Libérez Marwan Barghouti. Il peut être le Nelson Mandela palestinien (The Guardian)

Si Israël croit sérieusement à la paix, il libérera Barghouti – le seul homme vraiment apte à négocier un accord.

 

Martin Linton

theguardian.com, vendredi 28 mars 2014 11 H.30 GMT

 

Graffiti du prisonnier palestinien, leader du Fatah, Marwan Barghouti, à Kalahdia en Cisjordanie, entre Jérusalem et Ramallah : Bernat Armangue : AP

 

 

La mort de Nelson Mandela nous rappelle que le premier pas vers la résolution d’un conflit est souvent la libération d’un leader national qui a l’autorité nécessaire pour unir, négocier et aboutir à une solution.

 

Marwan Barghouti est en prison depuis le 15 avril 2002 où les agents de sécurité israéliens, déguisés en ambulanciers, l’ont arrêté en plein jour et emmené en Israël. En 2004, il a été déclaré coupable de cinq meurtres par un tribunal israélien, meurtres qu’il a toujours niés.

 

Malgré presque 12 ans derrière les barreaux, Barghouti reste l’homme politique le plus populaire en Palestine, capable, selon des votes récents, de battre à la présidentielle le président Mahmoud Abbas et son rival du Hamas Ismaïl Haniyeh.

 

Beaucoup croient qu’il pourrait sortir de prison, se présenter à l’élection présidentielle, unifier les factions palestiniennes, négocier un contrat, le présenter à son peuple, gagner leur soutien, puis présider un processus de « vérité et réconciliation » dans un pays nouvellement indépendant.

 

Avec la dernière tranche de libération de prisonniers, prévue pour samedi selon les accords de paix, et la fin de ces rencontres prévue dans un mois (le 29 avril), ce pourrait alors être le geste théâtral capable de sauver les négociations d’un échec total. Abbas a proposé de les prolonger un peu, mais seulement si Barghouti et 12 autres prisonniers politiques étaient libérés.

 

Même Shimon Peres, alors qu’il briguait la présidence d’Israël, avait déclaré qu’il signerait la grâce de Barghouti. Finalement, la Knesset n’a jamais approuvé sa grâce à cause de l’opposition véhémente de ministres tels que Silvan Shalom qui a dit : « Il est hors de question de libérer un assassin qui a du sang sur les mains et a été dûment jugé par un tribunal. »

(photo) Photographe : Eitan Hess-Ashkenazi/AP

Mais si jamais on doit parvenir à la paix, Israël devra reconnaître que Barghouti était un chef politique, pas militaire, qu’il n’a jamais porté d’armes et qu’il s’est toujours opposé aux actions contre des civils israéliens, tout en défendant le droit des Palestiniens à la résistance.

 

Une campagne internationale a été lancée pour la libération de Barghouti et des 4.227 prisonniers politiques palestiniens enfermés dans les prisons israéliennes. Elle est soutenue par tous les partis du parlement palestinien, Fatah et Hamas pour une fois unis, et par la majorité écrasante des Palestiniens.

 

Cette campagne a été lancée, depuis l’ancienne cellule de Mandela, par le vieux politicien Sud-Africain Ahmed Kathrada qui avait amorcé la première campagne de Libération de Mandela dans les années 60, avant d’être lui-même emprisonné et avoir passé 18 ans à Robben Island avec Mandela.

 

La semaine prochaine, il sera à Londres pour exhorter les prisonniers politiques britanniques à signer la « déclaration de Robben Island » aux côtés de l’archevêque Desmond Tutu, de l’ancien Premier ministre John Bruton, du prix Nobel de la Paix Mairead Corrigan Maguire, de la militante politique Angela Davis et de beaucoup d’autres.

 

Il serait facile pour les politiciens britanniques de se saisir de l’argument principal pour sa libération : non parce qu’il serait innocent (bien qu’il puisse l’être), ni parce que son arrestation était illégale (elle l’était assurément), mais parce qu’il est le seul apte à négocier un accord de paix.

 

Les Britanniques emprisonnèrent en 1942 le Mahatma Gandhi et Jawaharlal Nehru, mais en 1944, ils libérèrent Nehru qui, deux ans plus tard, négociait l’indépendance de l’Inde. Et en 1947, il devenait le Premier ministre d’une Inde indépendante.

 

Au Kenya, Jomo Kenyatta fut mis en prison par les Britanniques en 1952 et libéré en 1961. Un an plus tard, les Britanniques négociaient l’indépendance avec lui et, en 1963, il devenait Premier ministre d’un Kenya indépendant.

 

En Afrique du Sud, Mandela, libéré en 1990, négociait quelques mois après l’indépendance avec ses ravisseurs. Quatre ans seulement séparèrent sa cellule du palais présidentiel et maintenant, on espère que Barghouti, âgé de 54 ans, puisse faire de même.

 

Entre août 2013, un mois après le début des négociations, et février 2014, 34 Palestiniens ont été tués et 1.535 blessés (durant la même période, 3 Israéliens sont morts et 53 blessés).Dans le même temps, 10.509 logements construits dans les colonies illégales ont été approuvés par les autorités israéliennes. Comment s’étonner que les Palestiniens ne veuillent pas poursuivre les négociations dites « de paix » ?

Alors que la date limite du 29 avril approche, les Israéliens prouveraient leur intérêt pour la paix en prenant une initiative vraiment audacieuse. S’ils libèrent Barghouti, le monde reconnaîtra qu’ils sont sérieux. S’ils refusent, beaucoup concluront qu’ils ne le sont pas.

Traduction : J.Ch

Source: http://www.theguardian.com/commentisfree/2014/mar/28/release-marwan-barghouti-palestines-nelson-mandela

 

 

 

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