Cent ans, et toujours d’actualité : la Grande-Bretagne, Balfour, et la répression culturelle des Palestiniens

Par Aimee Shalan – 26 octobre 2016

Palestinians take part in Palestinian Heritage day festival in the West Bank city of Hebron on October 07,2010. the festival was organized by Hebron rehabilitation committee and this festival is a part of Amar Ya Baladna camping to support the old city of Hebron. Photo by Najeh Hashlamoun
Photo : Najeh Hashlamoun

Vue d’ensemble

Si la poétesse palestinienne Dareen Tabour s’écarte du périmètre de l’allée de sa maison, dans son village de Reineh en Galilée, alors une alarme retentit chez G4S, une multinationale britannique de services de sécurité, et les autorités israéliennes vont être alertées. C’est le 11 octobre 2015 que la police israélienne arrête Tabour, aux premières heures du jour, pour son poème, « Qawem ya sha‘abi qawemhum » (« Résiste mon peuple, résiste-leur ») qui a été posté sur son compte YouTube plus tôt ce même mois. Le 2 novembre, Israël l’accuse d’incitation à la violence et de soutien à une organisation terroriste.

En janvier 2016, après trois mois de prison, Tatour est placée en résidence surveillée près de Tel Aviv, loin de son village. Après une longue lutte, l’accusation admet, en juillet, qu’elle doit être détenue dans sa maison familiale. Pendant l’instruction de son dossier, elle va rester en résidence surveillée et sous la surveillance de G4S, étant une « menace » pour la sécurité d’Israël (1).

Une telle complicité des Britanniques dans l’agression culturelle des Palestiniens n’est pas un phénomène récent. On peut dire qu’elle prend ses racines dans la Déclaration Balfour de 1917, laquelle, en appelant à l’établissement d’une nation pour le peuple juif sans tenir guère compte de l’existence des Palestiniens habitant le territoire en question, va déclencher le processus de la dépossession, de l’exil, et de la fragmentation sociale et culturelle, processus qui se poursuit encore aujourd’hui. Et ce n’est là que le début d’une démarche britannique à l’endroit du peuple palestinien qui va réprimer sa culture et son histoire.

En effet, aujourd’hui encore, alors qu’Israël investit des ressources financières considérables pour promouvoir internationalement sa production culturelle, le Royaume-Uni prend des mesures visant à censurer l’expression et la créativité culturelles palestiniennes. Allant de l’implication d’entreprises privées comme G4S dans la détention de Tatour à son domicile, jusqu’à des initiatives ministérielles afin de faire obstacle au boycott culturel et d’étouffer le débat académique, tout en refusant fréquemment les visas britanniques aux artistes et éducateurs palestiniens, les actions répressives de la Grande-Bretagne apportent leur aide à Israël en soutenant son récit unilatéral sur la situation – un récit qui aide Israël à poursuivre son occupation du territoire palestinien et à renforcer son régime d’apartheid.

Il y aura probablement de nombreuses analyses universitaires et politiques des retombées de la Déclaration Balfour sur la Palestine et les pays voisins au cours des cent années écoulées (notamment par des groupes de réflexion tels qu’Al-Shabaka). Le présent propos se veut faire le point sur leurs dimensions culturelles et fournir l’arrière-plan et des arguments pour une telle mise au point en examinant le rôle des Britanniques, à l’époque et aujourd’hui.

Balfour et les origines de la répression culturelle

En dépit de son impact dévastateur sur les Palestiniens, la Déclaration Balfour ne veut pas dire  grand-chose pour la plupart des gens en Grande-Bretagne. Si vous prenez un Britannique moyen dans une rue du Royaume-Uni, et que vous lui demandez ce que peut bien être cette Déclaration, il est quasiment certain qu’il ne saura pratiquement rien de ce document.

Pour autant, le gouvernement britannique n’ envisage pas moins de commémorer le centenaire de la Déclaration en novembre 2017. Plus tôt cette année, l’ancien Premier ministre britannique, David Cameron, déclarait vouloir que cet anniversaire soit commémoré par le gouvernement britannique, conjointement avec la communauté juive, et « de la façon la plus appropriée ». À l’époque, ce qu’il entendait par « appropriée » n’était pas bien clair. Aujourd’hui, nous ne sommes pas mieux informés mais, d’après les rumeurs, les projets pour célébrer l’occasion sont bien en chantier, mais, maintenant, sous les auspices du nouveau et controversé secrétaire d’État aux Affaires étrangères, Boris Johnson.

Dans sa brève mais fatidique Déclaration de 1917, le secrétaire aux Affaires étrangères de l’époque, Arthur Balfour, proclame que le gouvernement britannique « emploiera tous ses efforts » pour faciliter « l’établissement d’un foyer national pour le peuple juif ». Ainsi, avant même que le Mandat britannique ne débute officiellement, Balfour promet la Palestine à la Fédération sioniste, sans même le consentement de ses habitants palestiniens. Son gommage concis de la culture et de l’histoire palestiniennes se retrouve dans le vocabulaire même qu’il utilise, se référant à la population majoritaire, autochtone, uniquement comme à une population « non juive ».

« Le sentiment préjudiciable exprimé par Balfour souligne les relations du Royaume-Uni avec Israël encore à ce jour »

Même si Balfour reconnaît, deux ans plus tard, les habitants de la Palestine, c’est en accordant à leur vie moins de valeur qu’à celle du peuple juif qui va prendre possession de la terre. Il annonce dans un mémorandum, « Le sionisme, à tort ou à raison, qu’il soit bon ou mauvais, puise ses racines dans une tradition ancestrale, dans ses besoins présents, dans ses espoirs futurs, bien plus importants que les désirs des 700 000 Arabes qui habitent alors cette terre antique ».

La conséquence logique de ce déni de la culture et de l’histoire palestiniennes est la dépossession et la dispersion à venir de la population palestinienne, en 1948, suivies de, soit la démolition, soit la judaïsation, des villes et villages vidés de leurs habitants.

Le sentiment préjudiciable exprimé par Balfour souligne les relations qu’a le Royaume-Uni avec Israël encore à ce jour. Par conséquent, il est peu surprenant que le gouvernement n’ait pas consulté la communauté palestinienne au Royaume-Uni avant d’annoncer son intention de célébrer le centenaire.

Néanmoins, les Palestiniens sont d’ores et déjà en train de se mobiliser pour agir contre le Royaume-Uni en raison de son rôle historique dans le dépouillement de la Palestine. L’année dernière, la « Campagne populaire palestinienne d’Égypte pour traduire le Royaume-Uni en justice », a engagé une procédure pour « restaurer le droit du peuple palestinien à sa terre ». En outre, le Président palestinien, Mahmoud Abbas, a récemment annoncé son intention de poursuivre le gouvernement britannique à propos de la Déclaration Balfour. Il accuse également la Grande-Bretagne de soutenir les « crimes israéliens » depuis la fin de son Mandat en Palestine, et il demande à la Ligue arabe d’aider l’Autorité palestinienne à lancer sa procédure.

L’héritage de Balfour et du Mandat britannique comprend une longue histoire de répressions par Israël de l’expression palestinienne, depuis le pillage des bibliothèques palestiniennes et l’emprisonnement des auteurs palestiniens, jusqu’à l’interdiction des activités culturelles palestiniennes et la destruction totale des sites culturels et des écoles à Gaza.

Immédiatement après l’établissement de l’État israélien, en 1948, les Palestiniens qui sont restés à l’intérieur des frontières de ce qui est devenu « Israël », ont l’interdiction d’étudier leur patrimoine culturel héréditaire et de se souvenir de leur passé immédiat.

Une nécrologie de Mahmoud Darwish, en 2008, rappelle comment, alors qu’il avait 8 ans, le jeune poète avait récité un poème lors de la célébration annuelle par son école de la naissance d’Israël, un poème sur l’inégalité qu’il observait entre la vie des garçons arabes et celle des garçons juifs. Peu après, le gouverneur militaire israélien l’avait convoqué. « Si tu t’apprêtes à écrire une telle poésie », lui dit-il, « j’arrêterais ton père qui travaille dans la carrière ». Que la plus simple des vérités soit ainsi énoncée par un enfant palestinien avait manifestement effrayé le gouverneur militaire israélien suffisamment pour qu’il menace les moyens de subsistance de sa famille.

Alors, comme à l’heure actuelle, les autorités israéliennes n’ont pu tolérer l’expression culturelle d’une conscience palestinienne. Darwish continua d’être emprisonné, à cinq reprises, par les autorités israéliennes, essentiellement accusé de réciter une poésie considérée comme séditieuse et nuisible au statut et à la stabilité d’Israël.

Les tentatives d’étouffement de la voix de Darwish se poursuivront au-delà de sa mort. En juillet 2016, le ministre israélien de la Défense, Avigdor Lieberman, va jusqu’à assimiler l’œuvre du poète à Mein Kampf, après qu’une radio de l’armée israélienne, de façon inattendue, eut diffusé le poème de Darwish, « Identité ».  Les propos de Lieberman viennent après que la ministre israélienne de la Culture, Miri Regev, ne lui demande d’arrêter de financer cette station de radio au motif qu’elle « avait déraillé » et fourni une plate-forme au récit palestinien.

Il semble donc que rien n’a vraiment changé depuis les premiers jours de l’établissement d’Israël. Et les récentes initiatives du Royaume-Uni pour faire barrage au boycott culturel et pour étouffer le débat académique montrent une aggravation significative, dans la mesure où la Grande-Bretagne s’implique ouvertement dans la censure de ceux qui s’expriment contre Israël.

La complicité actuelle des Britanniques

Il n’y a pas que des entités professionnelles, comme G4S dans le cas de Dareen Tatour, qui enfreignent la liberté d’expression pour le compte d’Israël. À un moment où la pression internationale sur Israël grandit, le gouvernement du Royaume-Uni et un certain nombre d’institutions britanniques prennent des mesures en sens contraire, pour approfondir leur soutien à l’idéologie sioniste, s’attachant à réprimer la culture et l’histoire palestiniennes.

Les efforts visant à geler le financement des organisations et des productions artistiques jugées « pro-palestiniennes » par la ministre israélienne de la Culture, Miri Regev, suivent derrière la « loi Nakba » de 2011, loi qui permet de refuser le financement des institutions publiques que l’on estime impliquées dans la remise en cause de la fondation d’Israël ou dans une activité « déniant l’existence d’Israël en tant qu’État juif et démocratique ». Cette loi draconienne semble avoir fourni un modèle au gouvernement du Royaume-Uni pour se lancer dans la censure des voix culturelles qui critiquent, en Grande-Bretagne, l’État d’Israël.

Ce développement apparaît en août 2014, quand le Théâtre Tricycle de Londres refuse d’accueillir le Festival du film juif du Royaume-Uni (UKJFF), celui-ci étant en partie financé par l’ambassade israélienne – un refus en réponse aux pertes de vies causées par le bombardement de Gaza par Israël. Le Tricycle va proposer d’apporter un financement alternatif afin de couvrir le coût de la contribution de l’ambassade israélienne, mais l’UKJFF n’est pas disposé à décliner le parrainage de l’ambassade, et il retire son festival au Théâtre.

Le Tricycle subit alors une attaque et bientôt une intervention de la part du secrétaire d’État d’alors, Sajid Javid. Celui-ci et le ministre de la Culture et de l’Économie numérique, Ed Vaizey, vont travailler de concert avec l’ambassadeur israélien du moment, Daniel Taub, pour faire pression sur le Tricycle afin qu’il retire ses objections contre le financement par l’ambassade. Incapable de faire face, à bref délai, aux menaces contre son propre financement, la petite salle retire ses objections et invite l’UKJFF à revenir, aux mêmes conditions que l’année précédente.

« La politique et les pratiques d’Israël ne sont plus simplement ignorées par les ministres britanniques ; elles sont maintenant en cours d’adoption. »

Assistant à un évènement organisé par le Conseil des députés britanniques juifs, en 2015, Javid y fait remarquer que son intervention de l’année précédente a également eu pour but de dissuader les autres organisations d’exercer leur droit au boycott. « J’ai bien précisé ce qui pourrait arriver au financement (du Théâtre) s’il essayait, ou si qui que ce soit essayait, à nouveau, ce genre de chose » dit-il.

Le message de Javid est clair : tout boycott d’Israël par des institutions culturelles britanniques est interdit si elles tiennent à bénéficier d’un financement. La politique et les pratiques d’Israël ne sont plus simplement ignorées par les ministres britanniques ; elles sont maintenant en cours d’adoption.

La position du Tricycle, même éphémère, n’en marque pas moins le début d’un débat public à propos des menaces de ceux qui défendent Israël au gouvernement contre l’indépendance des institutions culturelles au Royaume-Uni. En octobre 2014, une discussion publique intitulée, « Après le Tricycle : les organisations artistiques peuvent-elles dire ‘Non’ à un financement de l’ambassade ? », a lieu au Centre d’action d’Amnesty International. Durant la discussion, la nécessité de stratégies fortes pour contester la pression politique sur les arts devient plus évidente, alors que d’autres cas de censures et de manipulations institutionnelles sont signalés.

Un exemple qui est cité est la décision d’avril 2014 prise par le Donmar Warehouse, un théâtre situé dans le West End à Londres, de censurer un podcast faisant partie d’une série de discussions accompagnant la production de « Versailles », de Peter Gill. Intitulée « Conversations impossibles », la série propose d’éminents commentateurs politiques et culturels qui exploreront les séquelles de la Première Guerre mondiale. Vingt-quatre heures avant l’une de ces discussions – « La lettre de Mr Balfour à Lord Rothschild : Comment la Grande Guerre a recartographié le Monde » -, le Donmar Warehouse reçoit une plainte de l’un de ses bailleurs de fonds qui prétend que l’évènement constitue une attaque contre l’État d’Israël, un rassemblement anti-Israël, et qu’elle est antisémite. La menace de retirer son financement accompagne la plainte, avec la promesse de remettre en cause le financement public des institutions culturelles pour lesquelles le programmeur de l’évènement a travaillé ou exercé des fonctions au titre d’administrateur. Le Donmar Warehouse va réaliser la discussion, mais il choisit de ne pas publier le podcast en ligne avec les autres discussions.

La censure institutionnelle et gouvernementale en soutien d’Israël pénètre aussi la sphère académique. En 2015, Eric Pickles, alors secrétaire d’État des Communautés et de l’Administration locale, fait en sorte qu’une conférence académique sur le statut juridique de l’État d’Israël soit annulée à l’université de Southampton. La conférence prévoit à la fois un Israélien, professeur de droit, et un Palestinien, militant des droits de l’homme, mais Pickles prétend que l’évènement va donner la parole à « un dénigrement d’extrême gauche d’Israël, ce qui tombe souvent dans l’antisémitisme », au lieu d’offrir « une plate-forme pour toutes les opinions au débat ». Michael Gove, alors député responsable des whips, se jette dans la mêlée, déclarant que « ce n’est pas une conférence, c’est une tribune de haine anti-Israël ».

En réaction à l’intervention du gouvernement, l’université va retirer son autorisation pour que la conférence se tienne dans sa propriété pour des motifs de santé et de sécurité. L’université prétend que l’évènement peut donner lieu à des manifestations et qu’elle n’a pas les moyens d’atténuer ce risque, cela malgré une déclaration de la police qui confirme elle-même pouvoir assurer la sécurité de l’évènement. En avril 2016, la conférence est bloquée pour la deuxième année consécutive quand les organisateurs se trouvent dans l’incapacité de régler les 24 000 € que l’université leur demande pour couvrir le coût d’une sécurité privée et de l’installation d’une clôture.

L’implication croissante de la Grande-Bretagne dans la répression culturelle des Palestiniens passe aussi par le refus des visas vers le Royaume-Uni. L’art, la culture et l’éducation contribuent à créer des espaces dans lesquels de difficiles problèmes peuvent être abordés de façon créative – spécialement quand des personnes de milieux et de contextes différents, ensemble, y participent. C’est pour cela qu’il est fait obstacle aux échanges culturels et pédagogiques entre artistes et universitaires palestiniens et internationaux par le régime israélien d’occupation, et ce depuis des décennies. Plus récemment, Israël a interdit à l’universitaire britannique, le Dr Adam Hanieh, d’entrer en Israël ou en Palestine pendant dix ans, après qu’il eut tenté de venir à l’université de Birzeit pour y assurer une série de conférences. Israël refuse aussi, en 2016, l’entrée à l’auteur palestinien Ahmed Masoud, basé au Royaume-Uni, qui veut participer au Festival palestinien de la Littérature en Cisjordanie.

Dernièrement, un nombre grandissant d’articles sont apparus à propos du refus de visas par les autorités britanniques aux artistes et universitaires palestiniens désirant venir en Grande-Bretagne pour participer à des expositions, des productions théâtrales, des prises de parole, et des conférences. Hamde Abu Rahma, photojournaliste palestinien, s’est vu refuser à deux reprises un visa britannique malgré l’appui financier et le soutien que lui apportait un certain nombre de députés britanniques, avant d’être finalement autorisé à venir en Écosse pour le Festival d’Édimbourg de cette année. D’autres refus de visas à des artistes palestiniens ont été rendus publics ces dernières années, et notamment pour Ali Abukhattab et Samah al-Sheikh, deux écrivains qui devaient venir à l’Institut des Arts contemporains dans le cadre du Festival Shubbak, et pour Nabil al-Raee, directeur artistique du Théâtre de la Liberté de Jénine, qui devait prendre la parole à plusieurs évènements au Royaume-Uni. Le système de visa au Royaume-Uni devient aussi, et de plus en plus, un obstacle au développement de partenariats universitaires avec les universités palestiniennes. Du fait qu’il est extrêmement difficile d’obtenir une information claire sur le processus des visas, la capacité des institutions à travailler en collaboration s’en trouve entravée. Les universitaires et étudiants palestiniens sont interdits d’entrée. Selon le Conseil britannique, cette année, et pour la première fois, cinq sur dix de leurs étudiants palestiniens parrainés ont eu un refus de visa.

« Il est essentiel de ne pas décourager les institutions britanniques d’inviter les Palestiniens à participer à leurs activités culturelles. »

Des organisations artistiques et pédagogiques se sont grandement occupées de cette question des accès individuels, avec l’espoir de parvenir à une solution en travaillant calmement avec les autorités britanniques au cas par cas. Les artistes et universitaires israéliens, cependant, ne sont pas soumis aux mêmes restrictions même s’ils viennent des colonies, qui sont illégales, de Cisjordanie. Alors qu’un colon israélien peut tout simplement obtenir un visa à son arrivée au Royaume-Uni, son voisin palestinien, lui, doit passer avant son voyage par tout un processus de demandes, coûteux et compliqué, avec des espoirs de succès qui diminuent au fur et à mesure.

Il est essentiel de ne pas décourager les institutions britanniques d’inviter les Palestiniens à participer à leurs activités, spécialement lorsque le gouvernement britannique sévit contre le boycott culturel et étouffe le débat académique sous couvert d’assurer une plate-forme pour « toutes les opinions ».

Promouvoir la production culturelle palestinienne

Changer les attitudes et les pratiques au Royaume-Uni envers la culture et l’identité palestiniennes, lesquelles sont reléguées à un rôle inférieur depuis l’époque de Balfour, n’est pas une chose aisée. Néanmoins, la société civile palestinienne et les organisations de la solidarité peuvent faire beaucoup, et beaucoup plus encore, dans la dernière ligne droite avant le centenaire de la Déclaration Balfour, pour créer les conditions de la fin tant de la complicité britannique dans la censure des Palestiniens, que de la politique préjudiciable du gouvernement UK en soutien d’Israël.

Une pression publique organisée constitue un élément clé dans la création de telles conditions. L’emprisonnement de la poétesse palestinienne Dareen Tatour a retenu une attention internationale accrue ainsi que le soutien de plus de 250 auteurs, poètes, traducteurs, éditeurs, artistes, intellectuels publics, et travailleurs culturels de renom. Tatour pense que cette réaction internationale peut influer sur le résultat final de son dossier. La « pression publique », dit-elle, « peut contraindre les autorités israéliennes à repenser la persécution des artistes, auteurs, et des jeunes militants palestiniens, juste parce qu’ils expriment leur rejet de l’oppression ». En tant que telles, la société civile palestinienne et les organisations de la solidarité peuvent travailler conjointement pour faire monter la pression internationale pour la libération de Tatour, et travailler aussi à l’intensification de la campagne Stop G4S, en solidarité avec les prisonniers politiques palestiniens.

Plus généralement, ces organisations peuvent également :

-* utiliser les médias, les forums publics, et les autres supports pour accroître la sensibilisation sur l’impact dévastateur de la Déclaration Balfour sur le peuple palestinien par son déni de la culture et de l’identité palestiniennes, et  continuer d’exiger du gouvernement britannique qu’il présente officiellement des excuses ;

-* coordonner une campagne créative de communications publiques se focalisant sur les attaques d’Israël contre la culture et l’histoire palestiniennes, ainsi que sur la légitimité de l’appel de la société civile palestinienne pour le boycott culturel et académique d’Israël tant que celui-ci ne se conformera pas au droit international ;

-* fournir un soutien juridique et autre aux artistes, universitaires et programmeurs culturels confrontés à la pression politique des défenseurs d’Israël, et coordonner des activités afin de mettre fin aux menaces des ministres britanniques contre l’indépendance des institutions culturelles et académiques britanniques ;

-* créer une base de données complète documentant les cas de refus de visas britanniques aux Palestiniens au cours des cinq années passées, afin de faire pression sur les autorités britanniques pour qu’elles traitent les Palestiniens de la même manière que les Israéliens quand ils demandent de venir au Royaume-Uni.

Près de cent ans après Balfour, une chose est sûre : il est temps pour la Grande-Bretagne d’adopter une nouvelle démarche. Le centenaire offre l’occasion, pour le Royaume-Uni, non seulement d’arrêter d’aider Israël dans sa tentative de réduire les Palestiniens au silence et de faire obstruction aux échanges culturels, mais encore de promouvoir activement la production culturelle palestinienne et de veiller à ce que les récits palestiniens soient relatés.

Une campagne très bien coordonnée est nécessaire cependant pour s’assurer que la pression publique est bien mise sur le gouvernement britannique pour qu’il reconnaisse, enfin, l’impact dévastateur de son intervention historique, et qu’il commence à réparer les dégâts de sa complicité, passée et présente, dans la répression et la dépossession toujours en cours des Palestiniens.

Note :

  • – Le cas Tatour est loin d’être un cas isolé. Elle est l’un des nombreux Palestiniens à avoir, dans la dernière période, été arrêtés et emprisonnés pour de telles futilités comme des envois sur Facebook, et le dossier contre elle fait partie d’une longue série d’emprisonnements de poètes palestiniens, dont celui de Mahmoud Darwish, Tawfiq Zayyad, et Samih al-Qasim.

 

Aimee Shalan

 

Membre politique d’Al-Shabaka, Aimee Shalan est directrice de Fobzu (Les Amis de l’université Birzeit), organisme humanitaire basé au Royaume-Uni qui défend le droit à l’éducation des Palestiniens. Elle est également co-fondatrice et directrice de Pressure Cooker Arts, une organisation à but non lucratif d’arts et de plaidoyers. Elle a été auparavant directrice des affaires juridiques à l’organisation Aide médicale pour les Palestiniens, et responsable à l’éducation au Conseil d’entente arabo-britannique. Elle a été une collaboratrice régulière du Guardian et elle a écrit pour une variété de médias. Elle a enseigné aux universités de la City et de la Queen Mary, universités de Londres, et elle possède un doctorat en Politique de la Littérature palestinienne.

Traduction : JPP pour l’Agence Média Palestine

Source: Al Shabaka

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