Par Christine Sarkis, le 13 Décembre 2022
Chaque gorgée renferme les riches saveurs de la terre du Levant et les épices des traditions des fêtes qui transcendent les religions et remontent à plusieurs siècles.
Qu’elle soit servie à la louche dans l’urne fumante d’un vendeur de rue de Bethléem ou dégustée autour d’une table de cuisine californienne, la boisson de fête sahlab raconte une histoire à chaque gorgée. Le premier goût est aussi chaleureux et floral que ses origines ensoleillées. La deuxième révèle une texture épaisse aussi soyeuse que des pétales d’orchidée. Et avec la troisième, on découvre les premiers indices de son histoire, les riches saveurs du Levant et les épices des traditions des fêtes qui transcendent les religions et remontent à plusieurs siècles.
Dans la cuisine de Blanche Shaheen, auteur de livres de cuisine, de la vapeur s’échappe de petites tasses, transportant des parfums qui rappellent le passage des saisons, les fleurs d’oranger de la fin de l’hiver et les roses du printemps. Pour Blanche Shaheen, le sahlab n’est pas seulement la boisson des fêtes de fin d’année que sa mère lui a appris à préparer. Il s’agit également d’une histoire de famille et de pérennité de la culture.
Le sahlab, un mélange épais et riche de lait, de sucre et d’épices, est une boisson hivernale semblable à un latté, et pour les chrétiens palestiniens, il est fortement lié à la période de Noël. Bien que Mme Shaheen ait grandi en Californie, les récits de sa famille concernant cette friandise sont ancrés dans les rues de Bethléem, lieu de naissance de Jésus et donc de la fête. « Ma mère se souvient d’avoir bu du sahlab dans un stand de boissons palestinien après avoir assisté à la messe à l’église de la Nativité », raconte-t-elle. Lorsque la mère de Shaheen s’est mariée et a déménagé aux États-Unis en 1970, elle a emmené avec elle la recette et la tradition.
Shaheen perpétue cette tradition, avec quelques ajustements. La version que sa mère sirotait lorsqu’elle était enfant dans les rues de Bethléem était faite avec de la poudre de sahlab, une farine fabriquée à partir de tubercules d’orchidée cueillis à l’état sauvage. Utilisée depuis l’époque ottomane comme épaississant dans les desserts et les boissons, cette poudre provient d’orchidées qui sont aujourd’hui en voie d’extinction, ce qui rend l’exportation de cet ingrédient illégale et sa production non durable.
Shaheen dit que, comme de nombreux Palestiniens de la diaspora, elle imite la texture et la saveur de la poudre de sahlab avec la combinaison plus facile à trouver d’amidon de maïs (maïzena) et d’eau de rose ou de fleur d’oranger. Lorsque ces ingrédients sont mélangés à du lait, du sucre et des épices chaudes comme la cannelle ou la cardamome, puis garnis de pistaches et de noix de coco, ils se transforment en ce que Shaheen appelle « une boisson qui se mange ».
« Après l’avoir senti et siroté, vous pouvez aussi le mâcher », dit-elle, notant que les garnitures, qui aujourd’hui peuvent aussi inclure des ingrédients comme des flocons de cacao ou du caramel, donnent du croquant et de la texture à cette boisson qui ressemble à un pudding. Adaptables et irrésistibles, les variantes du sahlab sont également populaires parmi les personnes de toutes confessions dans des pays du Moyen-Orient tels qu’Israël, le Liban, la Syrie et la Jordanie.
Le sahlab joue un rôle de premier plan pendant les fêtes et revêt une signification particulière pour Shaheen. « Oui, c’est une boisson, mais c’est aussi une identité pour nous ». En tant que Palestiniens aux États-Unis, dit-elle, « nous cherchons des points d’attache qui proviennent de la nourriture et des rituels qui l’entourent. »
Oui, c’est une boisson, mais il s’agit aussi d’une identité pour nous
Pour Shaheen, le sahlab incarne le Noël de Bethléem, où réside encore une grande partie de la famille de sa mère. À Noël, chez elle en Californie, sa famille recrée des traditions de plusieurs générations. « Nous regardons la messe en streaming sur YouTube à l’église de la Nativité et nous buvons notre sahlab parce que c’est ce qui se rapproche le plus de Noël à Bethléem sans y être vraiment. »
À Bethléem, le sahlab représente un esprit de fête qui transcende la religion. « Les rues sont animées, avec des groupes qui jouent, des arbres et des décorations de Noël, et des musulmans qui font la fête avec les chrétiens », a déclaré Shaheen. « C’est vraiment beau de voir tout le monde se réunir pour célébrer et respecter les traditions des autres. Et le sahlab fait partie de cette tradition. »
Préparez votre propre sahlab cette année
Blanche Shaheen a inclus cette recette de sahlab dans son livre de cuisine « Feast in the Middle East« . Elle fait également une démonstration de la recette sur sa chaîne YouTube.
Sahlab
Par Blanche Shaheen
Ingrédients :
3 cuillères à soupe (26g) d’amidon de maïs (bleuet)
4 tasses (950ml) de lait (ordinaire ou sans produit laitier de votre choix)
⅓ tasse (65g) de sucre
1 cuillère à café (5ml) d’eau de rose ou d’eau de fleur d’oranger
⅓ tasse (25g) de noix de coco
⅓ tasse (40g) de pistaches finement hachées
Cannelle, au goût
Instructions :
- Remuez la fécule de maïs dans ½ tasse (120ml) de lait jusqu’à ce qu’elle soit dissoute, mettez de côté.
- Portez le reste du lait et le sucre à ébullition dans une casserole, puis baissez à frémissement et remuez pour vous assurer que le sucre se dissout.
- Ajouter le mélange de fécule de maïs (bleuet) et le lait dans la casserole.
- Laisser mijoter pendant 10 minutes à feu doux, en remuant constamment pour éviter la formation de grumeaux.
- Ajouter l’eau de rose ou l’eau de fleur d’oranger, remuer à nouveau et servir dans des petites tasses individuelles.
- Saupoudrer chaque tasse de lait d’une cuillère à café bombée de pistaches et de noix de coco.
- Saupoudrer de cannelle et servir immédiatement.
Trad. A.G pour l’Agence Média Palestine
Source : BBC