Des médecins israéliens accusés de complicité de torture

De nombreuses questions ont été soulevées au sujet de l’implication de docteurs israéliens dans la torture présumée d’un jeune détenu Palestinien décédé en détention le mois dernier.

 

Par Sharmila Devi , 9 mars 2013

La mort d’un détenu palestinien dans des circonstances contestées dans une prison israélienne a relancé la controverse de longue date au sujet des allégations de complicité de torture par des médecins et renouvelé la colère palestinienne à propos des 4600 prisonniers estimés détenus par Israël. L’ Association Médicale Israélienne (IMA) a nié que des professionnels médicaux aient été impliqués dans des tortures ou abus et a déclaré qu’à sa connaissance, la torture n’était pas approuvée ou utilisée par les forces de sécurité ou prisons israéliennes. Cependant, les défenseurs des droits de l’Homme déclarent que les prisonniers palestiniens souffrent depuis longtemps de passages à tabac, privations de sommeil, menottages prolongés et douloureux, humiliations et de négligence médicale – considérés comme de la torture selon les standards internationaux.
Arafat Jaradat, un pompiste de 30 ans, père de deux enfants, a été arrêté le 18 février parce qu’il était soupçonné d’avoir jeté des pierres et des cocktails Molotov durant une manifestation contre l’action militaire israélienne dans la bande de Gaza qui s’est déroulée en Cisjordanie en novembre dernier. Les palestiniens déclarent que son arrestation et son interrogatoire, des mois après la manifestation, font partie d’une ancienne politique israélienne visant à forcer les prisonniers à devenir des informateurs après leur libération.
Les leaders palestiniens déclarent que quelques 800 000 palestiniens ont été détenus par les forces israéliennes depuis 1967, et que Jaradat a été le 203ème prisonnier à mourir. Il est décédé, après plusieurs jours d’interrogatoire menés par les services de sécurité interne du Shin Bet israélien, le 23 février à la prison israélienne de Megiddo. Une autopsie a été pratiquée le jour suivant à l’Institut médico-légal d’Israël, en présence de Saber Aloul, le pathologiste en chef de l’autorité palestinienne, qui a déclaré que des traces de coups sur le corps était la preuve de torture.
Le ministère de la santé israélien a déclaré le 28 février, après examen de nouvelles découvertes suite à l’autopsie, qu’il n’y avait pas de preuve démontrant que Jaradat ait subi des abus physiques ou ait été empoisonné, et qu’il n’était pas non plus possible de déterminer la cause de sa mort.
Les autorités israéliennes avaient initialement attribué sa mort à une crise cardiaque et déclaré que les bleus et côtes cassés étaient « des signes caractéristiques d’une réanimation, celle que l’équipe médicale du Service de la Prison Israélienne et Magen David adom (équivalent de la croix rouge israélienne ndlt) a pratiqué pendant 50 minutes en tentant de sauver sa vie. » Des échantillons supplémentaires prélevés sur le corps étaient toujours le fruit d’analyses microscopiques et toxicologiques et les résultats n’étaient pas attendus avant plusieurs semaines.
«  Les signes apparus lors de l’autopsie montrent clairement qu’il a été soumis à de violentes tortures ayant directement entrainé sa mort »,  a déclaré Issa Qaraka, Ministre palestinien des affaires relatives aux prisonniers, lors d’une conférence de presse tenue à Ramallah, après s’être entretenu avec le pathologiste palestinien ayant assisté à l’autopsie. Kamil Sabbagh, avocat de Jaradat, avait dit à un juge militaire israélien deux jours avant la mort de son client, qu’il était forcé à s’asseoir durant de longues périodes d’interrogatoire, s’était plein de douleurs dorsales, et semblait terrifié à l’idée de retourner dans le centre de détention du Shin Bet dans lequel il était emprisonné. Le juge a ordonné un examen par un docteur de la prison. Jaradat est mort à la prison de Megiddo alors qu’on ignorait à quel moment il y  avait été transféré .
Dereck Summerfield, Maître de conférence honoraire à l’Institut de psychiatrie de l’Université de Londres, engagé dans la lutte contre ce qu’il appelle les violations des droits de l’homme par les médecins israéliens, a déclaré qu’il voulait connaître le rôle joué par les docteurs dans les circonstances de la mort de Jaradat. « Selon les propres dires d’Israël, Jaradat a été vu par des docteurs israéliens deux jours plus tôt et ils l’ont déclaré en bonne santé. La question médical éthique principale est pour quoi ces docteurs l’ont examiné, sinon pour vérifier s’il pouvait supporter la torture » a-t-il dit à The Lancet. « C’est précisément ce pourquoi la campagne concernant la complicité médicale avec la torture en Israël a été lancée en 2009 et continue d’être mise en œuvre. »
L’IMA a déclaré  dans un communiqué : « L’IMA s’oppose avec véhémence à la revendication selon laquelle des professionnels médicaux sont impliqués dans des actes de tortures ou d’abus, et nous allons continuer à faire tout ce qui est possible avec les moyens à notre disposition, pour informer les médecins de leur obligation de dénoncer et de se conduire de façon appropriée. »
L’IMA et les organisations de défense des droits de l’Homme ont appelé à ce que la responsabilité de la santé des prisonniers soit retirée au Service de Prison d’Israël (IPS) et transférée à une entité extérieure telle que les organisations de maintien de santé (HMO) ou le Ministère de la santé, qui a mis en place il y a un an un comité permanent auquel les médecins peuvent rapporter les soupçons de torture. « Il est vrai que chaque docteur fait face a un conflit d’intérêt entre le patient et le système dans les HMOs et aussi dans l’armée », a déclaré Avinoam Reches, à la tête du bureau d’éthique de l’IMA, au journal Ha’aretz. « Mais dans le cas du IPS, le problème est grave car le traitement est donné à des personnes qui n’ont aucune liberté de choix quoiqu’il en soit. »
Les Palestiniens et les groupes de défense des droits de l’Homme demandent une enquête indépendante sur la mort de Jaradat.

Traduction : Julie V. et Michèle S. pour l’Agence Média Palestine

Source en anglais

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