En Palestine, pouvoir étudier à l’étranger est un combat pour la liberté Par Fatima Masri Le rêve d’Albaraa Kefaya allait devenir réalité le jour où l’université de Berckley en Californie l’a accepté comme stagiaire. Le visa des États-Unis en poche, il s’est rendu à la frontière jordanienne et s’est rendu compte qu’une alerte avait été émise contre lui. L’étudiant en école d’ingénieur, âgé de 25 ans, est considéré comme une menace par l’État d’Israël étant donné ses liens présumés avec le Hamas, le mouvement islamique de libération. Il récuse le fait d’avoir été impliqué dans un quelconque mouvement politique ; cependant, de telles suppositions l’avaient déjà envoyé en prison deux fois, en 2007 et en 2011. Aujourd’hui, il est emprisonné entre de plus grands murs : la Cisjordanie sous occupation. La lutte d’Albaraa pour poursuivre des études supérieures à l’étranger est le résultat de politique la délibérée et systématique d’Israël de limiter la liberté de mouvement. Selon les statistiques relevées par Euro-Mid Human Rights Organization (Euro-Mid), les autorités israéliennes empêchent chaque année plus de 4000 personnes de quitter la Cisjordanie, ce qui représente une moyenne de 83 cas par semaine. La Convention Internationale des Droits Civils et Politiques (International Convention of Civil and Political Rights, ICCPR) souligne que personne ne peut être empêché arbitrairement de quitter son propre pays, spécifiant que cette définition s’applique également aux territoires Palestiniens occupés. Bien qu’Israël ait à la fois signé et ratifié la convention, il viole régulièrement ses obligations internationales, partant du principe que chaque Palestinien représente une potentielle menace sécuritaire. « Si je suis une menace pour Israël, pourquoi ne me laissent-ils pas partir loin d’ici ? » soutient Albaraa. En Mai, les espoirs se sont ravivés suite à la proposition Israélienne de parvenir à un accord, sous l’impulsion d’une intervention du Centre pour la Défense des Individus (HaMoked). L’accord stipule qu’il pouvait quitter le pays, à condition qu’il ne retourne pas en Palestine avant trois ans. En dépit du fait que son stage a Berkeley devait durer seulement trois mois, Albaraa avait signé le contrat. Dès son arrivée à Amman, il fut interrogé par les autorités jordaniennes et détenu dans une pièce pendant dix heures, menotté et les yeux bandés. « Ils m’ont demandé pourquoi j’avais été en prison, puis m’ont retiré mon passeport, disant que je ne méritais pas d’avoir un passeport jordanien car j’avais été condamné par les Israéliens », raconte-t-il. De nouveau, il fut renvoyé en Cisjordanie, privé de sa seconde nationalité et l’objet d’une nouvelle vague d’humiliations. Le 8 Juillet, Albaraa Kefaya a été convoqué par les renseignements israéliens pour une interrogation à la prison d’Ofer, près de Ramallah. Il soutient que les israéliens ont devant lui admis leur responsabilité pour le traitement qui lui a été infligé en Jordanie. « De cette façon, Israël pense pouvoir sauver les apparences et préserver son image à l’extérieur », explique-t-il. Battre constamment le chaud et le froid s’inscrit dans une stratégie indéfendable mais adoptée par Israël, pour élargir son réseau d’informateurs à l’intérieur des Territoires Palestiniens. Albaraa n’est pas disposé à accepter le chantage : « A Ofer, les renseignements Israéliens m’ont demandé de devenir ’leur ami’. Ils m’ont dit que si j’acceptais, ils me laisseraient partir, mais jamais je ne ferai cela. Certaines personnes croient qu’il s’agit de leur seule option, mais en vérité si vous êtes espion vous devenez important pour eux et ils ne vous laisseront jamais partir. » L’ICCPR exige qu’Israël maintienne des conditions de vie normales pour les résidents des territoires occupés. Malgré cela, l’organisation de défense des droits de l’homme B’tselem soutient que la liberté de mouvement en Palestine n’est « pas un droit, mais un privilège qu’Israël peut accorder ou refuser comme bon lui semble ». L’Autorité Palestinienne (AP) dispose du droit de délivrer des cartes d’identité pour les résidents dans les territoires occupés, comme convenu dans les accords d’Oslo. Cependant, Israël garde le contrôle sur la liberté de mouvement des Palestiniens, et l’AP n’a pas le pouvoir d’intervenir au nom de ses administrés. Albaraa a une seule demande à faire aux israéliens : « Laissez-moi voir le monde », implore-t-il. Si sa vie devient comme celle de son père, tout ce qu’Albaraa connaîtra sera la Cisjordanie. Et la Californie restera un rêve jamais réalisé. Source: 20 août 2013 - The Palestine Monitor Traduction: Info-Palestine - Clémence