Comment la CPI va-t-elle répondre aux menaces de Netanyahu ?

Par Maureen Clare Murphy, The Electronic Intifada, le 29 décembre 2022

Karim Khan, procureur en chef de la Cour pénale internationale, a été critiqué pour avoir fait traîner l’enquête sur la Palestine ouverte l’année dernière par son prédécesseur (Robin Utrecht ZUMA Press)

Dix groupes de défense des droits de l’homme basés en Israël demandent instamment au procureur général de la Cour pénale internationale de se rendre en Palestine et de faire avancer l’enquête ouverte par sa prédécesseure l’année dernière après un examen préliminaire de plusieurs années.

Karim Khan, procureur en chef du tribunal, a déclaré au début du mois qu’il avait l’intention de se rendre en Palestine en 2023.

Sa remarque lors de l’assemblée des États parties de la Cour est intervenue alors que l’on reprochait à son bureau de bloquer l’enquête sur la Palestine malgré la détérioration rapide de la situation des droits de l’homme en Cisjordanie et dans la bande de Gaza.

Dans une lettre adressée à Khan, les groupes basés en Israël déclarent que des crimes relevant de la compétence du tribunal « ont été commis et continuent d’être commis ».

Les organisations – dont Adalah, un groupe qui défend les droits des Palestiniens en Israël, et B’Tselem, qui dispose d’une vaste documentation sur les violations commises par Israël – se sont engagées à apporter leur concours à l’enquête.

Ces groupes ont noté qu’Israël a « déjà à plusieurs reprises interdit l’accès d’instances internationales » aux territoires sous son contrôle. Il a refusé l’entrée aux enquêteurs et aux membres du personnel de l’ONU ainsi qu’à des « chercheurs internationaux et des défenseurs des droits de l’homme » ou les a forcés à partir, indiquent les groupes dans leur lettre à Khan.

« Ce contexte rend votre visite – et l’octroi à votre service d’une autorisation d’accès à Israël – encore plus importante », déclarent ces groupes.

État des lieux à la CPI

Les groupes palestiniens de défense des droits de l’homme ont exprimé leur frustration devant le fait que Khan n’a fait aucun progrès dans l’enquête sur la Palestine.

Khan n’a fait aucune déclaration publique pour dénoncer la qualification de « terroristes » par Israël de certains groupes, et les raids visant les bureaux des groupes palestiniens de défense des droits de l’homme qui ont soumis des dossiers de preuves à la cour au nom des victimes.

Lors de sa visite à Jérusalem en juillet, le président américain Joe Biden a affirmé que Washington travaillerait avec Tel Aviv pour « combattre tous les efforts visant à boycotter ou à délégitimer Israël, à nier son droit à l’autodéfense ou à le désigner injustement dans n’importe quel forum, y compris aux Nations unies ou à la Cour pénale internationale. »

Le Royaume-Uni, qui a proposé la candidature de Khan au poste de procureur général, s’oppose également à l’enquête de la CPI en Palestine.

Bien que l’État d’Israël s’oppose à l’enquête, son nouveau gouvernement de coalition met en péril sa meilleure défense contre un tel examen par la CPI.

Itamar Ben-Gvir, un législateur d’extrême-droite du nouveau gouvernement de Benjamin Netanyahu, propose une loi qui accorderait une immunité juridique aux soldats et aux policiers pour leurs actions lors d’opérations de « sécurité ».

Selon le quotidien Haaretz de Tel Aviv, « les responsables de la défense craignent qu’une telle décision ne rende les soldats israéliens susceptibles d’être poursuivis par la Cour pénale internationale de La Haye ».

Netanyahu promet des crimes de guerre

La CPI s’en remet aux enquêtes internes d’un pays, lorsqu’elles existent, en vertu du principe de complémentarité qui veut que « les États ont la responsabilité première et le droit de poursuivre les crimes internationaux ».

Celle qui occupait le poste de Khan avant lui, Fatou Bensouda, a déclaré fin 2019 que l’évaluation par son bureau « de la portée et de l’authenticité » des procédures internes à Israël « reste en cours à ce stade. »

En supprimant son mécanisme d’auto-investigation – bien qu’il soit considéré par B’Tselem comme une « feuille de vigne pour l’occupation » – Israël va graisser les rouages de ce qui serait autrement un point de friction majeur pour l’enquête.

Pendant ce temps, les dirigeants israéliens semblent défier la CPI à intervenir en s’engageant à faire avancer l’annexion de terres en Cisjordanie.

Une promesse similaire faite par Netanyahu lors de sa campagne électorale en 2019 a été notée avec inquiétude par Bensouda dans sa demande à une chambre préliminaire de confirmer la compétence territoriale de la cour en Cisjordanie et à Gaza.

La même année, le procureur général d’Israël a averti M. Netanyahu que l’annexion officielle de la Cisjordanie serait indéfendable devant la CPI et que les responsables de l’armée, les dirigeants des colonies et d’autres personnels israéliens pourraient faire l’objet d’une enquête de La Haye.

Cette semaine, le gouvernement de Netanyahyu a publié ses principes directeurs, qui commencent par « le peuple juif a un droit exclusif et incontestable sur toutes les zones de la terre d’Israël. »

Il y a peu d’ambiguïté quant à l’intention du nouveau gouvernement d’approfondir la colonisation par Israël des terres palestiniennes et syriennes et de consolider son régime d’apartheid sur tout le territoire sous son contrôle.

Les Palestiniens et les groupes internationaux de défense des droits de l’homme, dont Amnesty International, ont demandé à Khan d’enquêter sur l’apartheid israélien.

Si Khan répond à ces appels, Netanyahou pourrait être le premier individu à être poursuivi devant un tribunal international pour le crime d’apartheid.

Source: https://electronicintifada.net/blogs/maureen-clare-murphy/how-will-icc-respond-netanyahus-threats

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