Gaza : les massacres se poursuivent, Amnesty International dénonce des crimes de guerre, la croix-rouge déclare ses hôpitaux « au point de rupture »

Par l’Agence Média Palestine, le 18 juillet 2024

Une femme palestinienne inspecte les dégâts, après que les forces israéliennes se soient retirées du quartier de Shejaiya, à la suite d’une opération terrestre, dans le cadre du conflit entre Israël et le Hamas, dans la partie orientale de la ville de Gaza, le 10 juillet 2024. © Dawoud Abu Alkas, Reuters

Les massacres se poursuivent à Gaza, ciblant parfois plusieurs zones au même moment. Dans une vidéo postée le 16 juillet sur son profil instagram, la journaliste Bisan déplorait l’impossibilité de couvrir l’entièreté des violences commises par l’armée israélienne, qualifiant ces attaques synchronisées d’une nouvelle stratégie d’invisibilisation. « Vous allez entendre parler d’un massacre, mais vous n’entendrez pas parler de tous, certains ne recoivent aucune couverture médiatique ».

Israël a effectivement annoncé intensifier ses frappes, Benjamin Netanyahu affirmant son intention « d’augmenter la pression » militaire sur le Hamas. Les premières victimes de ces attaques sont cependant bien des civils, dont de nombreux enfants. Sur sont compte X, l’avocate des droits humains Noura Erakat déclarait le 14 juillet : « Combien d’écoles abritant des familles palestiniennes Israël doit-il bombarder avant que des mesures plus sérieuses ne soient prises pour limiter Israël ? Pourquoi les gens agissent-ils comme si la guerre asymétrique n’était pas réglementée, comme s’il n’y avait pas de précédent ? 280 jours de génocide. »

Cinq attaques, dont trois simultanées, se sont déroulées mardi 16 juillet, touchant à nouveau des campements dans des zones désignées comme « sûres », où de nombreux civils s’étaient réfugiés en suivant les directions données dans les ordres d’évacuation de l’armée israélienne. Au moins 57 Palestiniens ont été assassinés dans ces frappes.

L’une d’elle a porté sur une zone de tentes abritant des personnes déplacées dans la zone humanitaire d’al-Mawasi à Khan Younis, dans le sud de la bande de Gaza. 17 palestiniens ont été tués, parmi lesquels des enfants. Quelques jours avant, le 13 juillet, un massacre avait déjà eu lieu dans cette zone et causé la mort de 90 palestiniens dont de nombreux enfants, dont cet article rapportait des témoignages.

Au même moment, une seconde attaque a atteint une école dans le campement de Nuseirat, assassinant au moins 23 palestiniens et en blessant 73 autres. L’école a été partiellement détruite, des débris recouvrant la cour et les salles de classe utilisées comme abris par les Palestiniens déplacés. Parmi les victimes se trouvait le journaliste local Mohammad Meshmesh, ce qui porte à 160 le nombre de journalistes tués dans le conflit, selon le bureau gouvernemental des médias à Gaza.

« Ce sont des civils qui ont été tués. Ce sont des enfants qui ont été déchiquetés par la frappe, il ne reste rien d’eux », a crié un homme en montrant à Middle East Eye une bâche blanche sur laquelle des morceaux de corps étaient rassemblés. « Il s’agit d’une école de l’UNWRA qui abrite des personnes déplacées. Hier encore, une école a été touchée. Des gens sont tués devant nous et nous n’avons nulle part où aller. » Cette école est la septième en 10 jours à être touchée par des frappes aériennes.

Alors que l’ONU affirme qu’aucun lieu n’est sûr à Gaza, des centaines de milliers de Palestiniens ont été déplacés plusieurs fois depuis le début de la guerre. Beaucoup s’abritent dans des écoles, dans des cours de dispensaires ou d’hôpitaux. Le dernier rapport de l’OCHA estime à plus de 490 000 le nombre de personnes déplacées, dont certaines plusieurs fois, depuis le 7 octobre.

Le ministère de la Santé du gouvernement de la bande de Gaza a annoncé le 17 juillet un nouveau bilan de 38 794 morts dans le territoire palestinien depuis le 7 octobre. Au moins 81 personnes ont été tuées ces dernières 24 heures, a-t-il indiqué, ajoutant que 89 364 personnes avaient été blessées dans la bande de Gaza depuis le début de la guerre le 7 octobre.

Amnesty International dénonce des crimes de guerre

Amnesty International publie ce jeudi 18 juillet un rapport faisant état de cas de torture sur 27 anciens détenus palestiniens, dont un garçon de 14 ans. Les anciens prisonniers concernés ont été détenus pendant une période de quatre mois et demi et se sont vu refuser l’accès à un avocat ainsi que tout contact avec leur famille.

« La torture et les autres formes de mauvais traitements, y compris les violences sexuelles, sont des crimes de guerre. Ces allégations de torture doivent faire l’objet d’une enquête indépendante du bureau du procureur de la Cour pénale internationale. Une telle enquête est indispensable, étant donnée l’incapacité avérée de la justice israélienne à enquêter de manière crédible sur les allégations de torture formulées par des Palestiniens et Palestiniennes par le passé. Les autorités israéliennes doivent également permettre immédiatement à des observateurs indépendants d’accéder sans restrictions à tous les lieux de détention, cet accès étant refusé depuis le 7 octobre », a déclaré Agnès Callamard, secrétaire générale d’Amnesty International.

Amnesty déplore également que la loi israélienne sur les combattants illégaux permet à l’armée de détenir arbitrairement des Palestiniens de Gaza pour une durée indéterminée, sans inculpation ni procès. « Nos recherches révèlent que les autorités israéliennes utilisent la Loi sur l’incarcération des combattants illégaux pour arrêter arbitrairement des civil·e·s palestiniens de Gaza et les plonger dans une sorte de trou noir pendant des périodes prolongées, sans produire la moindre preuve que ces personnes constituent une menace pour la sécurité et en l’absence de toute procédure régulière. Les autorités israéliennes doivent immédiatement abroger cette loi et libérer les personnes détenues arbitrairement au titre de celle-ci. »

Les services de soin détruits ou saturés

L’UNWRA a déclaré que seuls 10 de ses 26 établissements de santé étaient encore opérationnels. « Nos équipes continuent de risquer leur vie chaque jour pour fournir des soins médicaux aux familles, mais elles ont besoin d’un cessez-le-feu », a déclaré l’agence dans un message sur X. Elle a ajouté que l’Organisation mondiale de la santé avait recensé plus de 1 000 attaques contre des établissements de santé depuis le 7 octobre.

Dans une déclaration du 14 juillet, le coordinateur humanitaire adjoint et directeur des affaires de l’UNRWA à Gaza, Scott Anderson, a décrit les conditions déplorables dont il a été témoin lors de sa visite à l’hôpital Nasser, où « de nombreux patients ont été traités à même le sol sans désinfectants » et où il n’y avait « pas assez de lits, de matériel d’hygiène, de draps ou de blouses ».

Le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) déclarait ce jeudi 18 juillet que son hôpital et tous les établissements de santé du sud de la bande de Gaza sont au « point de rupture » et incapables de traiter les personnes souffrant de blessures potentiellement mortelles.

L’organisation a indiqué dans un communiqué que son hôpital de campagne de Rafah, d’une capacité de 60 lits, était presque saturé à la suite d’attaques ayant fait de nombreuses victimes, notamment les frappes israéliennes meurtrières sur le camp de réfugiés de Mawasi le week-end dernier, qui ont tué au moins 90 Palestiniens. La Croix-Rouge a déclaré avoir accueilli 26 personnes devant être hospitalisées pour des éclats d’obus et d’autres blessures à la suite de l’attaque. Elle a ajouté que la saturation obligeait les médecins à faire des « choix difficiles » quant aux personnes à soigner.

« La répétition des massacres résultant des hostilités incessantes a mis à rude épreuve la capacité d’intervention de notre hôpital – et de tous les établissements de santé du sud de la bande de Gaza – à soigner des personnes souffrant de blessures potentiellement mortelles », a déclaré William Schomburg, chef de la sous-délégation du CICR à Gaza.

Les femmes enceintes de Gaza ont de plus en plus de mal à accéder aux soins vitaux dont elles ont besoin en raison des déplacements répétés, de l’insécurité et des attaques contre les établissements de santé, auxquels s’ajoutent des coûts de transport inabordables et l’absence de services d’ambulance. À l’heure actuelle, selon le FNUAP, les soins obstétriques d’urgence et les soins aux nouveau-nés ne sont disponibles que dans 11 hôpitaux et hôpitaux de campagne, où la pénurie de carburant entrave le fonctionnement des couveuses néonatales et d’autres équipements vitaux.

La pénurie d’eau et le manque de médicaments pour la santé maternelle exposent également les femmes enceintes et allaitantes à divers risques, les médecins continuant à signaler un nombre croissant de bébés prématurés et de faible poids à la naissance, qui sont des indicateurs courants d’une malnutrition sévère aggravée par le stress, la peur et l’épuisement. On estime que 30 000 femmes enceintes sont confrontées à des niveaux aigus de famine (phase 3 de l’IPC), que plus de 10 000 sont au bord de la famine (phase 4 de l’IPC) et que près de 7 000 sont en situation de famine (phase 5 de l’IPC), avec un total de 155 000 femmes enceintes ayant un besoin urgent d’une assistance alimentaire accrue et de suppléments nutritifs, selon l’UNFPA.

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