Par Alaa Tartir, 4 juillet 2016
La semaine dernière, le Quartet pour le Moyen Orient a publié un rapport pressant les dirigeants politiques palestiniens et israéliens de prendre des mesures pour sauver la voie vers la solution à deux États.
Une lecture critique de ce rapport montre pourquoi les efforts pour arriver à une solution à deux États ont échoué depuis deux décennies. Le rapport est plein de biais, d’affirmations problématiques, de recommandations mal informées et de représentations déformées de la réalité, caractéristiques des institutions internationales comme le Quartet, qui ont enraciné le statu quo d’injustice, d’occupation militaire et de violence.
Des lecteurs objectifs du dernier rapport du Quartet peuvent être facilement perturbés : est-ce le rapport d’une entité internationale ou d’un ministre israélien ou d’un think tank basé à Tel Aviv ? Le postulat central de ce rapport est que ce sont « le terrorisme palestinien et l’incitation à la violence » qui sont responsables de l’insécurité en Israël et du blocage politique.
Le rapport construit son « analyse » sur un jeu d’affirmations fausses et invraisemblables. Par exemple il affirme que Netanyahou soutient l’objectif de deux États vivant côte à côte en paix et en sécurité ; et que la majorité des gens des deux côtés soutiennent toujours la solution à deux États.
Est-il possible que les représentants du Quartet n’écoutent pas les leaders politiques et militaires israéliens de gauche comme de droite qui ne cessent de dire clairement leur rejet de la solution à deux États ? Pas plus tard que l’an dernier, à la veille des élections israéliennes, Netanyahou a dit non à un État palestinien. Lors de ces élections, l’électorat israélien a élu 78 membres de la Knesset opposés à la solution à deux États. En mai 2016, Netanyahou a rejeté l’initiative française pour la paix qui est aussi basée sur le cadre de la solution à deux États. En juillet 2016, Netanyahou a annoncé une nouvelle extension des colonies en Cisjordanie occupée dans un projet de colonisation qui rend impossible une solution à deux États.
Our ce qui est des Israéliens eux-mêmes, une récente enquête du centre de recherche Pew a révélé que seuls 43% des Israéliens juifs pensent « qu’une voie peut être trouvée pour une coexistence pacifique entre Israël et un État palestinien indépendant ». Une majorité (62%) de ceux qui se disent politiquement à droite en Israël dit qu’une solution à deux États n’est pas possible.
Concernant les Palestiniens vivant en Cisjordanie et Gaza occupées, près de 50 ans sous l’occupation israélienne les ont amenés à abandonner l’espoir. Selon une enquête de juin 2016 effectuée par le Centre Palestinien de recherches et d’enquêtes politiques, seuls 29% s’attendent à une réussite de l’initiative française, 56% soutiennent l’abandon de l’accord d’Oslo et 57% croient que la solution à deux États n’est plus viable. Quant aux six millions de Palestiniens vivant dans des camps de réfugiés et en exil, personne ne les a consultés ni questionnés sur ces sujets.
Les perceptions du Quartet sont aussi problématiques lorsqu’il est question de l’incitation à la violence. Le taux de responsabilité affecté au côté palestinien est quatre fois plus élevé que le celui affecté à Israël, dans l’incitation à la violence. Quatre paragraphes ont été consacrés dans le rapport à parler de l’incitation palestinienne à la violence, contre un paragraphe pour Israël, dans une illustration claire de l’absence de neutralité. L’incitation israélienne à la violence raciste, fondamentaliste et violente est presque passée inaperçue aux yeux des représentants du Quartet. Cela n’est certainement pas dû à un manque d’évidence, mais à une conception méthodologique particulière et à l’absence d’une volonté politique destinée à tenir Israël et sa direction responsables.
Même si vous suivez la logique du Quartet, si la violence depuis octobre 2015 en Palestine-Israël est mutuelle, pourquoi la violence palestinienne est-elle appelée « attaques terroristes » et pourquoi la violence israélienne ne l’est pas ? Quelle est la justification, si tant est qu’il y en ait une, pour une telle désignation et quelle sorte d’objectifs politiques sert-elle ?
De même, le Quartet argumente que l’accumulation d’armes illicites du Hamas et son activité militante sont responsables de l’échec de la solution à deux États : où en est, alors, la preuve du point de vue politique ? Pourquoi aucune des preuves qu’Israël a eu l’initiative de trois attaques majeures sur Gaza n’est-elle prise en compte? Cette affirmation est dangereuse parce qu’elle pourrait offrir une occasion en or à Israël de lancer une autre guerre sur Gaza.
En outre, quand les représentants du Quartet se décideront-ils à écouter plus attentivement les leaders du Hamas et à porter attention aux changements radicaux intervenus au cours de la dernière décennie ? Le Quartet devrait prendre très au sérieux ce que disent Jimmy Carter et Mary Robinson de la nécessité de reconnaître le Hamas en tant qu’acteur politique légitime, et acter le fait qu’il est temps de « faire affaire » avec le Hamas si le Quartet est intéressé à une paix inclusive.
Le rapport aborde la terrible situation humanitaire à Gaza et du siège de ses 2 millions d’habitants dicté par la politique, dans un sens remarquablement apolitique qui met de côté la construction politique d’une telle « crise humanitaire » et, bien sûr, la complicité de la communauté internationale dans son soutien. Le rapport félicite, au contraire, le gouvernement israélien d’avoir levé certaines restrictions au blocus du fait de la pression du Quartet, ce qui est ironique et très égoïste.
Le rapport déplore le manque d’unité des Palestiniens et considère que c’est un facteur supplémentaire d’échec de la solution à deux États. C’est surréaliste puisque c’est le Quartet et la communauté internationale qui ont ancré cette division via leur déni des résultats des élections palestiniennes démocratiques d’il y a dix ans.
Tandis que le Quartet admet que l’expansion des colonies juives israéliennes est un obstacle à la solution à deux États, il omet de reconnaître que cette expansion est clairement en violation du droit international et pourrait être qualifiée de crime de guerre.
Établir les faits correctement et soutenir le droit international devraient être les caractéristiques de base de toute entité qui prétend à une représentation mondiale. Faute de quoi, la légitimité de tels organismes continuera à s’effriter.
Le Quartet pour le Moyen Orient n’est qu’un négociateur malhonnête. Son approche et sa compréhension biaisée de la réalité ne rapprocheront en rien de la paix. Elles la rendront simplement impossible.
Si le Quartet et la communauté internationale sont réellement intéressés à une paix véritable, juste et durable entre Palestiniens et Israéliens, il faut qu’ils quittent leur zone de confort, qu’ils aient une écoute plus attentive de la société civile et qu’ils commencent à s’atteler aux questions difficiles, dont la première porte, avant tout, sur comment mettre fin à l’occupation israélienne, premier pas vers l’égalité pour tous.
Le Dr Alaa Tartir est le directeur de programme de Al-Shabaka: The Palestinian Policy Network. Il est chercheur post doctoral de l’Institut d’études avancées du Centre sur le Conflit, le Développement et la Construction de la Paix. Tartir sur Twitter @alaatartir
Les points de vue exprimés dans cet article sont ceux de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement la politique éditoriale de Middle East Eye.
Traduction: SF pour l’Agence Media Palestine
Source: Middle East Eye