Gaza, jour 300 : 39 445 palestiniens, la presse prise pour cible, les infrastructures sanitaires dévastées et un risque d’escalade dans la région

Par l’Agence Média Palestine, le 1er août 2024

Photo de Grayscale Media/2023

Un groupe de 38 experts indépendants des droits de l’homme des Nations unies, nommés par le Conseil des droits de l’homme des Nations unies à Genève dans le cadre de ses procédures spéciales, a appelé les États membres des Nations unies à imposer un embargo sur les armes et des sanctions ciblées à l’encontre d’Israël. Alors que de nombreuses voix s’élèvent pour condamner les massacres imposés par Israël aux habitants de Gaza, les bombardements et attaques terrestres se poursuivent dans l’enclave palestinienne.

Le 27 juillet, l’armée israélienne a frappé l’école de filles Khadija à Deir al Balah, qui abritait plus de 4 000 personnes déplacées et abritait une unité médicale de campagne appartenant à l’hôpital Al Aqsa situé à proximité. L’attaque a causé la mort d’au moins 30 Palestiniens et blessé plus de 100 autres. Dans une déclaration, le bureau des médias du gouvernement a indiqué qu’au moins 15 enfants et huit femmes figuraient parmi les victimes. La plupart des blessés ont été transférés à l’hôpital Al Aqsa, qui a dû faire face à un nouvel afflux massif de victimes.

Les troupes militaires israéliennes ont tué 45 civils palestiniens et en ont blessé 77 autres lors de trois massacres contre des familles entre le 30 et le 31 juillet, selon des sources médicales. Ces sources ont indiqué que des milliers de victimes sont encore coincées sous les décombres et sur les routes, car les sauveteurs ne parviennent pas à les atteindre.

Mercredi 31 juillet, huit civils palestiniens ont été assassinés lors de raids violents israéliens ciblant la localité d’Al-Zawayda au centre de la bande de Gaza, selon l’agence de presse palestinienne WAFA. A l’est de la ville de Gaza, les quartiers d’Al-Zaytoun, Al-Shuja’iya et Al-Tuffah ont été soumis à d’intenses bombardements d’artillerie, qui ont fait de nombreux blessés, dont des enfants et des femmes. Au nord de la bande de Gaza, les zones à l’est de Jabaliya ont été soumises à d’intenses bombardements d’artillerie et à des explosions successives en plus de tirs des véhicules militaires de l’armée d’Israël. Par ailleurs, de nombreux blessés ont été admis à l’hôpital de campagne de la Croix-Rouge suite à des tirs de véhicules militaires de l’armée israélienne en direction des tentes des déplacés dans la zone d’Al-Mawasi, à l’ouest de Rafah.

Depuis le 7 octobre, l’armée israélienne a assassiné 39 445 palestiniens et fait plus de 91 073 blessés, selon les derniers chiffres de l’OCHA. Ce chiffre pourrait être largement sous-estimé, selon plusieurs études dont celle de the Lancet, qui estiment qu’en prenant en compte les corps ensevelis sous les décombres et les morts à venir résultant des blessures, des maladies et de la faim en raison de l’aggravation de l’insécurité sanitaire et alimentaire, ce bilan pourrait être jusqu’à quatre fois supérieur.

Deux journalistes assassinés

Le reporter d’Al Jazeera Ismail al-Ghoul et le photographe Rami al-Refee ont été assassinés mercredi 31 juillet lors d’une frappe israélienne visant leur véhicule, à proximité du camp d’Al-Shati à Gaza.

Ismail et Rami portaient des gilets de presse et leur voiture portait des signes d’identification lorsqu’ils ont été attaqués. Le média pour lequel ils travaillaient, Al-Jazeera, affirme qu’ils avaient appelé leur bureau 15 minutes avant l’attaque et signalé qu’une maison proche de leur lieu de reportage avait été frappée. Sur ordre de leur direction, ils quittaient la zone pour se mettre à l’abri à l’hôpital Al-Ahli Arab lorsqu’ils ont été tués.

Anas al-Sharif, journaliste d’Al Jazeera à Gaza, se trouvait à l’hôpital où les corps de ses deux collègues ont été amenés. « Ismail transmettait la souffrance des Palestiniens déplacés, la souffrance des blessés et les massacres commis par l’occupation [israélienne] contre les innocents de Gaza », a-t-il déclaré. « Il n’y a pas de mots pour décrire ce qui s’est passé. »

Le nombre de journalistes tués depuis le 7 octobre, dont la grande majorité sont palestiniens, est d’au moins 113 victimes, selon les données compilées par le Comité pour la protection des journalistes. Cette période a été la plus meurtrière pour les journalistes depuis que le Comité de protection des journalistes a été créé. Le mois dernier, le collectif international de journalistes « Gaza Project » avait mis en lumière de nombreux cas permettant de penser qu’Israël vise délibérément des journalistes en exercice de leur fonction.

« Cette dernière attaque contre les journalistes d’Al Jazeera s’inscrit dans le cadre d’une campagne systématique visant les journalistes de la chaîne et leurs familles depuis octobre 2023 », a déclaré Al-Jazeera dans un communiqué, ajoutant qu’elle comptait « mener toutes les actions légales pour poursuivre les auteurs de ces crimes « .

Les infrastructures sanitaires détruites ou débordées

L’OMS, l’UNICEF et l’UNRWA ont souligné cette semaine que les maladies transmissibles et les infections cutanées continuent de sévir à Gaza, alors que l’accès à l’eau et à l’assainissement est très limité. De même, la PCD a averti que le surpeuplement des personnes déplacées dans des zones dépourvues d’eau, d’hygiène et de système d’égouts a déjà entraîné la propagation de maladies, notamment de maladies de la peau chez les enfants. Bien qu’une surveillance précise et rapide des maladies soit impossible dans les conditions actuelles, au 7 juillet, l’OMS avait déjà enregistré près d’un million de cas d’infections respiratoires aiguës, 577 000 cas de diarrhée aqueuse aiguë, 107 000 cas de syndrome de jaunisse aiguë, 12 000 cas de diarrhée sanglante, ainsi que des centaines de cas présumés d’oreillons et de méningite. En outre, 103 385 cas de gale et de poux, 65 368 cas d’éruptions cutanées et plus de 11 000 cas de varicelle avaient déjà été enregistrés au 30 juin.

Entre le 7 octobre 2023 et le 22 juillet 2024, l’OMS a enregistré au moins 492 attaques sanitaires dans toute la bande de Gaza, touchant 109 établissements de santé, dont 32 hôpitaux, et 114 ambulances. Seuls 16 des 36 hôpitaux de l’enclave sont encore en service, et tous ont atteint un niveau de saturation catastrophique. Les soignants sont souvent contraints d’installer les nouveaux arrivants à même le sol, et doivent composer avec un accès très limité à l’électricité et aux médicaments essentiels.

Malgré ces circonstances, les efforts se poursuivent pour éviter la propagation de la polio après que six souches du variant circulant du poliovirus de type 2 (cVDPV2) ont été détectées dans des échantillons environnementaux provenant de Deir al Balah et de Khan Younis à la fin du mois de juin. Le directeur général de l’OMS, Tedros Adhanom Ghebreyesus, a annoncé que l’organisation enverrait à Gaza plus d’un million de vaccins contre la polio.

Gaza avait une couverture vaccinale de 99 % avant la guerre, un taux qui est maintenant tombé à 86 % en raison de la « décimation du système de santé, de l’absence de sécurité, de la destruction des infrastructures, des déplacements massifs et de la pénurie de fournitures médicales », a expliqué le directeur général de l’OMS. « Bien qu’aucun cas de polio n’ait encore été enregistré, sans action immédiate, ce n’est qu’une question de temps avant que la maladie n’atteigne les milliers d’enfants qui n’ont pas été protégés », a-t-il ajouté, soulignant que les enfants de moins de cinq ans sont à risque, “en particulier les nourrissons de moins de deux ans, car beaucoup n’ont pas été vaccinés au cours des neuf mois de conflit”.

Assassinat du chef politique du Hamas et risque d’escalade des tensions

L’annonce de l’assassinat du chef politique du Hamas Ismaïl Haniyeh a été confirmée dans la journée du 31 juillet. Celui-ci a été touché par une frappe aérienne alors qu’il s’était rendu à Téhéran pour assister à l’investiture du nouveau président irannien Massoud Pezeshkian.

« Le président de l’État de Palestine, Mahmoud Abbas, a fermement condamné l’assassinat du chef du Hamas, Ismaïl Haniyeh, qu’il considère comme un acte lâche et une grave escalade », a déclaré le bureau de Mahmoud Abbas dans un communiqué. Différents mouvements de résistance palestiniens ont également condamné cet assassinat. Les mouvements palestiniens en Cisjordanie, territoire occupé par Israël, ont appelé dans une déclaration commune à une grève générale et « des marches de colère ».

Lors d’un court discours diffusé le soir même, le Premier ministre Benjamin Netanyahu n’a pourtant pas évoqué la mort du chef du Hamas, revenant seulement sur la frappe israélienne qui a tué un haut responsable militaire du Hezbollah près de Beyrouth. Les États-Unis ont affirmé ne pas avoir été impliqués dans cet assassinat.

Le secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres a estimé que « les attaques que nous avons vues dans le sud de Beyrouth et à Téhéran représentent une dangereuse escalade à un moment où tous les efforts devraient au contraire mener à un cessez-le-feu à Gaza, à la libération des otages israéliens, une augmentation massive de l’aide humanitaire pour les Palestiniens à Gaza ».

Les dirigeants iranien et turc ont vivement condamné Israël l’assassinat du chef du Hamas et ont promis des conséquences. La Chine, l’Irak, le Pakistan, la Russie, et la Syrie ont mis en garde contre un risque de nouvelle déstabilisation de la région.

Cette annonce pourrait effectivement venir encore fragiliser l’équilibre de la région, alors que les tensions entre Israël et le Liban ont de nouveau atteint un point de rupture dimanche, après que 12 personnes ont été tuées par l’explosion d’un projectile tombé sur un terrain de jeu dans la ville de Majdal Shams, sur les hauteurs du Golan syrien occupé par Israël. Israël a accusé le Hezbollah d’avoir lancé le projectile, qui serait une roquette « lourde » de fabrication iranienne. Le Hezbollah a nié toute responsabilité et a déclaré que l’explosion était le résultat d’un dysfonctionnement d’une munition anti-missile israélienne.

Dans une déclaration publiée par la Commission Religieuse et Séculaire du plateau du Golan syrien occupé, les habitants ont déclaré qu’ils s’opposaient aux « tentatives d’exploiter le nom de Majdal Shams comme plate-forme politique, au prix du sang de nos enfants ».

« Sur la base de nos croyances arabes, islamiques et monothéistes, nous refusons qu’une seule goutte de sang soit versée au nom de la vengeance de nos enfants », ajoute le communiqué.

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