Charlotte Silver – The Electronic Intifada – 23 novembre 2016
Des habitants d’Umm al-Hiran se tiennent à l’extérieur d’une maison vidée de tout son contenu, le 22 novembre.
Keren Manor ActiveStills
Les habitants d’Umm al-Hiran, un village bédouin palestinien dans ce qui est actuellement Israël, peuvent avoir leurs maisons démolies à tout moment.
Lundi, l’Autorité israélienne de la Terre a annoncé que l’État allait commencer, le lendemain, la démolition du village – qui se trouve dans la région sud du Naqab (Néguev).
Le délai de 24 heures était brutal. Mais il ne tombait pas comme une surprise.
Les gens d’Umm al-Hiran sont soutenus contre la destruction de leurs maisons depuis un an.
En janvier, la Haute Cour d’Israël a rejeté leur ultime tentative de recours contre la démolition prévue de leur village.
À sa place, les autorités israéliennes veulent construire une colonie juive – qu’elles appellent Hiran.
S’attendant aux bulldozers, les habitants d’Umm al-Hiran ont commencé, lundi soir, à traîner leurs meubles hors de leurs maisons. Les familles ont démonté leurs lits, vidé leurs réfrigérateurs et garde-manger, fourré leurs affaires dans des sacs en plastique et plié leur vêtements dans des valises, comme le montre la vidéo ci-dessous :
Vidéo :
De nombreux militants politiques sont arrivés à Umm al-Hiran lundi soir pour passer la nuit avec les villageois et se porter témoins de la démolition.
Les autorités israéliennes ont alors décidé de ne pas envoyer leurs bulldozers. En fin de matinée, mardi, la foule était informée que la démolition avait été reportée.
Dans un message Facebook, Adalah, une organisation qui fait campagne pour les Palestiniens en Israël, attribuait le report de la démolition au large soutien présent dans le village, et dans le monde.
Un soulagement temporaire
La foule s’est réjouie un court moment quand elle a appris que le village était épargné. Mais le soulagement a été de brève durée.
Les intentions d’Israël apparaissent clairement. Durant l’été, les bulldozers israéliens ont commencé par labourer une tranchée autour du village, marquant ainsi ces maisons comme destinées à la démolition.
L’Autorité israélienne de la Terre – un organisme d’État – a engagé un entrepreneur privé pour procéder à la démolition pour le coût de 119 000 shekels (environ 29 000 €). L’organisme a présenté aux villageois une facture correspondant à cette somme – leur faisant payer, de fait, la démolition de leurs propres maisons.
L’ordre actuel de démolition est valable jusqu’à fin novembre, de sorte que les bulldozers peuvent venir n’importe quel jour de ce mois.
Umm al-Hiran abrite 1000 personnes, qui sont des citoyens palestiniens d’Israël. Comme une quarantaine d’autres villages bédouins dans le Naqab, Umm al-Hiran n’est pas reconnu par Israël, et par conséquent, l’État refuse à ses habitants tous les services de base, comme l’électricité et l’eau.
« Les gens sont anéantis et en colère que l’État d’Israël les évacue pour pouvoir construire une ville juive à cet endroit » dit Keren Manor, photographe du groupe ActiveStills. Manor a passé beaucoup de temps cette semaine à Umm al-Hiran.
Le village a perdu la bataille juridique, une bataille qui a duré 13 ans, lorsque la Haute Cour israélienne a autorisé le projet du gouvernement de déplacer ses habitants.
Il aurait été proposé aux gens d’Umm al-Hiran une compensation financière et une bande de terre de 800 mètres² dans la ville bédouine voisine d’Hura.
Un certain nombre de juifs israéliens qui prévoient d’habiter la future colonie Hiran se sont logés dans des caravanes et des maisons temporaires, amenées en 2011 près de la forêt de Yatir, proche d’Umm al-Hiran. Ils attendent pour s’installer sur les décombres d’Umm al-Hiran.
De fausses affirmations
Le gouvernement israélien et le Fonds national juif – un organisme soutenu par le gouvernement, qui œuvre à la colonisation des terres où vivent les Palestiniens – fournissent à ces colons les services de base qui sont déniés aux villages bédouins.
Bien qu’Umm al-Hiran soit habité depuis 1956, c’est-à-dire quand l’armée israélienne y a transféré de force les Bédouins, après les avoir retirés de leur village d’origine Khirbet Zubaleh, la Haute Cour israélienne a jugé qu’ils n’avaient aucun droit sur le village.
Selon Adalah, la cour a conclu qu’Israël avait simplement autorisé les citoyens bédouins à utiliser la terre jusqu’à aujourd’hui, et que l’État était dans son droit de leur retirer une telle permission. Adalah pense que ce raisonnement pourrait servir à déplacer d’autres villages bédouins à l’avenir.
Cette semaine, Adalah a vivement pressé le gouvernement israélien d’arrêter la démolition d’Umm al-Hiran.
Dans une lettre adressée au procureur israélien, Adalah conteste l’affirmation, par les autorités de l’État, qu’une solution aurait été trouvée pour loger les habitants d’Umm al-Hiran. Adalah insiste sur le fait qu’il n’y a aucune solution de relogement dans l’immédiat, et que cette affirmation est fausse.
Pendant ce temps, dans la région de Galilée, dans le nord d’Israël, les autorités ont démoli lundi la maison d’un citoyen palestinien d’Israël, prétendant qu’il ne se serait pas conformé aux règles de la construction.
Mercredi, les forces israéliennes ont aussi démoli trois autres maisons, dans la ville centrale d’al-Lydd, déplaçant 16 habitants.
Abdullah Abu Maarouf, membre de la Knesset, le parlement d’Israël, de la Liste arabe unifiée (une alliance de partis composés essentiellement de Palestiniens d’Israël), a déclaré cette semaine : « Notre premier objectif national est d’empêcher la démolition de toute maison arabe dans le pays, spécialement d’Arabes qui ont construit leurs maisons sur des terres qu’ils ont héritées de leurs ancêtres ».
Maarouf ajoute que si des citoyens palestiniens d’Israël construisent sans le permis, c’est parce que les autorités israéliennes leur refusent très souvent leur demande de permis.
Adalah rapporte qu’en 2015, seulement 4,6 % des maisons nouvellement construites en Israël l’ont été dans des villes et villages palestiniens, alors que les Palestiniens représentent plus de 20 % de la population.
Charlotte Silver est journaliste indépendante et elle écrit régulièrement pour The Electronic Intifada. Elle est basée à Oakland, Californie, et elle écrit de la Palestine depuis 2010. La suivre sur Twitter : @CharESilver.
Traduction : JPP pour l’Agence Média Palestine
Source: Electronic Intifada