Un politicien de droite tente de fermer le théâtre palestinien de Haifa

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Le théâtre al-Midan de Haifa est critiqué depuis qu’il programme des pièces en hébreu. (Oren Ziv / ActiveStills)

La seule compagnie théâtrale palestinienne totalement professionnelle dans l’actuel Israël est menacée de fermeture par la campagne d’un homme politique de droite.

Le théâtre al-Midan de Haïfa a obtenu un court sursis après le gel de ses subventions principales par la municipalité. Une première mesure prise par la commune pour bloquer son compte bancaire, qui avait empêché de payer le personnel, a été apparemment annulée, selon un porte-parole du théâtre.

Cependant, le gel d’autres subventions par la municipalité empêche le théâtre de payer les fournisseurs et les activités programmées seront très vite menacées.

Les subventions auraient été retirées après qu’un membre du conseil municipal, Shai Blumenthal, du parti sioniste de droite Habayit Hayehudi (le Foyer juif) a affirmé qu’une pièce jouée à al-Midan était inspirée d’une histoire écrite par un militant condamné pour le meurtre d’un soldat israélien en 1984.

La version des faits de Blumenthal a été relayée par la presse israélienne avec des titres comme « Haifa reconsidère les subventions versées au théâtre arabe qui glorifie un terroriste »

Adnan Tarabshe, le directeur du théâtre, a fait remarquer que la pièce en question (Le temps parallèle de Bashar Murkus, 22 ans, diplômé de la faculté de théâtre de l’Université de Haifa) a été programmée pour la première fois à al-Midan début 2014 et jouée 26 fois depuis.

Selon Al-Monitor, Tarabshe a déclaré : « La pièce est bien loin des clichés sur les actes, considérés comme héroïques ou non, des détenus des prisons de haute sécurité israéliennes. Nous ne sommes même pas entrés dans ces sujets. Nous nous sommes uniquement interrogés sur la façon dont les gens vivent leur quotidien en prison. On nous a déjà demandé de jouer la pièce en France et en Angleterre ».

Tarabshe a aussi fait remarquer que Shai Blumenthal a admis au journal israélien Haaretz n’avoir jamais vu la pièce qui, selon Al-Monitor, parle de « la vie de six détenus et d’un gardien dans une prison israélienne ».

« L’un des détenus, un musicien, obtient la permission des autorités pour se marier. Pour l’occasion, se codétenus lui préparent en secret une fête de mariage. Ils prévoient même de fabriquer un instrument, un oud, pour lui offrir. Dans l’ensemble, la pièce parle de la fabrication de l’oud, des problèmes qui en découlent et des manœuvres nécessaires pour faire entrer les cordes et d’autres matières premières dans la prison ».

Une question déjà réglée?

Curieusement, Blumenthal est aussi le conseiller qui a été nommé pour diriger la commission qui examine le dossier d’al-Midan en raison de son soutien présumé à un prisonnier condamné. Eppie Bat-Ilan, une écrivaine israélienne qui soutient le théâtre, a dit à The Electronic Intifada que les membres du théâtre craignent que la commission (qui doit se réunir demain pour rendre ses conclusions d’ici la fin du mois) soit inutile et que le retrait des subventions de la municipalité ait déjà été décidé.

Ils craignent également que des artistes professionnels de Haifa invités à participer à la commission s’y refusent pour ne pas être considérés complices de la fermeture d’al-Midan.

En attendant, Adnan Tarabshe maintient que Walid Daka, sur qui se fondent les allégations de Shai Blumenthal, fait seulement partie des prisonniers qui ont été interviewés sur leur vie dans une prison israélienne pour les besoins de la pièce et qui ont inspiré les personnages de sa version finale.

Le dramaturge Bashar Murkus a laissé entendre à Al-Monitor que l’inquiétude de la municipalité de Haifa concernant la pièce tient au fait que « Daka, malgré ce qu’il a commis, est une personne intéressante. Le simple fait qu’il ait très bien réussi en prison en tant qu’écrivain et qu’il réfléchisse à l’avenir effraie ceux qui ne veulent pas en entendre parler ».

Tarabshe soulève la possibilité que la tentative de porter atteinte à al-Midan ait des causes plus profondes que cette simple pièce.

Il croit que c’est la faute à « l’atmosphère anti-démocratique dans laquelle nous vivons en Israël », a-t-il dit à Al-Monitor.

Al-Midan a déjà été attaqué par des voix conservatrices en Israël auparavant, quand il a programmé la pièce Mon nom est Rachel Corrie, basée sur les écrits personnels de la militante pacifiste américaine. Et en 2009 les organisateurs d’une cérémonie commémorative en l’honneur de George Habash, le défunt dirigeant du Front populaire de libération de la Palestine, ont été contraints d’annuler l’évènement prévu à al-Midan.

Et même si les subventions de la municipalité sont vitales pour l’avenir du théâtre, sa situation financière a toujours été précaire et Adnan Tarabshe, le directeur, a dû souvent travailler sans percevoir de salaire.

Alarmés par le succès?

Mais Eppie Bat-Ilan a laissé entendre à The Electronic Intifada qu’il y aurait encore une autre raison.

Shai Blumenthal, souligne-t-elle, a déjà essayé de fermer Al-Midan. En février, il s’est opposé à un festival du film palestinien hébergé par le théâtre. Comme cela n’a pas fait assez de bruit, suggère-t-elle, il a choisi un motif plus émotionnel.

Mais pourquoi? Eppie Bat-Ilan soupçonne, ainsi que d’autres personnes proches du théâtre, dont l’actrice palestinienne renommée Salwa Nakkara, qui est aussi la directrice artistique d’al-Midan, une réaction de racistes israéliens alarmés par le succès d’al-Midan.

Des acteurs célèbres tels que Saleh Bakri et Clara Khoury, qui sont maintenant connus mondialement, ont fait leur début de carrière à Al-Midan. Et tout en étant un lieu artistique, al-Midan est une ressource vitale pour la communauté palestinienne de la région de Galilée.

De plus, al-Midan a produit sa première pièce en hébreu en septembre 2014. « On ne se fera pas entendre sans l’hébreu », a dit à l’époque Salwa Nakkara. « A notre grand regret, Israël n’a pas encore réalisé l’importance de comprendre la langue arabe ».

Al-Midan et le théâtre el-Hakawati de Jérusalem ont tous les deux été critiqués à partir du moment où ils ont commencé à programmer des pièces en hébreu, donnant ainsi l’occasion à un public israélien plus large d’entendre la voix et les récits des Palestiniens.

La raison réelle de cette campagne contre le théâtre, selon Eppie Bat-Ilan, serait « la crainte que les Arabes y soient présentés comme des êtres humains ».

Traduction: E.C pour l’Agence Média Palestine

Source: Electronic Intifada

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