Dans un communiqué publié lundi 29 juillet, le ministère de la santé déclarait la bande de Gaza comme « zone d’épidémie de la polio », après la détection du poliovirus dans les eaux usées dans les régions de Khan Younès et dans les gouvernorats centraux de Gaza. Le ministère attribue cette recrudescence à la destruction des infrastructures sanitaires par l’armée israélienne, qu’il accuse d’avoir contribué à la résurgence du virus.
Par l’Agence Média Palestine, le 31 juillet 2024
La guerre d’Israël à Gaza a endommagé et détruit les réseaux d’égouts et d’eau, et les eaux usées se sont déversées dans les rues à proximité de certains camps de déplacés palestiniens. 70 % des pompes à eaux usées de Gaza ont été détruites, et pas une seule station d’épuration ne fonctionne. Ces conditions constituent un terrain idéal pour la propagation des maladies.
Dans l’ensemble de la bande de Gaza, plus de 39 000 personnes ont été tuées, 89 000 blessées et plus de 10 000 sont portées disparues. La plupart des hôpitaux ne sont plus en état de fonctionner : seuls 16 sur 36 sont encore en service, et sont largement saturés. Les maladies diarrhéiques, les infections respiratoires et l’hépatite A, entre autres, y font des ravages. Tous les habitants de Gaza, ou presque, sont confrontés à l’insécurité alimentaire aiguë et à la faim de manière catastrophique, et des milliers d’enfants souffrent de malnutrition, ce qui les rend encore plus vulnérables aux maladies.
La semaine dernière, les Nations unies ont signalé qu’outre la détection du virus de la polio, les cas d’hépatite A, de dysenterie et de gastro-entérite se sont multipliés à mesure que les conditions sanitaires se détérioraient dans la bande de Gaza. « Ce n’est que le début de la vague de maladies à laquelle la bande de Gaza va être confrontée », a déclaré le journaliste d’Al Jazeera Hind Khoudary, en provenance de Deir-al Balah, dans le centre de la bande de Gaza. « Les Palestiniens vivent dans des tentes de fortune, sans salle de bain, sans hygiène, sans accès à l’eau, sans assainissement. Les eaux usées sont omniprésentes », a-t-elle déclaré.
« Dans ce contexte désastreux, les agents de santé risquent leur vie pour soigner les gens, qu’il s’agisse de travailler sans électricité ou d’analyser des échantillons d’eaux usées pour détecter des maladies mortelles. Le fait que la poliomyélite ait été détectée à Gaza avant qu’une épidémie de poliomyélite paralytique ne se déclare à grande échelle témoigne de leurs efforts incroyables, étant donné que le système de surveillance de la maladie a été considérablement réduit en raison de l’insécurité. » déclare le directeur général de l’Organisation mondiale de la santé, Tedros Adhanom Ghebreyesus dans une tribune du Monde.
Six différentes souches du variant circulant du poliovirus de type 2 (cVDPV2) ont été détectées dans des échantillons provenant de Deir al Balah et de Khan Younis à la fin du mois de juin. Gaza avait une couverture vaccinale de 99 % il y a moins d’un an, mais ce taux est tombé à 86 % en raison de la « décimation du système de santé, de l’absence de sécurité, de la destruction des infrastructures, des déplacements massifs et de la pénurie de fournitures médicales », a expliqué le directeur général de l’OMS. « Bien qu’aucun cas de polio n’ait encore été enregistré, sans action immédiate, ce n’est qu’une question de temps avant que la maladie n’atteigne les milliers d’enfants qui n’ont pas été protégés », a-t-il ajouté, soulignant que les enfants de moins de cinq ans sont à risque, “en particulier les nourrissons de moins de deux ans, car beaucoup n’ont pas été vaccinés au cours des neuf mois de conflit”.
« La présence d’un poliovirus dérivé d’un vaccin dans les eaux usées signifie très probablement qu’il existe quelque part chez les gens », affirme Christian Lindmeier, porte-parole de l’OMS. « Mais encore une fois, environ 75% des personnes infectées par la polio ne présentent aucun symptôme. Cela signifie que le virus est très probablement présent dans la population, mais cela ne signifie pas nécessairement qu’il y ait une flambée de cas », avait-il ajouté, tout en soulignant le besoin d’ »une campagne de distribution de vaccins dans toute la bande de Gaza ».
Le directeur général de l’Organisation mondiale de la santé, Tedros Adhanom Ghebreyesus, alerte, dans sa tribune au « Monde » : « Faute d’action immédiate, ce n’est qu’une question de temps avant que la maladie n’atteigne les milliers d’enfants qui sont dépourvus de toute protection. Les enfants de moins de 5 ans sont exposés au risque, et en particulier les plus jeunes, de moins de 2 ans, car beaucoup n’ont pas été vaccinés au cours des neuf mois de conflit. (…) En l’absence d’un cessez-le-feu immédiat et d’une accélération considérable de l’aide humanitaire, notamment une campagne de vaccination ciblant les jeunes enfants, des personnes continueront de mourir de maladies évitables et de traumatismes pouvant être soignés. »
Le 25 juillet, le docteur Hanan Balkhy, directeur régional de l’OMS pour la Méditerranée orientale, convoquait une 11e réunion du sous-comité régional sur l’éradication de la poliomyélite et les flambées épidémiques. Cette réunion a rassemblé les ministres de la santé de toute la région de la Méditerranée orientale, les partenaires de l’Initiative mondiale pour l’éradication de la poliomyélite (IMEP) et l’UNICEF, afin de discuter collectivement des mesures décisives à prendre pour endiguer la flambée épidémique à Gaza.
Malgré les efforts et les campagnes de vaccination, les crises humanitaires et l’insécurité persistante ont empêché que le virus soit définitivement éradiqué dans le monde entier. Ces dernières années, la poliomyélite a été observée se répandre rapidement dans des endroits touchés par les conflits et l’instabilité, en Syrie, en Afghanistan et au Pakistan, paralysant de nombreux enfants. Les participants de la 11eme réunion du sous-comité régional sur l’éradication de la poliomyélite et les flambées épidémiques ont unanimement appelé à un « environnement sûr et favorable, par le biais d’un cessez-le-feu ou de jours de tranquillité, pour que des mesures puissent être prises afin d’empêcher la polio de paralyser les enfants de Gaza, ainsi que des régions et des pays environnants ».