“L’UNRWA fait face à de nombreux changements” – Interview de la directrice de communication de l’UNRWA

Par l’Agence média Palestine, le 19 juillet 2023

L’Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA) fait face à de nombreux problèmes financiers, notamment en raison de son déficit de plus de 75 millions de dollars. Pourtant, l’UNRWA est indispensable à la vie de millions de réfugiés palestiniens. L’Agence média Palestine a interviewé Juliette Touma, directrice de communication de l’UNRWA.

Juliette Touma

L’UNRWA bénéficie d’un statut exceptionnel, pouvez-vous l’expliquer et nous dire comment et pourquoi il est remis en question aujourd’hui ?

L’UNRWA fait face à de nombreux changements, non seulement financiers mais également sur le plan des besoins auxquels elle doit répondre, et qui ne cessent d’augmenter dans les communautés que nous aidons. Les réfugiés palestiniens font face à une hausse des attaques, des taux de pauvreté et de chômage, et ils sont également de plus en plus nombreux à avoir besoin de notre aide. L’UNRWA fait donc face à une augmentation des besoins et à une hausse de la pression financière due à notre modèle de financement, qui ne permet pas de garantir des fonds de  façon pérenne, annuelle et prévisible. Cette asymétrie restreint notre capacité à mener à bien notre mission d’aide auprès des cinq aires d’opérations sur lesquelles nous intervenons. 

Les États-Unis, en 2018, sous Donald Trump, avaient cessé tout financement de l’UNRWA, avant de reprendre partiellement sous Joe Biden. Quel est l’impact concret de ces revirements et de ces réticences étasuniennes sur l’état de l’UNRWA ?

Les Etats-Unis sont aujourd’hui le plus grand donateur de l’UNRWA depuis que les financements étasuniens ont repris en 2022. L’aide étasunienne est bienvenue au regard de l’importance du travail que fournit l’UNRWA. Les autres grands donateurs sont l’Union Européenne et l’Allemagne, et nous aimerions que des pays arabes, notamment du Golfe, renouvellent leurs dons et leur partenariat avec l’UNRWA.

Quelles sont les limites imposées par les restrictions financières et les conséquences sur la population ?

Le problème principal est que nous ne sommes pas dans une situation qui nous permet de planifier et de prévoir. En réalité, notre priorité à la fin de chaque mois est de s’assurer que les 30 000 personnes qui travaillent avec nous (médecins, instituteurs, travailleurs sociaux, ingénieurs etc.) soient payées. Deux tiers de notre personnel travaille dans le milieu éducatif, et 90% sont des réfugiés palestiniens qui viennent précisément de la communauté que nous aidons ; notre objectif est donc d’abord de les rémunérer. D’année en année, les crises financières que nous avons traversées ont impacté la qualité des services que nous assurons. Nous avons été obligés de mettre en place des mesures d’austérité, et de réduire nos coûts. Cela nous empêche notamment d’investir dans les équipements, notamment technologiques, de réfléchir à notre impact écologique etc. Tout cela progresse, bien sûr, mais pas au rythme qu’il faudrait et avec la qualité que nous visons. 

Pouvez-vous nous parler plus précisément de la situation à Jénine où notamment une clinique de l’UNRWA a été endommagée ?

Cette opération militaire de 48h a eu un impact dévastateur sur les Palestiniens de Jénine et particulièrement pour les 24 000 habitants de son camp de réfugiés, dont la moitié sont des enfants. Une clinique de l’UNRWA a été sévèrement endommagée, de même que des écoles qui accueillaient 1700 enfants. La clinique est totalement inutilisable, nous avons donc mis en place un point temporaire de service de santé. 900 maisons ont été détruites dans le camp, des centaines sont inhabitables, il faut donc les reconstruire pour permettre aux habitants de revenir. Nous menons donc de grandes opérations pour apporter une aide sanitaire, financière, pour rouvrir les écoles mais également pour soigner la santé mentale des habitants, notamment des enfants. 

La situation à Gaza continue également de se détériorer avec le blocus qui perdure, pouvez-vous nous en dire plus ? Comment l’action de l’UNRWA y est-elle entravée ?

Après 16 ans de blocus sur la bande de Gaza, la situation des habitants se détériore en effet, notamment en ce qui concerne les réfugiés, qui font notamment face à de forts taux de chômage. Les habitants de Gaza comptent de plus en plus sur l’aide de l’UNRWA, qui fournit par exemple de la nourriture à plus d’un million de personnes à Gaza. Gaza est une zone que nous surveillons particulièrement, nous essayons actuellement de sécuriser 17 millions de dollars avant la fin du mois d’août pour répondre aux besoins de la population à Gaza en matière de nourriture. Si nos financements venaient à être réduits, ce programme d’aide alimentaire serait fortement compromis. 

La société civile peut-elle jouer un rôle pour aider l’UNRWA  dans cette période difficile ?

Tout le monde peut aider. La société civile, les Etats, les fondations privées etc. Tous les soutiens sont bienvenus, moraux ou financiers. Financièrement, nous avons besoin que notre modèle évolue vers un modèle financier durable et de long terme. Nous avons donc besoin de dons annuels ou réguliers, et prévisibles, afin de ne plus avoir à lutter à chaque fin de mois. 

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