tous. »

Source: Mondoweiss

Traduction: JPB pour l’agence média Palestine

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