Israël face au printemps arabe

Le Printemps Arabe provoque l’admiration et l’espoir aux quatre coins de notre planète, même si chez de nombreux dirigeants, une énorme hypocrisie accompagne leurs prises de position favorables.

Pour les peuples, cette révolution qui secoue la région arabe est a la fois la cause et la confirmation de l’échec patent de la guerre-globale-preventive-et permanente menée par les États Unis avec le soutien d’Israël et de nombreux autres États, dans une véritable stratégie de recolonisation du monde. Loin d’asseoir l’hégémonie de l’Empire et de renforcer sa domination sur les peuples arabes, et plus généralement sur le monde musulman, cette stratégie s’est soldée par la plus grave crise politique et militaire de l’impérialisme états-unien, depuis la déroute indochinoise. Suite a cette défaite, plusieurs régimes inféodes a Washington ont été balayes par un immense mouvement populaire et démocratique. Après avoir prêché la démocratie contre le fanatisme islamiste, les dirigeants occidentaux ne pouvaient pas ne pas saluer ce Printemps des peuples arabes, tout en pleurant, dans l’intimité de leurs salons, la chute de leurs fidèles allies.

L’état d’Israël se trouve, une fois de plus, en porte a faut par rapport au reste du monde. Si la première réaction a été une relative indifférence – « des histoires inter-arabes » – elle a très vite fait place a la panique. Les politiques israéliens, leurs conseillers des différents centres de renseignement et les « experts des questions arabes » qui lénifient dans les média et qui, une fois de plus, ont été totalement surpris par le cours des événements se sont trouves confrontes a un facteur qui ne tient que très peu de place dans leurs grilles de lecture: les masses. Ces experts connaissent les élites politiques, économiques et militaires, savent – ou croient savoir – évaluer la nature d’un gouvernement, l’efficacité d’une armée, la stratégie d’un parti politique ou la tactique d’un groupe arme, mais des lors qu’il s’agit des peuples, ils sont incapables de dépasser la perception colonialiste d’une « populace fanatisée et manipulée ».

Un grand mouvement populaire qui aspire a la liberté et a la démocratie ne pouvait que les prendre par surprise. La surprise est d’ailleurs ce qui a caractérisé la réaction des élites et des experts israéliens chaque fois que les peuples devenaient des acteurs – que ce soit la résistance libano-palestinienne a l’invasion de 1982, l’Intifada palestinienne en 1987, ou encore la Journée de la Terre en Galilée, le 30 Mars 1976.

La panique israélienne est justifiée car le Printemps des peuples arabes remet en question non seulement son appareil de propagande mais sa position stratégique dans la région. « Seule démocratie du Moyen Orient », telle a été la base idéologique du soutien international dont elle a longtemps jouit, du moins dans les Pays occidentaux pour qui le monde arabe n’était fait que de monarchies rétrogrades et de dictateurs corrompus, alors que l’État juif était perçu – a tord évidemment – comme un modèle de modernité et de démocratie, un îlot de civilisation au cœur de la jungle disait il n y a pas si longtemps encore, Ehoud Barak, talentueux pianiste, surtout dans un environnement de charniers.

Georges W Bush et ses amis néo-conservateurs israéliens avaient même élargi cette perception primitive et raciste de la planète : Israël comme rempart de la civilisation judéo-chrétienne contre la barbarie islamiste, avec un mur de huit mètres de haut qui séparerait les bons des mauvais et une guerre globale et préventive pour stopper les hordes sauvages islamistes. Mais les sauvages ont su mettre en échec les bombardiers de la civilisation et la recolonisation du monde s’est soldée par une déroute généralisée. Pour freiner leur déclin, les États Unis d’Amérique devaient changer leur fusil d’épaule. C’est le sens du discours du Caire de Barak Obama qui suggérait une nouvelle stratégie visant a remplacer l’idéologie raciste du choc des civilisations et la stratégie de guerre globale et préventive par une politique plus subtile qui, entre autre, devait prendre ses distances par rapport au moins populaires des dictateurs en place.

Le soulèvement démocratique des masses arabes, de la Tunisie jusqu’au Yémen, ne fait que renforcer cette nécessite de changement de politique. La politique coloniale et guerrière de l’État sioniste pourrait en faire les frais.

Ne rêvons pas : il ne s’agit pas de mettre fin a l’alliance stratégique qui lie Washington et Tel Aviv, mais plutôt d’obliger le gouvernement israélien a prendre d’avantage en considération les intérêts états-uniens, a un moment ou ceux-ci exigent de ne pas mettre de l’huile sur le feu de l’anti-impérialisme des masses arabes. C’est la que l’on comprend l’absence de chaleur – c’est un euphémisme – qui caractérise les relations entre le Président Obama et Benjamin Netanyahou, le plus extrémiste des néo-conservateurs qui débusque depuis un quart de siècle le terrorisme islamiste jusque dans chambre a coucher.

Les néoconservateurs israéliens espèrent une rapide redistribution des cartes et n’hésiteront pas une seconde a la provoquer. Ce n’est pas par hasard que les média locaux sont depuis quelques semaines alimentes par des informations sur le renforcement du potentiel militaire du Hezbollah au Liban et si quelques roquettes provenant d’organisations inconnues a Gaza font la une des journaux. Quand le monde arabe bouge, l’État d’Israël se doit de reprendre le contrôle de la situation, par la violence.

Pour l’instant la Maison Blanche a dit « non » a une offensive israélienne, mais, comme le répétait souvent Ariel Sharon, ce n’est pas toujours le chien qui bouge la queue. Il arrive aussi que la queue fasse bouger le chien.

Michel Warchawski

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