Un groupe de défense de la liberté de la presse met en garde Israël contre l’interdiction d’Al Jazeera

Israël a approuvé mercredi une nouvelle réglementation d’urgence qui pourrait ouvrir la voie à la censure d’Al Jazeera, la chaîne de télévision basée au Qatar qu’Israël accuse de partialité et de propagande portant atteinte à sa sécurité nationale.

Par Laura Wagner, le 18 octobre 2023

Le personnel d’Al Jazeera, dans sa station de télévision à Doha, au Qatar, en 2017. (Malak Harb/AP)

Proposée en début de semaine par le ministre israélien des communications, Shlomo Karhi, cette réglementation permettrait aux autorités de « mettre fin aux émissions des médias et de confisquer le matériel de diffusion si la production d’un média est considérée comme portant atteinte à la sécurité nationale, à l’ordre public ou comme servant de base à la ‘propagande ennemie' », selon le Times of Israel. Karhi et le procureur général israélien Gali Baharav-Miara se sont mis d’accord mercredi pour promulguer ces réglementations, qui pourraient mettre fin aux activités israéliennes d’Al Jazeera, l’une des rares sociétés de médias internationales ayant une présence physique à la fois dans la bande de Gaza et en Israël.

Le Comité de protection des journalistes (CPJ) a réagi en appelant le gouvernement israélien à ne pas interdire Al Jazeera. Le comité a déclaré qu’une « pluralité de voix médiatiques est essentielle pour demander des comptes au pouvoir, en particulier en temps de guerre ».

« Nous sommes profondément préoccupé.e.s par les menaces des autorités israéliennes de censurer la couverture médiatique du conflit actuel entre Israël et Gaza, en utilisant de vagues accusations d’atteinte au moral national », a déclaré Sherif Mansour, coordinateur du programme du CPJ pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord, dans un communiqué. « Le CPJ demande instamment à Israël de ne pas interdire Al-Jazeera et de permettre aux journalistes de faire leur travail. »

(« Il devient impossible de faire des reportages depuis Gaza« )

Al Jazeera, qui a été lancée en 1996 et est soutenue par le gouvernement qatari, a été la cible de critiques et de censure de la part du gouvernement israélien dans le passé.

« En temps de guerre, Israël a pour habitude de pratiquer la censure militaire », a déclaré Jon Alterman, vice-président du Center for Strategic and International Studies, au Washington Post. « Cela ressemble presque à un élément fixe de l’approche d’Israël dans les conflits. »

En 2008, Israël a accusé Al Jazeera d’être un « outil du Hamas », le groupe militant palestinien qui contrôle la bande de Gaza, et a lancé un boycott de la chaîne. Le chef du bureau d’Al Jazeera à Jérusalem a nié les accusations de partialité. En 2017, Israël a annoncé son intention de fermer le bureau d’Al Jazeera à Jérusalem, de collaborer avec les chaînes de télévision pour la retirer des ondes et de priver les journalistes d’Al Jazeera de leurs accréditations. À l’époque, le secrétaire exécutif de l’Association de la presse étrangère d’Israël, Glenys Sugarman, a déclaré à Reuters que « changer la loi afin de fermer un média pour des raisons politiques est une pente glissante. »

Les nouvelles réglementations d’urgence approuvées mercredi par Israël semblent représenter un pas sur cette pente. Depuis des décennies, le gouvernement israélien entretient des relations tendues avec Al Jazeera, qu’il accuse parfois de soutenir le Hamas.

Mais les relations n’ont pas été totalement antagonistes. Comme l’a déclaré M. Alterman lors d’une interview, Israël a parfois « profondément bénéficié de sa relation avec Al Jazeera« .

« Al Jazeera a été l’une des premières chaînes à accueillir régulièrement des invité.e.s israélien.ne.s, dont Binyamin Netanyahou », a déclaré M. Alterman, en utilisant la prononciation hébraïque du prénom du premier ministre israélien. M. Alterman a également fait remarquer que la chaîne anglophone d’Al Jazeera, qui est disponible en ligne aux États-Unis, est différente de la chaîne arabe d’Al Jazeera. Sur la carte d’Israël d’Al Jazeera, Israël est désigné par le terme « Israël », la Cisjordanie par le terme « Cisjordanie » et Gaza par le terme « Gaza ». Al Jazeera s’est donc écartée très tôt de l’appellation « Palestine ».

« Mais pendant les intifadas, en temps de guerre, on a toujours l’impression qu’Al Jazeera, en tant que chaîne, soutient les ennemis d’Israël », a déclaré M. Alterman.

Al Jazeera n’a pas répondu à une demande de commentaire.

Laura Wagner est journaliste au Washington Post et couvre l’évolution de l’industrie des médias numériques.

Source: The Washington Post

Traduction ED pour l’Agence Média Palestine

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