En hommage à Vittorio Arrigoni…

Le 15 février dernier, Geneviève Caré a photographié ce graff dans une rue de Ramallah.


Ci dessous également, un texte d’hommage à Vittorio, écrit quelques jours après son assassinat:

 

 

Tu vis parmi nous… Vittorio Arrigoni

 

Shahd Abusalama a écrit ce texte quelques jours après l’assassinat de Vittorio Arrigoni, le 15 avril 2011.

Cher Vittorio,

Entre les hauts et les bas, c’est ainsi que je suis depuis que tu es mort, Vittorio. Les moments de choc ne vont pas me quitter. C’est le cinquième jour depuis que tu as été tué. Quand j’ai entendu dire que tu avais été kidnappé, le 14 avril, nous étions juste en train de fêter le retour de mon frère Majed à la maison. Nous étions heureux que Majed soir revenu après 10 mois d’absence à voyager à travers l’Europe. Notre bonheur ne dura pas car papa a reçu un appel l’informant que tu avais été kidnappé environ une heure après l’arrivée de Majed. Je ne voulais pas le croire et j’ai crié ton sarcastique, en me tournant vers ma famille : « Impossible ! Et si c’est le cas, il serait à plaisanter avec ses ravisseurs en disant son mot fameux, mushkili ! » J’ai ri, essayant de cacher mon inquiétude afin de ne pas gâcher le bonheur de tout le monde pour Majed. Je t’ai appelé et j’ai vu que ton téléphone mobile était éteint. Et les battements de mon cœur ont commencé à s’accélérer.

J’avais déjà voulu t’appeler lors de la journée du 14 après que tu m’aies laissé un message dans la soirée du 13, disant que tu serais libre à 16 heures afin que nous puissions nous rencontrer et que je puisse peindre ton portrait. Ton téléphone était éteint. Je suis désolée d’avoir eu la pensée de te faire des reproches quand je finirai par te voir ou lorsque tu allumerai enfin ton mobile, et je pensais que tu m’avais oubliée. Je suis aussi désolée qu’il ne me soit pas venu à l’esprit qu’il y avait une possibilité que tu sois enlevé à Gaza même. Quoi qu’il en soit, cher Vittorio, je suis heureuse que tu te sois souvenu de moi et que tu n’aies pas oublié de m’apporter du chocolat, puisque je t’avais avoué une fois mon addiction au chocolat. Ce qui me rend aussi heureuse, c’est que tu ais voulu jusqu’au dernier jour de ta vie, que je peigne ton portrait.

J’ai maintenant fait ton portrait et je sais que tu souris, là-haut au paradis parce que je l’ai fait comme je l’avais promis. Toutefois, cette peinture que tu as toujours voulue, me met les larmes aux yeux à chaque fois que je pense que tu ne peux plus la voir. J’aurais voulu le faire pour toi au moment même où tu m’as demandé de le faire. Je dois dire que c’était en partie de ta faute. Pour être honnête, c’était ton humanité. Tu as parfois annulé des rendez-vous avec moi car tu voulais aller rendre visite aux familles de martyrs, victimes de la dernière attaque israélienne sur Gaza. Je me souviens du moment où tu m’as appelée, le 7 avril, un vendredi, et que tu m’as dit avoir retardé ton départ en raison de l’attente d’une nouvelle attaque israélienne contre Gaza, et que je ne devais donc pas me soucier de pouvoir terminer ce portrait avant ton départ. Je pense parfois en silence : « Peut-être si tu n’avais pas été aussi humain, et que tu ne te sois pas tant soucié des gens de Gaza, rien de ceci ne te serait arrivé, et tu serais maintenant en Italie, vivant ».

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Shahd Abusalama a terminé ce portrait 4 jours après que Vittorio ait été tué

Je sais que c’est le destin et que je ne dois pas penser de cette manière, mais c’est seulement parce que j’ai vécu un choc indicible avec ta mort. Je suis allée à ton enterrement essayant de réaliser ce qui s’était passé. J’ai essayé d’être forte pour toi, parce que pour un grand héros comme toi, je ne devais pas pleurer, mais au contraire célébrer ta vie merveilleuse, pleine de réussite et de courage. Cependant, parfois, mes larmes me trahissent. Mais, je te promets d’être forte et faire tout ce que tu aurais voulu que je fasse. Le troisième jour après ton enterrement, ta maman nous a directement appelés, et j’ai traduit son message en arabe. Ta mère est aussi grande que toi. Le chagrin de t’avoir perdu a uni les Palestiniens, et ce chagrin a réussi à faire que l’Italie et la Bande de Gaza chantent à l’unisson ta chanson préférée « Bella Ciao ».

Après que nous ayons fini de chanter cette chanson ensemble, j’ai parlé à ta maman, en lui assurant que, « même si votre fils Vittorio s’est tant préoccupé de la cause palestinienne, je sais que ses pensées allaient toujours vers sa famille à travers vents et marées. » Je me souviens combien j’ai été heureuse de célébrer ton anniversaire le 4 février, et je t’avais acheté un gâteau avant de me rendre chez toi. Je t’ai alors trouvé dans un état où je ne t’avais jamais vu, parce que tu savais que ton père était malade. Tu étais toujours fort et heureux. Tu rendais toujours tout le monde heureux autour de toi avec tes magnifiques sourires. Il a donc a donc été dur de te voir pleurer. Je t’ai serré contre moi et tu as pleuré sur mon épaule. J’ai dit à ta maman que tu avais ces moments de tristesse, car tu aurais aimé être là avec ta famille pour les soutenir et prendre soin de ton père.

Mon cher Vik, je veux que tu saches que ton corps nous a quitté mais que ton âme vivra pour toujours parmi nous. Je veux que tu sois sûr que tous ceux qui croient en toi et en la cause palestinienne poursuivront ton chemin. Je veux que tu saches que tu es pour nous un héros. Tu nous dis ce qu’est l’humanité parce que tu es l’humanité. Rester humain, c’est ce que tu as fait à chaque étape de ta vie. Vittorio, c’est toi qui a gagné, tu es le rêveur qui ne renonce jamais. Mon cher ami, repose en paix. Reste humain !

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* Shahd Abusalam est artiste, blogueuse et étudiante en littérature anglaise dans la bande de Gaza.
« Mes dessins ainsi que mes articles sont ma façon de transmettre un message, et le plus important pour moi est d’élever la conscience de la communauté internationale au sujet de la cause palestinienne. Je suis très intéressée à saisir les émotions des gens, les images de ma patrie, la force de mon peuple, de sa détermination, de sa lutte et de sa souffrance. »

 

Source: Info-PAlestine

 

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